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Utiliser les bonnes compositions pour garantir leur pérennité

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Utiliser les bonnes compositions pour garantir leur pérennité

Pour réaliser la coque du péage du viaduc de Millau, 800 m3 de BSI, un béton fibré à ultra-hautes performances, ont été coulés. Il contient suffisamment de fibres métalliques pour s’affranchir d’armatures passives.

© (Doc. Eiffage.)

Vincent WALLER est directeur qualité et technique chez Unibéton, filiale du groupe italien Italcementi. Il garantit ainsi le respect de la politique qualité du groupe en matière de béton, conformément à la réglementation, mais aussi à la certification volontaire NF Bétons prêts à l’emploi.

Aujourd’hui, le béton peut être mis en œuvre dans toutes les situations. Sa résistance mécanique, sa composition, la nature et les dimensions des granulats, ainsi que la disponibilité des matières premières en font un matériau de construction utilisable partout et capable de répondre à tous les besoins constructifs. À condition toutefois de respecter des règles très précises dans sa mise en œuvre et de prendre en compte l’environnement auquel il est soumis, qu’il s’agisse d’air salin ou de cycle de gel/dégel, mais aussi, plus simplement de l’air ambiant.

CONSTAT Quelles sont les pathologies du béton ?

Vincent Waller : Les pathologies du béton sont aujourd’hui bien connues et liées à différents facteurs. Une simple exposition à l’air et au dioxyde de carbone peut suffire à provoquer des problèmes. Ainsi, la carbonatation résulte de la transformation de la chaux (CaO) en carbonate de calcium (CaCO3) sous l’action acide du CO2 de l’air. Cette réaction chimique engendre une dépassivation des aciers d’armatures, qui rouillent et provoquent des éclatements du béton.

Des pathologies peuvent apparaître sur les bétons mis en œuvre dans l’eau de mer, soit à proximité du bord de mer.

L’eau de mer contient des substances agressives, comme des sulfates et des chlorures. Les premiers vont réagir avec l’un des produits de la réaction d’hydratation du béton. On observe alors la création d’un produit gonflant susceptible de provoquer déformations et fissures. Les chlorures vont conduire également à la corrosion des aciers. Cette situation peut concerner tous les bâtiments exposés aux embruns, comme ceux situés à une centaine de mètres du bord de mer. Ce phénomène peut aussi se produire, non plus en milieu marin, mais sur des ouvrages soumis à des cycles de gel/dégel et aux sels de déverglaçage. Lors du salage des chaussées ou lors du passage des véhicules sur une neige fondue chargée de sel, des particules de sel se ­déposent sur les bâtiments situés à proximités et provoquent les mêmes effets. La combinaison des deux agressions accélère encore le phénomène. Les pathologies du béton se retrouvent aussi lorsqu’ils sont exposés à des milieux chimiques particuliers. C’est le cas des containers pour hydrocarbures, ou du stockage de matière agricole. Au bout d’un certain temps, la macération dans les silos de maïs, par exemple, va générer des jus de fermentation acides qui vont dégrader le béton. L’eau pure peut également constituer un ennemi pour le béton par lixiviation : lorsque le béton est en contact avec l’eau, les pores sont saturés. L’eau pure au contact du béton agit comme une « pompe à ions ». Ces derniers migrent des zones de hautes concentrations vers ­celles de plus basses, en l’occurrence vers l’eau pure.

RÉGLEMENTATION Comment prendre en compte ces problèmes ?

Ces pathologies sont très bien connues et prises en compte par la norme NF EN 2006-1 qui date d’avril 2004. L’application de la norme est rendue obligatoire par plusieurs textes, tels que le DTU 21 sur l’exécution des ouvrages en béton ou le fascicule 65 qui porte sur l’exécution des ouvrages de génie civil en béton armé ou précontraint. La norme a mis à jour et complété les dispositions du précédent texte de référence en France, à savoir la norme XP P 18-305 qui remontait à août 1996. Dans le nouveau texte, les responsabilités techniques respectives du prescripteur, du producteur et de l’utilisateur de béton sont spécifiées, qu’il s’agisse de bétons à propriétés spécifiées (BPS) ou de bétons à composition prescrites (BCP). Si la norme détermine la durabilité du béton en fonction de sa résistance mécanique à 28 jours, elle vise à assurer l’adéquation entre les propriétés physico-chimiques du béton et les contraintes qui s’appliquent à l’ouvrage. Les caractéristiques à prescrire dépendent de l’environnement auquel sera soumis l’ouvrage et se traduisent par des spécifications sur la nature et le dosage en ciment, la compacité, la valeur du rapport Eau/Ciment, l’enrobage et la teneur en chlorures dans le béton. Afin d’optimiser les performances et la durabilité des bétons, la norme définit un ensemble de classes d’exposition qui prennent en compte l’environnement dans lequel se trouve la construction et les risques d’agression auxquels elle va être exposée pendant sa durée de service. Six familles sont ainsi définies : • X0 : aucun risque de corrosion, ni d’attaque ;

• XC : corrosion induite par carbonatation ;

• XD : corrosion induite par les chlorures ayant une origine autre que marine ;

• XS : corrosion induite par des chlorures présents dans l’eau de mer ;

• XF : attaque gel/dégel avec ou sans agent de déverglaçage ;

• XA : attaques chimiques.

TECHNIQUE Comment respecter la norme NF EN 206-1 ?

En tant que fabricants de béton, notre savoir-faire consiste justement à utiliser les bonnes compositions, afin de garantir leur résistance aux environnements auxquels ils sont soumis. La principale faiblesse du béton est liée à l’eau résiduelle, qui sert à lui conférer une maniabilité et une rhéologie adéquate. La porosité est la conséquence naturelle de la quantité d’eau utilisée en plus de celle nécessaire à l’hydratation du ciment. Or, le béton résiste d’autant mieux à l’action des eaux agressives, que sa porosité et sa perméabilité sont faibles. Afin de réduire sa porosité, nous réduisons le rapport Eau/Ciment, ce qui va limiter la pénétration d’eau, de CO2, de sulfates, etc. Afin de conserver la fluidité du béton, tout en diminuant ce rapport E/C, nous utilisons aujourd’hui des adjuvants de type plastifiants et superplastifiants. Une fois les proportions optimisées par rapport à l’usage, le deuxième réflexe consiste à modifier la composition des ciments. Il existe des ciments PM pour « prise mer » ou ES pour « eaux sulfatées » qui sont adaptés à ces environnements particuliers. Ces ciments sont un peu plus complexes à développer, plus performants en terme de durabilité du béton et donc plus onéreux. Une autre solution dans les cas des situations de gel/dégel, consiste à utiliser des agents entraîneurs d’air qui vont générer dans le béton une multitude de microbulles d’air régulièrement réparties. Ces microbulles constituent ainsi des vases d’expansion qui absorbent la dilatation de l’eau sous l’effet du gel. Afin de prévenir la carbonatation de la chaux, nous utilisons des ciments qui contiennent moins de chaux, c’est par exemple le cas des CEM III à base de laitiers de hauts fourneaux ou des CEM V, qui comportent laitiers et cendres volantes. Ils sont ainsi moins sensibles à la carbonatation. Enfin, la dernière étape consiste à protéger le béton de l’extérieur grâce à des enduits ou des résines qui empêchent les agents agressifs de pénétrer la matrice.

QUALITÉ Comment l’améliorer sur le terrain ?

Alors que le texte de la norme prend en compte précisément les différentes expositions possibles, il y a toujours des marges d’amélioration. En premier lieu, il s’agit d’informer les prescripteurs qui ne connaissent pas forcément les nouveautés de la norme NF EN 206-1. Il nous arrive encore de recevoir des Cahiers des clauses techniques particulières (CCTP) qui ne prennent pas réellement en compte le milieu dans lequel le béton sera mis en œuvre (bord de mer, par exemple). De notre côté, l’organisation que nous avons mise en place dans le cadre de la norme, mais aussi dans celui de la démarche volontaire NF-BPE (béton prêt à l’emploi), nous permet de garantir un niveau élevé de service à nos clients et de réagir efficacement lorsqu’une erreur est commise. La politique de sécurité dans le cadre du programme « Zéro accident » participe également à cette amélioration permanente de la qualité.

R&D Quels sont les axes de développement des bétons de demain ?

Le béton étant un matériau essentiel pour la construction, les recherches de la profession en la matière sont permanentes et visent aussi bien à améliorer sa formulation que sa mise en œuvre. Ainsi, un objectif est d’améliorer la maniabilité des bétons. Par exemple, les bétons autoplaçants (BAP) représentent moins de 10 % des bétons mis en œuvre en France, contre 30 % dans les pays nordiques. Les BAP permettent de dépasser les contraintes liées à la vibration, synonyme de nuisances sonores sur le chantier et de risques pour les ouvriers. Toujours sur le plan technique, nous cherchons à améliorer la maîtrise du retrait lors du séchage.

Enfin, en matière de développement durable, nous cherchons à améliorer le recyclage des déchets et à utiliser au mieux les matériaux de déconstruction, qui une fois concassés, redeviennent des granulats utiles. Les progrès concernent déjà les ciments qui intègrent moins de clinker et des déchets d’autres industries comme les laitiers de hauts fourneaux, des cendres volantes ou des fines calcaires. En matière d’adjuvants, enfin, de nouvelles molécules sont toujours en développement afin d’améliorer sans cesse les propriétés des bétons.

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