La géothermie est connue du grand public par le prisme de la pompe à chaleur associée à un capteur enterré (ici horizontal). Du fait de l’importante surface qu’il requiert, le captage horizontal est réservé à l’habitat individuel. (Doc. Ciat.)
Christian Boissavy, président de l’Association française des professionnels de la géothermie (AFPG), est aujourd’hui consultant au sein de G2H Conseils après avoir travaillé dans les forages profonds pétroliers.
Technique
Quels sont les différents types de géothermie ?
On distingue d’une part la géothermie de haute énergie, qui permet la production d’électricité pour des installations d’une puissance comprise entre 2 et 200 MWe, d’autre part, la géothermie à usages directs, et la géothermie de très basse énergie, qui trouvent toutes les deux des applications dans le domaine du chauffage des bâtiments.
La géothermie à usages directs fait appel à des ressources chaudes contenues dans des aquifères profonds, à température supérieure à 60 °C et dont l’eau est pompée puis réinjectée dans le même réservoir souterrain. Elle permet par simple échange thermique, comme cela est réalisé en Ile-de-France, de prélever directement des calories sur l’eau chaude pour chauffer des bâtiments neufs ou anciens. Trouver de l’eau suffisamment chaude implique de réaliser des forages de 1,5 à 2 km de profondeur, nécessitant un investissement de l’ordre de 10 millions d’euros pour un doublet de forage... De tels investissements ne peuvent se justifier que pour des réseaux de chaleur représentant 5 000 à 6000 équivalents logements.
La géothermie de très basse énergie utilise de son côté des ressources proches de la surface dont la température, allant de 12 à 30 °C, est insuffisante pour leur permettre d’être directement injectées dans le système de chauffage, c’est pourquoi elle nécessite l’utilisation de Pac. On parle alors d’une géothermie assistée par pompe à chaleur. Cette géothermie peut être envisagée sur 90 % du territoire national, contre 20 % pour la géothermie à usages directs, dont les réserves sont : les bassins sédimentaires (parisien, aquitain), le couloir rhodanien et le graben alsacien.
Très basse énergie
Des systèmes à usages collectif et individuel ?
Sur ces opérations à basse profondeur, deux grandes technologies sont mises en œuvre. La première, qui reprend le principe de la géothermie profonde, comporte un forage pour pomper l’eau et un autre pour la réinjecter avec, à la surface, un échangeur et une Pac. C’est un dispositif assez simple, mais qui comporte une contrainte de place : si le forage de production est trop près du forage de réinjection, on risque de pomper très rapidement de l’eau rafraîchie. Il faut donc éloigner ces deux forages d’une distance d’au moins 50 m dans le cas le plus favorable, jusqu’à parfois plus de 300 m. Ce type de géothermie est destiné au chauffage d’habitats ou d’équipements collectifs (lycée, piscine...) dans le cadre de projets de 50 à 1 500 équivalents logements. La seconde technologie, développée depuis une dizaine d’années, utilise des échangeurs verticaux. Elle passe par des forages d’une centaine de mètres de profondeur qui accueillent des tubes en polyéthylène de qualité eau potable, dans lesquels circule de l’eau en boucle fermée. L’eau se réchauffe en profondeur, les calories étant prélevées sur l’échangeur via une Pac. Offrant souplesse et modularité, cette technique est destinée à l’habitat individuel où deux forages suffisent. Elle est également envisageable pour le collectif et le tertiaire pour des installations de moins de 1 MWth, requérant alors de nombreuses sondes verticales (jusqu’à 200).
Quid de la géothermie horizontale ?
La définition de la géothermie telle que je l’ai ardemment défendue au sein de l’Union européenne concerne tout ce qui se passe en dessous de la surface du sol. Cela comprend donc la géothermie horizontale, qui se situe à moins de 10 m de profondeur, même si celle-ci bénéficie de l’énergie due au soleil. D’un usage strictement limité aux particuliers, la géothermie horizontale se caractérise par de petites puissances et des contraintes d’espace importantes, avec des restrictions en termes de plantation et de pente de terrain.
technique
Quelles sont les contraintes ?
Pour les techniques qui utilisent de l’eau, il faut un espacement suffisant, qui sous-entend une maîtrise du foncier. Pour des forages très profonds, cela ne pose pas de problème car les forages, sont déviés en profondeur. Dans le cas des échangeurs verticaux, il faut également prévoir une distance minimale de 10 m entre deux sondes voisines. Sur un terrain de 5 000 m
Conception
Quel est le dimensionnement optimal d’une installation ?
Dans le domaine collectif ou tertiaire, la réussite d’un projet de géothermie dépend du duo formé par le BET sous-sol et le BET fluides. En général, il est préférable de sous-dimensionner l’installation et de réaliser l’appoint avec une autre source d’énergie (gaz, électricité). On constate en effet que le dimensionnement de l’installation à hauteur de 50 % de la puissance maximale appelée, c’est-à-dire du jour le plus froid, permettrait de couvrir 85 à 90 % des besoins annuels en chauffage.
Maintenance
Des interventions réduites ?
Les doublets géothermiques sur eau comportent une pompe de production pouvant être utilisée à de gros débits. De temps en temps, il faut changer les pompes et nettoyer le forage. Il s’agit d’une maintenance classique qui suppose cependant de pouvoir intervenir à l’aplomb des forages. Les sondes verticales sont des installations qui ne nécessitent aucune maintenance, sinon une visite annuelle. Les ouvrages ont une durée de vie d’au moins cinquante ans. Les fabricants de polyéthylène garantissent leurs tubes sur cent ans.
Qualité
À quelles certifications et garanties faire appel ?
Au niveau des pompes à chaleur, la NF Pac s’applique très bien aux particuliers. Il s’agit d’une obligation normative de qualité performance pour les appareils de puissance inférieure à 50 kW. À noter également l’existence des normes NFX 10 -970 pour la réalisation des échangeurs verticaux et NFX 10-999 pour les forages d’eau. En terme d’installation, il existe le label de qualité QualiPac pour la partie en surface, QualiForage pour les échangeurs thermiques verticaux, ainsi qu’une Charte de qualité des forages du Syndicat des foreurs d’eau. Une des missions de notre association, qui date de 2010, vise en outre la création dans un laps de temps assez court d’une certification pour les installations de géothermie, cela en partenariat avec l’Afpac, l’Ademe et le BRGM. Signalons enfin, la possibilité pour les maîtres d’ouvrage de s’assurer contre les risques géologiques grâce à un fonds spécial, appelé « Saf Environnement », mis en place depuis plusieurs années pour les opérations profondes et redynamisé par l’Ademe en 2006. Le système AquaPac est un dispositif mutualisé du même type, qui s’adresse à la géothermie sur l’eau de faible profondeur.
Perspectives
Quels sont les enjeux de la géothermie pour le Bâtiment ?
La géothermie ne dépend ni des variations saisonnières, ni des différences de températures diurnes et nocturnes et permet, en outre, de disposer d’une ressource renouvelable tout au long de l’année... Un avantage de taille que la géothermie de très basse énergie utilise pour réaliser du chaud comme du froid, avec des coefficients de performance supérieurs à 4 en mode chauffage et des Cop dépassant 15, voire 20 en mode rafraîchissement... Bien qu’elle serve essentiellement à couvrir des besoins en chauffage, la géothermie à usage direct offre également un bilan énergétique satisfaisant avec des Cop supérieurs à 20.
Un autre avantage de la géothermie est sa discrétion. L’aspect négatif : beaucoup de gens sont chauffés par cette énergie renouvelable sans le savoir ! L’un de nos objectifs au sein de l’AFPG consiste à montrer que cela existe et que cela marche bien. Il s’agit aussi de changer l’image d’un domaine qui souffre encore des problèmes techniques rencontrés dans les années 80. Trente ans plus tard, la technologie est arrivée à maturité et la France a aujourd’hui une puissance installée supérieure à celle de l’Allemagne, mais inférieure à la Suède où 85 % des bâtiments neufs sont géothermisés. Si la géothermie a connu dans son ensemble un ralentissement en 2009, les opérations à usages directs sont depuis reparties à la hausse. On peut y voir clairement l’impact du Fonds Chaleur qui a favorisé les projets de grande puissance et les réseaux. En 2010, ce dernier était cependant victime de son succès. L’essentiel de ses financements allant à la biomasse, il ne pouvait financer tous les projets géothermiques...