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Une « surface vivante » à maîtriser

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Une « surface vivante » à maîtriser

Expert près la cour d’appel de Riom, Guy Montoux (1) liste un échantillonnage des traitements esthétiques appliqués aux bétons, et les conditions de leur pérennité.

Les Cahiers techniques du bâtiment :Sur quels facteurs peut-on jouer pour obtenir des bétons différents d’un point de vue esthétique ?

Guy Montoux : L’expression architecturale des matériaux est donnée par la forme, les reliefs, la couleur, les états de surface ou les textures. Pour obtenir ces effets, on peut jouer soit sur la manière de coffrer le béton qui va adopter la forme du moule, soit sur le traitement de sa peau extérieure, après ou durant la phase de durcissement, afin d’en modifier l’aspect. Dans le premier cas, si les modénatures ou les reliefs à réaliser sont très fins et structurés, on doit veiller à la composition du mélange, c’est-à-dire à la grosseur des granulats incorporés qui constituent le squelette du matériau. Autrement dit, les charges seront suffisamment fines pour descendre jusque dans les plus petits interstices. De même, l’incorporation d’adjuvants qui vont rendre le béton plus plastique et plus fluide lors de son malaxage et de sa mise en œuvre, contribue à faciliter son écoulement à l’intérieur de ces modénatures. Il existe une grande variété de moules en bois, en métal, en polyester ou en élastomère. Tout dépend de la structure brute plus ou moins accentuée, prononcée ou fine à obtenir, du budget et de la quantité de surface à couler ! Les surfaces lisses et planes ou avec de grandes courbes ne créent pas de difficultés. En revanche, des pièces très travaillées requièrent pour la plupart des matrices élastomères, voire polyester. À noter que les termes de « bétons froissés ou matricés » définissent la peau coffrante (en fond de moule) qui va reproduire le dessin sur celle du béton.

CTB : Qu’en est-il des traitements esthétiques proprement dits ?

G. M. : Il en existe une très large panoplie. Dans tous les cas, le but consiste à faire disparaître la peau du béton. Mélange de ciment, d’eau et d’éléments fins, cette peau appelée « laitance » se crée lors du moulage, sur la surface en contact avec le moule, ou surface coffrée. C’est la partie la plus fragile car la plus sensible et poreuse. Détruire cette peau met à nu d’abord les sables, puis les graviers et les cailloux, et permet d’obtenir une surface plus ou moins rugueuse, dont la durabilité équivaut à celle des granulats incorporés. Pour le béton sablé, en fonction de la profondeur de frappe, on va utiliser après durcissement du béton une lance de sablage (à base de silice) ou de grenaillage plus puissante (déchets métalliques). Ici, le choix de la couleur, de la forme et de la dimension des granulats incorporés s’avère important, car ce sont eux qui garantissent l’aspect final. Le béton dit « lavé » est obtenu au moment du moulage, par l’application d’un retardateur de prise plus ou moins puissant sur la peau coffrante. Une fois pris, le béton est décoffré puis lavé avec un jet d’eau haute pression, qui dégage les premiers millimètres de grains (jusqu’à 4 mm voire plus) aux endroits traités donc pas totalement durcis. Sur le même principe, le béton acidé a reçu un produit à base d’acide chlorhydrique qui désactive sa surface, soit par badigeonnage et rinçage, soit par trempage et rinçage. Plus l’acide est puissant et plus le temps d’exposition est important, plus la surface est attaquée. Mais cette ­technique qui offre des surfaces très lisses où seule est « cassée » la laitance, tend à disparaître pour des causes environnementales (évacuation des déchets). Le traitement poli, quant à lui, s’effectue par tranchage (ou fraisage) du béton et donc des granulats, avec une première meule diamant. C’est le passage successif de meules de plus en plus fines qui procure la brillance des granulats incorporés, jusqu’au poli marbrier. Ici, la composition du béton vise à réaliser un squelette très serré avec des granulats les uns à côté des autres. La phase intermédiaire qui conserve des rayures en surface est appelée « grésée ». Un béton flammé a fait l’objet d’un chauffage violent puis d’un refroidissement rapide de sa surface. Le choc thermique qui fait éclater les granulats de surface crée une structure très mouvementée, plutôt utilisée au sol. Toujours après durcissement, le béton bouchardé a reçu, pour sa part, un choc mécanique. C’est le nombre de dents en acier sur la tête de marteau (boucharde pneumatique) qui définit l’impact sur les granulats du sol ou des murs. On peut citer également les bétons cirés (passage de meules de finition directement sur la surface) et lasurés (application d’un produit filmogène plus ou moins chargé de pigments), obtenus sans destruction de la surface.

CTB : Hormis ces deux grands volets, existe-t-il d’autres procédés ?

G. M. : L’esthétique des bétons bruts de ­décoffrage ou traités peut également être soulignée par la couleur. Dans le mélange, il s’agit d’adjoindre des pigments minéraux à base d’oxydes métalliques – et non organiques pour une question de stabilité dans le temps. Les couleurs les plus franches ou vives sont obtenues par coloration des bétons à base de ciment blanc. Les bétons gris offriront des teintes plus ternes. De même, les sables « fillérisés », de couleur ocre par exemple, apportent une coloration douce du fait de la quantité possible incorporée, limitée. Les feuilles de papier retardateur sur lequel on a imprimé une photo, par exemple, constituent une autre voie. En fait, la photo est reproduite sur la peau du ­béton, en retardant plus ou moins les parties foncées qui seront ensuite lavées. Enfin, on peut faire appel aux nouvelles générations de béton de type Bfup et Buhp (2) pour réaliser des parements de qualité. Mais hormis la coloration, il s’avère difficile de les traiter compte tenu de leur résistance. En revanche, ils vont s’infiltrer sur des modénatures très fines et structurées, pour obtenir des éléments minces très résistants. De même, les bétons autoplaçants (BAP), caractérisés par leur fluidité, favorisent l’évacuation du bullage de l’air au niveau du malaxage, ­offrant des états de surface améliorés à la mise en œuvre.

CTB : Comment rendre ces surfaces pérennes ?

G. M. : Pour garantir la durabilité des modénatures fines, donc plus fragiles, on recourt à des traitements de type minéralisateurs qui durcissent les petites surfaces et protègent les arêtes. Afin de renforcer localement les bétons, on peut encore incorporer des fibres (polypropylène, fonte, acier, verre). Les bétons obtenus par moulage, donc bruts de coffrage, n’admettent aucune erreur. L’application d’un hydrofuge soit d’imprégnation, soit filmogène, et d’un antigraffiti, est conseillée pour préserver la surface.

Les premiers ont l’avantage de laisser le béton respirer tout en évitant à l’humidité ambiante de pénétrer dans la matière. Les seconds s’appliquent après démoulage et permettent au béton de mieux vieillir, de moins se salir. Il existe aussi des hydrofuges de masse ajoutés au stade du malaxage pour rendre le béton étanche. Par ailleurs, les ­cimentiers ont mis au point des bétons photo­sensibles dits autonettoyants. De l’oxyde de titane est ajouté à la confection de ces bétons, qui permet par un phénomène de photocatalyse, à la fois de détruire la pollution et les bactéries à la surface du ­matériau, et de conserver des surfaces propres dans le temps. D’une manière générale, plus la surface des bétons est rugueuse, plus elle accroît les possibilités d’accroche de la pollution, et plus elle est lisse, plus elle peut être lavée, ne serait-ce que par les eaux de pluie. Les façades exposées à la pluie (ouest), étant a priori plus vulnérables. Tout traitement mécanique implique une protection du béton. La meilleure parade pour ­garantir la durabilité des bétons consiste à réaliser une composition avec un vrai squelette, donc à porosité réduite, puis de protéger la surface avec un hydrofuge, éventuellement un minéralisateur.

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