Un élévateur pour personnes à mobilité réduite (EPMR) est adossé au palais de Chaillot, place du Trocadéro, à Paris (75). L’accessibilité physique est respectée pour faciliter l’accès à la Cité de l’architecture et au Théâtre national. Mais cet appareil qui est exposé aux intempéries, souvent mal utilisé par des personnes impatientes, est souvent en panne. La mise en œuvre de la loi est un projet complexe qui réclame aussi un certain civisme.
© (Doc. H.d’E.)
L’échéance du 1
À sept mois de l’échéance, personne n’est prêt. Pour plusieurs raisons. D’abord parce que la mise en accessibilité des 650 000 établissements recevant du public (ERP) français est évaluée à plus de 20 milliards d’euros, maîtrise d’œuvre incluse. Ensuite, du fait d’une réglementation tardive et surtout complexe. Enfin, parce que très souvent, les architectes et les concepteurs estiment qu’accessibilité rime avec difficulté, dans le neuf, comme en rénovation.
Ceux qui, valides, ne pensent intégrer à leur conception les règles d’accès aux handicapés qu’après avoir élaboré leur projet, s’en sont persuadés. Et dans un sens, ils n’ont pas tort, car ils doivent alors modifier parfois profondément leurs plans pour se conformer à la loi. Mais le raisonnement est fallacieux.
Une loi et des textes complexes
Aujourd’hui, pour les concepteurs, la question ne doit plus se borner à savoir si cette loi est utile ou non, mais comment la respecter dans les temps. Car, contrairement à la loi de 1975 (n° 75-534 du 30 juin 1975), le texte actuel prévoit un calendrier avec des échéances et des sanctions en cas de non-respect des délais. Les règles sont définies dans le Code de la construction et de l’habitation et dans le Code de l’urbanisme, et détaillent les critères d’accessibilité des ERP. Sur « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », rappelons ici la définition du handicap portée par la
Enfin, un arrêté du 11 septembre 2007 définit précisément le contenu (plans, notices) du dossier de conformité des travaux d’aménagement d’un ERP.
Tous concernés : valides et non-valides
À l’heure des réductions budgétaires, cette réglementation complexe est vécue comme une grande contrainte. Or, le législateur l’espérait comme une opportunité. Une opportunité, puisqu’aux yeux de nombreux citoyens, tout le monde est un handicapé en puissance, aussi bien de façon accidentelle que de naissance, aussi bien de façon provisoire que définitive, voire enfin, par sécurité ou confort selon l’âge.
Alors, pas de surprise à voir les « valides » préférer emprunter les accès adaptés lorsqu’ils ont le choix.Les femmes enceintes, les personnes malades ou âgées, les opérés ou les accidentés, les parents de jeunes enfants en poussette, les voyageurs encombrés de valises ou les travailleurs dotés de cartables à roulettes, tous ont, un jour ou l’autre, du mal à se déplacer. Au moins 30 % de la population française peine à franchir des marches et éprouve des difficultés à s’orienter.
Enfin, l’accessibilité ne concerne pas seulement la motricité. Les architectes et les concepteurs oublient d’intégrer les déficiences visuelles, auditives, voire intellectuelles. Résultat : on sait déjà que les gestionnaires des 656 000 ERP recensés en France (voir l’encadré p. 47) ne seront pas au rendez-vous. Une étude réalisée en mars 2013 par Claire-Lise Campion, sénatrice de l’Essonne le confirme (3).
Elle précise que « près de 330 000 ERP ont fait l’objet de travaux d’ensemble ou partiels, y compris des ERP de catégorie 5 (qui ne sont pas tenus d’effectuer un diagnostic).» De son côté, l’Association des paralysés de France (APF) estime que seuls 15 % des ERP sont aux normes d’accessibilité.
Une ordonnance pour assouplir la loi dès cet été
Alors, comment agir pour mobiliser les maîtres d’ouvrage ? Plutôt que de reporter simplement l’échéance du 1
L’étude des demandes se fera sur un simple dossier déclaratif d’intention de travaux, éventuellement complétée par des visites sur place. Mais on imagine mal que ces commissions puissent avoir le temps de traiter plusieurs centaines de milliers de dossiers, dans le délais d’un an prévu par le législateur. Cela signifie que l’examen des demandes se fera à la va-vite, et qu’elles seront acceptées systématiquement sans réellement approfondir la faisabilité ou la bonne conception des travaux envisagés.
Voilà pourquoi le législateur compte aussi alléger certaines dispositions trop contraignantes et régulièrement dénoncées par les donneurs d’ordre. Dans la pratique, il s’agit de valider les aménagements inscrits dans la démarche dite « Regard croisés ».Elle est élaborée par la Délégation ministérielle à l’accessibilité (DMA) avec les associations de handicapés et les professionnels du bâti.
Le but est d’aboutir à des consensus et à une certaine normalité dans les dérogations qui seront attribuées lors de l’analyse des dossiers par la CCDSA. « Regards croisés » traite quatre thèmes : disproportion manifeste entre la mise en accessibilité et ses conséquences, accès à l’ERP depuis le trottoir (domaine public), circulations horizontales et largeur des allées dans les ERP marchands, définition des sanitaires à usage commun dans les ERP.
Pour autant, tous les problèmes ne sont pas réglés, notamment sur certains points précis. Comme par exemple celui d’autoriser des aires de rotation réduites à 1,40 m dans l’existant au lieu de 1,50 m partout ailleurs, ou des allées réduites à 90 cm avec 110 cm en zone basse, mal adaptées à la majorité des fauteurs roulants du marché.
Enfin, les maîtres d’ouvrage ne pensent trop souvent qu’aux seuls handicaps de mobilité. Les personnes malvoyantes ou malentendantes ont besoin d’équipements adaptés. Or, la réalisation de peintures contrastées est souvent oubliée, les boucles magnétiques sont mal montées.
Reste un credo : faire simple et efficace, et surtout, réaliser des projets utiles à tous qui ne se présentent pas de façon trop ostensible comme « adaptés » aux handicapés. On voit parfois de splendides « plans tactiles » particulièrement inutiles dans un sanitaire, mais qui n’en font pas moins la fierté de leurs concepteurs.
20 ans pour traiter tous les ERP | ||
Date/échéance | Disposition applicable | Références |
11 février 2005 | Signature et promulgation de la loi. |
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12 février 2005 | Création des commissions communales d’accessibilité dans les communes de plus de 5 000 habitants. |
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21 octobre 2006 | Les locaux où sont implantés les bureaux de vote doivent être accessibles le jour du scrutin. |
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1 | Mise en accessibilité obligatoire pour tout ERP neuf. |
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1 | Dans les bâtiments des préfectures, l’ensemble des prestations offertes doit être rendu accessible dans, au moins, une partie du bâtiment. |
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1 | Obligation de formation à l’accessibilité des architectes et des professionnels du cadre bâti. | Articles R. 335-48 à 335-50 du Code de l’éducation |
1 | Établissement d’un diagnostic accessibilité pour les ERP de catégories 1 et 2, et tous les ERP de l’État. |
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1 | Obligation d’accessibilité des services ouverts au public dans les préfectures et établissements d’enseignement supérieur de l’État. |
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Été 2014 | Parution de l’Ordonnance sur l’accessibilité encadrant le statut de dossiers Ad’AP | Ordonnance sur les Ad’AP (été 2014) |
1 | Tous les ERP de catégories 1 à 5 doivent répondre aux exigences de la loi sur l’accessibilité, sauf s’ils ont déposé une déclaration ou s’engagent dans une procédure d’Ad’AP. | Articles |
Été 2015 | Date limite de dépôt d’une procédure d’Ad’AP. Décision préfectorale délivrée sous quatre mois. | Un an après la publication de l’Ordonnance sur les Ad’AP (été 2014) |
2016-2017-2018 | Date limite de réalisation des travaux d’accessibilité prévus dans ERP de catégorie 5 isolés, selon décision préfectorale. | Précisé dans l’ordonnance sur les Ad’AP (été 2014) |
2021 | Date limite de réalisation des travaux d’accessibilité prévus dans les ERP de catégories 1 à 4. | Précisé dans l’ordonnance sur les Ad’AP (été 2014) |
Fin 2024 | Date limite exceptionnelle des travaux d’accessibilité pour les cas complexes de patrimoine important. | Précisé dans l’ordonnance sur les Ad’AP (été 2014) |
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