Interview

Une notion que la RT 2012 ne doit pas occulter

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Une notion que la RT 2012 ne doit pas occulter

Cette partie d’entrepôt transformée en loft a nécessité le traitement acoustique des parois séparatives, des planchers et des plafonds. Pour cela, le maître d’ouvrage a eu recours, entre autres, aux plafonds, caissons acoustiques, au Placo Duo’Tech 25 et à la laine de roche. (Doc. Placo.)

Aline Gaulupeau, est ingénieur-conseil en acoustique au sein de la société Peutz depuis 2006. Auparavant au Bureau Veritas, elle était notamment spécialiste nationale de l’activité acoustique. À ce titre, elle a été rédactrice des fiches acoustiques du Guide Veritas des techniques de la construction aux éditions du Moniteur. Membre du groupe d’experts acoustiques Qualitel depuis 1994, elle participe également, depuis 1997, aux travaux de la commission technique du Conseil national du bruit (CNB). Elle est aussi membre de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), nommée par la ministre de l’Environnement en octobre 2009.

ÉTAT DES LIEUX

Où en est la réglementation acoustique ?

La dernière réglementation acoustique, qui date de 1999, était une retranscription de celle de 1994 dont elle a repris les exigences qui, pour le moment, ne sont pas remises en cause. Néanmoins, un travail a été entrepris en 2011 par la DHUP (1) pour voir dans quelle mesure elle pouvait être améliorée, entre autres, par rapport aux bruits de choc, car les seuils réglementaires ne sont pas vraiment satisfaisants en terme de ressenti. C’est vrai que le respect de la réglementation, qui est techniquement assez facilement atteignable, ne suffit pas toujours à procurer une sensation de confort aux occupants. Le travail consiste à descendre de 58 à 55 dB, pour atteindre le seuil actuel de la certification Qualitel. Concernant les bruits aériens, le niveau des seuils réglementaires satisfait davantage le confort des occupants. Seul point noir, l’isolement entre les logements et les circulations à cause de la porte d’entrée. L’isolement entre deux logements et les circulations, prévu à l’origine à 53 dB(A), a été abaissé à 40 dB(A) car trop difficile à obtenir. La suppression progressive dans les programmes des entrées « sas » qui compensaient le déficit, remet au goût du jour cet inconfort acoustique. Il est donc, là aussi, question de relever ce seuil à 45 ou 46 dB(A).

PERSPECTIVES

Il n’y a donc pas beaucoup de changements à attendre ?

L’obligation, à partir de 2013, de délivrer une attestation de prise en compte de la réglementation acoustique, va faire bouger les choses. Cela concerne les bâtiments collectifs soumis à permis de construire, ou les maisons individuelles accolées ou contiguës à un local d’activité, ou superposées à celui-ci. Notons que cette attestation sera demandée en phase conception, pendant la phase chantier et lors de la livraison de l’ouvrage, ce qui impose un suivi de chantier.

MODES CONSTRUCTIFS

La généralisation des Bâtiments basse consommation (BBC) a-t-elle une influence sur l’acoustique des bâtiments ?

La RT 2012 a une influence sur les modes constructifs, donc sur l’acoustique. Cela va nécessiter un dialogue plus important entre le thermicien et l’acousticien ce qui est positif. Le problème qui risque de ne pas s’arranger est que les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre se focalisent sur la réglementation thermique. Je pense qu’il aurait été préférable, comme cela avait été prévu dans un premier temps, que les deux réglementations évoluent en même temps. Cela aurait permis d’avoir une réflexion commune tenant compte de ces deux paramètres.

CONSÉQUENCES TECHNIQUES

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de conséquences positives ou négatives sur le plan technique ?

Si l’on prend l’exemple des planchers d’étage, il n’est pas dans les habitudes françaises de prévoir une chape flottante sur isolant épais. Pourtant, ces dernières ont des qualités indéniables pour limiter les bruits de choc. Avec l’évolution de la Réglementation thermique, ce sont des systèmes que nous commençons à voir plus souvent. En revanche, il y a un risque de dégradation des qualités acoustiques par le choix des isolants. Avec la nouvelle réglementation, le choix se porte davantage sur des PSE que sur des laines minérales, qui sont moins performantes sur le plan thermique à épaisseur égale, mais plus performantes sur le plan acoustique. Il y a donc un risque de dégradation de l’acoustique des bâtiments. Avec l’isolation thermique par l’extérieur, le choix de l’isolant a moins d’importance pour l’acoustique. En revanche, il peut y avoir des problèmes de transmission latérale. Pour être sûr de les éviter, il serait préférable de prévoir des voiles béton de 20 cm, plutôt que 16 cm, comme actuellement. La problématique est la même avec les blocs à isolation répartie (monomur terre cuite, pouzzolane ou béton cellulaire), l’isolement latéral n’est pas bon. Avec la construction bois, les choses vont plutôt dans le bon sens et la préfabrication est un avantage pour gérer les problèmes de jonction entre façade, plancher et cloison. Autre point, la mise en place de rupteurs de pont thermique en nez de plancher est une source de pont phonique. Leur présence rend indispensable la présence d’un doublage intérieur thermoacoustique. Au niveau des baies vitrées, réglementations thermique et acoustique vont dans le même sens dans la recherche de l’étanchéité entre dormant, ouvrant et tableau. Le triple vitrage, lui, n’est pas un problème pour les isolements courants. En revanche, au-delà de 35 dB, l’isolement devient problématique.

SYSTÈMES

Et du côté des équipements techniques ?

Il avait été envisagé que la réglementation acoustique renforce les exigences bruit pour les systèmes de ventilation, notamment pour les ventilations double flux. Les usagers ne sont pas habitués à avoir des bruits de ventilation dans les chambres par exemple. Dans ce domaine, outre la mise en place de pièges à sons et la réalisation d’un réseau continu sans accident, c’est le dimensionnement de l’installation et le local technique qui conditionnent le confort acoustique. Pour le dimensionnement, trop d’air et de vitesse apportent du bruit. Le choix du local technique est également capital. Nous avons besoin d’espace et d’accessibilité pour la mise en place des pièges à sons. Là encore, si on veut éviter les problèmes, un dialogue entre tous les intervenants est nécessaire, le plus en amont possible du chantier.

SECTEUR TERTIAIRE

La problématique est-elle la même pour ces immeubles ?

L’approche n’est pas très différente, il y a cependant des singularités. Par exemple, le traitement d’air est une donnée commune mais à plus grande échelle. Pour obtenir un bon résultat, il importe qu’il y ait cohérence dans les matériels utilisés par les entreprises. Il peut y avoir des incompatibilités, donc des désagréments acoustiques. Par exemple, de plus en plus de programmes de bureaux en blanc sont livrés sans plafond technique, ni absorbant. La dalle est à nu, afin de pouvoir bénéficier de l’effet d’inertie recherché dans les constructions BBC. Or, pour l’acoustique, nous avons besoin d’absorption en partie haute. Pour y parvenir, nous mettons de plus en plus souvent en place des îlots d’absorption acoustique au-dessus des espaces bureaux comme cela se pratique au-dessus des caisses dans les supermarchés, afin de concilier inertie de la dalle et acoustique. Cette configuration fonctionne bien, y compris pour les centres d’appel… À condition bien sûr que des cloisonnements spécifiques aient été réalisés.

diagnostic acoustique

Et la rénovation de l’existant ?

Dans ce domaine, il y a une jurisprudence : la rénovation ne doit pas dégrader les performances acoustiques de l’existant. Cela rend quasiment obligatoire le diagnostic acoustique avant d’engager les travaux. Il s’agit de trouver le bon équilibre. Il est important que ce diagnostic soit réalisé en même temps que le diagnostic thermique. Le diagnostic doit aussi mettre à jour les défauts sources de ponts phoniques, tels les problèmes de jonction entre le refend et la façade. En fonction des résultats des uns et des autres, nous fixons des objectifs qui maintiennent l’équilibre entre les bruits extérieurs et intérieurs. Le problème numéro un, c’est le changement des baies vitrées par d’autres plus étanches, ce qui améliore l’isolement par rapport aux bruits extérieurs, mais fait ressortir les bruits intérieurs. Dans les évolutions, en neuf ou rénovation, il y a également les contraintes liées à l’accessibilité. Notamment la problématique des douches à l’italienne. Aujourd’hui, nous n’avons pas vraiment de solutions techniques fiables pour régler les problèmes de transmission de bruits à ce niveau, en raison de l’intégration du siphon dans la dalle. L’une des solutions consiste à prévoir l’aspiration de l’eau pour revenir dans un cas de figure traditionnel.

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