Après
© (Docs. ADAGP-Goldet.)
Cet immeuble parisien transformé en bureaux de luxe bénéficie d’un puits de lumière orné d’une mantille apportant une lumière naturelle scintillante.
Il faut avoir connu ce lieu autrefois, ou bien faire un bel effort d’imagination pour se représenter ce bâtiment dans son état à la fin des années 2000, avant sa complète transfiguration. Ces entrepôts des Galeries Lafayette (Paris, ixe arr.) avaient été bâtis dans les années 1910. Au cours d’un siècle d’activité, ils avaient successivement abrité des espaces de stockage, des bureaux, des magasins, des ateliers, des stationnements et divers usages relevant de la logistique.
Lors d’une importante rénovation dans les années 1960, l’essentiel des façades légères d’origine avait disparu, au profit de bardages supposés plus efficaces et modernes. De même, l’élégante structure métallique (poteaux-poutres triangulées) avait été dissimulée par de lourdes maçonneries. Quand le Groupe Carlyle le rachète en 2007, ce vaste « hôtel industriel urbain » est à l’abandon.
L’architecte Franck Hammoutène a voulu revaloriser le potentiel de ce bâtiment, enclavé dans l’épaisseur d’un îlot parisien, en révélant la modularité de sa structure, la transparence et la luminosité de son épiderme, la lisibilité de son organisation spatiale. Au total, le programme comprend trois ouvrages : un immeuble classique de la seconde moitié du xixe siècle au 38 rue Blanche, un deuxième issu de la surélévation d’une maison de la fin du xviiie siècle au 36, et le bâtiment principal - objet de cet article - au 32.
Des brise-soleil lumineux
Le but de l’opération étant de créer un immeuble de bureaux de haut standing, la nécessité de faire entrer la lumière naturelle dans le cœur du volume s’est imposée comme une priorité. L’idée d’un patio-puits de lumière répond à cette exigence, en la transcendant par une mantille, nommée le « Serdal », qui se présente comme une volute de disques de verre se déployant sur la hauteur de 8 étages, depuis le rez-de-chaussée jusqu’à une terrasse de 1 000 m² offrant une vue à 360° sur Paris. L’espace perdu dans le vide du patio a été compensé par la création d’un niveau supplémentaire.
Le patio occupe une position « stratégique » dans un bâtiment édifié sur un plan complexe et contraignant. L’unique façade avec accès sur rue à l’ouest est relativement étroite (25 m). Implanté en retrait d’un vaste porche, le hall d’entrée en pente douce ouvre sur un espace au périmètre irrégulier, une sorte de trapèze déformé, dont la pointe la plus avancée est distante d’environ 70 m de la rue, alors que la grande largeur du volume, sur un axe nord-sud, atteint 80 m. Au rez-de-chaussée, le patio est situé au centre d’un espace fluide et convivial, dans l’esprit d’un « hôtel tertiaire de luxe », auquel ne manquent ni un lobby, ni un restaurant. De même, dans les étages, les plateaux d’environ 2 500 m² s’organisent autour du patio. Celui-ci, en forme d’obus arrondi face au nord, s’inscrit dans un rectangle de 16 x 18 m. Cette configuration courante dans les bâtiments de forte épaisseur est ici atypique, puisqu’au vide habituel est substitué un « plein » de lumière scintillante. Les propriétés optiques de la mantille sont renforcées par la mise en place à sa base d’un miroir circulaire de 15 m de diamètre, incliné de 20° sur l’horizontale.
Détail emblématique du soin apporté au traitement de la lumière naturelle dans ce projet, des effets assez similaires à ceux générés par la mantille sont obtenus avec des tubes en métacrylate superposés dans les niveaux supérieurs de la façade rue Blanche. Là encore, une matière transparente voit son comportement modifié par une forme cylindrique, qui démultiplie les reflets, afin de limiter les risques d’éblouissement et de protéger l’intimité des bureaux par rapport aux fenêtres de l’immeuble présent de l’autre côté de la rue. Jean-Pierre Ménard