La maison est nichée en pleine nature sur un terrain de 1 200 m2 en Haute-Bavière, au pied du lac d’Ammer. Avec près de 170 m2 de surface vitrée, des balustrades, elle est dotée d’une terrasse en pierre acrylique qui s’harmonise aux sols intérieurs en résine époxy blanche… Karl Dreer voulait prouver qu’une maison peut être pensée et construite comme une seule et même pièce, dans un délai de construction très court.
En Haute-Bavière, une maison individuelle a été réalisée en grande partie, à l’intérieur comme à l’extérieur, avec un « Solid Surface », matériau mêlant bauxite et résine acrylique, qui se travaille comme le bois. Blancheur et design minimaliste caractérisent cet ouvrage singulier.
«L’idée était de construire une maison en utilisant de nouveaux matériaux et systèmes constructifs, le tout avec une architecture aux lignes épurées et en cherchant à réduire au maximum la consommation d’énergie », explique Karl Dreer, ébéniste allemand. Pour mener à bien son projet situé en Haute-Bavière, il a choisi d’exploiter les nombreuses possibilités d’un matériau novateur qu’il connaît bien: le « Hi-Macs ». Un grand nombre d’entreprises qui transforment cette pierre acrylique sont, en effet, des ateliers de menuiserie, à l’image de celui qu’il dirige.
Mis au point par la société coréenne LG Hausys, le Hi-Macs est composé à 70 % d’hydroxyde d’aluminium (ATH), extrait de la bauxite (poudre de pierre naturelle), 25 % de résine acrylique (Polyméthacrylate de méthyle ou PMMA), 2 % de pigments naturels et 3 % de liant. Il se décline en plus de cent coloris, mais onze seulement sont préconisés pour les aménagements extérieurs.
Comme le Corian de DuPont de Nemours, il s’agit d’une nouvelle génération de « Solid Surface » (voir encadré) qui s’adapte à de multiples applications. Très prisée pour les équi-pements de cuisines et salles de bains (éviers, vasques, plans de travail), le mobilier design et l’aménagement intérieur (1), la pierre acrylique est également utilisée en revêtement de façade.
Ossature en bois lamellé-croisé
Karl Dreer a confié la maîtrise d’œuvre du projet au bureau d’architectes Felix Bembé et Sebastian Dellinger, basé à Greifenberg en Allemagne. S’opposant à l’architecture traditionnelle de Haute-Bavière avec ses fenêtres de bois sombre et ses toits typiques en bâtière (2), la construction géométrique (380 m2), à l’esthétique épurée, s’inspire du Bauhaus.
Le corps du bâtiment, un rectangle agrémenté de nombreuses baies vitrées (au total, environ 170 m2 de vitrage, dont 70 m2 aux étages) se prolonge par une dépendance de 55 m2, ouverte sur la terrasse. Il est surmonté de deux tours cubiques identiques (80 m2 chacune) qui s’articulent de manière à former un patio à l’étage inférieur.
L’ensemble du gros œuvre est réalisé en panneaux de bois lamellé-croisé (Cross-Laminated Timber – CLT) de marque KLH (Kreuz Lagen Holz). Certifiés PEFC, ils sont constitués de planches d’épicéa, empilées perpendiculairement (à 90°) et collées entre elles sous haute compression pour former des éléments en bois massif de grand format (colle polyuréthanne monocomposante, sans solvants, ni formaldéhyde). Les panneaux comprennent communément 3 à 7 plis (ou plus) dont l’épaisseur varie de 20 à 40 mm.
« Comparé aux produits en bois habituellement employés en construction, le KLH permet de multiplier les possibilités de transmission de charge », explique Karl Dreer. Trois semi-remorques ont livré sur site les pièces de charpente découpées. Et le bâti a été monté en quelques jours. Un système d’isolation par l’extérieur – des panneaux de fibres de bois en deux couches, au total 160 mm d’épaisseur (Inthermo) – a ensuite été fixé sur l’ossature bois, puis recouvert en partie de fines plaques de Hi-Macs.
Forte résistance à la charge et à l’humidité
À l’intérieur comme à l’extérieur, différentes structures ont été réalisées en pierre acrylique : habillage des balustrades, terrasse et aménagement des pièces à vivre. « Ce matériau permet de modeler la forme de chaque objet, qu’il soit soumis à des intempéries inhabituelles, à une humidité élevée ou à une énorme sollicitation », précise Karl Deer.
Les plaques de différentes épaisseurs selon l’ouvrage (12 mm pour les balustrades et le palier extérieur, 6 mm pour la terrasse) sont directement collées sur un fin treillis métallique fixé à une armature d’acier.
Le matériau est presque aussi solide que la pierre. Mais il se travaille et se transforme comme du bois. Ainsi, il peut être fraisé avec une scie à format, une scie à pont, une scie circulaire de table ou une fraiseuse à commande numérique par calculateur. « Après avoir découpé, poncé et nettoyé les bords, on procède au thermocollage : les plaques sont maintenues ensemble avec des serre-joints et un cordon de colle est appliqué sur toute la longueur de la partie à coller. Une fois la colle séchée, l’excédent est retiré avec une fraise à surfacer, un petit rabot à angle faible ou un couteau bien coupant. Les joints sont ensuite lissés par ponçage jusqu’à ce qu’ils deviennent invisibles, ou polis pour certaines applications. Une finition semi-brillante est obtenue en ponçant à la ponceuse orbitale en trois ou quatre étapes avec un papier de verre à grain fin (de 100 à 380). En chauffant le matériau au four, on peut le mouler à volonté », indique le fabricant.
En outre, le Hi-Macs possède des propriétés naturelles de contraction et d’expansion liées aux changements de température. À l’extérieur, son expansion thermique est de 30 x 10-6 m/°C.
Parois et mobilier sans joints apparents
Le rez-de-chaussée de la maison (220 m2) accueille un vaste salon-cuisine et salle à manger. Une sculpturale cheminée à foyer ouvert, posée au sol, fait office de séparation entre les deux pièces. À l’étage, la tour de droite abrite une suite parentale avec salle de bains, tandis que la tour de gauche est réservée à un espace fitness/sauna et au bureau. Toutes les pièces présentent des aménagements et du mobilier en pierre acrylique.
Le souhait du maître d’ouvrage était d’utiliser une palette de couleurs très restreinte à l’intérieur, comme à l’extérieur. Pour optimiser la lumière naturelle, les murs en panneaux de MDF sont revêtus de peinture laquée blanche. Ces imposantes surfaces laquées sans joints apparents cloisonnent l’espace et s’ouvrent à intervalles réguliers, à la manière de grandes portes battantes permettant d’accéder au local technique ou aux placards, habilement dissimulés (tous les rangements sont invisibles).
L’espace bénéficie de perspectives ouvertes qui donnent l’illusion d’une grande longueur ou profondeur grâce à de nombreuses baies vitrées sur châssis en aluminium, la plupart équipés de triples vitrages (3 x 8 mm) avec lame d’air de 14 mm, dotés de protection solaire intégrée. Malgré l’importance des surfaces vitrées, la maison présente une isolation thermique et acoustique des plus performantes (40 W/m2).
Côté équipements, un chauffage par le sol assure le confort d’une chaleur homogène. Une pompe à chaleur air/eau avec une VMC double flux contribue aux économies d’énergie. Diffuseurs et soupapes à disques d’air sont intégrés au plafond suspendu. La température, l’éclairage et le réglage du dispositif de protection solaire sont commandés par un système de BUS, de façon centralisée et/ou indépendante. Dans chaque pièce, le pilotage et la visualisation des données sont accessibles sur un écran tactile. Une aspiration centralisée est également installée. Terrasse, piscine et annexe de 55 m2 exploitant également la pierre acrylique, complètent l’ensemble.
« Si j’ai autant cherché à harmoniser l’intérieur et l’extérieur, c’est que je voulais prouver qu’une maison peut être non seulement pensée, mais également construite comme une seule et même pièce dans un délai de construction très court, de quelques semaines », explique Karl Dreer.