Les chaufferies de réseaux de chaleur exploitant des puits géothermiques font un usage direct de la chaleur des nappes aquifères profondes. Un échangeur de forte puissance réalise le transfert thermique de l’eau de nappe vers la boucle d’eau qui alimente les sous-stations des bâtiments raccordés au réseau. (Doc. Semhach.)
Moins « tendance » que d’autres énergies renouvelables, la géothermie fait pourtant partie des priorités de la politique énergétique nationale, afin de satisfaire les besoins en chaleur. L’usage direct pour l’alimentation de réseaux de chauffage urbain, ainsi que la valorisation des calories du sous-sol à l’aide de pompes à chaleur sont les applications les plus prometteuses.
Plutôt que de parler de la géothermie, il serait plus opportun de parler « des » géothermies. En effet, si, étymologiquement, le terme désigne la « chaleur de la terre », la famille des géothermies inclut de nombreuses applications : production de chaleur, de froid, mais aussi d’électricité.
Toutes ces filières reposent sur un « moteur » commun, appelé « gradient géothermal », un gradient de température qui augmente à mesure que l’on creuse profondément dans la croûte terrestre (à raison, en moyenne de 4 °C par 100 mètres). Pour une large part, ce gradient résulte des flux de chaleur engendrés par l’activité du noyau du globe terrestre.
Les différentes applications de géothermie correspondent au niveau de profondeur considéré. Ainsi, il est possible, à plus de 4 000 mètres de profondeur, d’exploiter des réservoirs d’eau à 200 °C prise dans les roches fracturées pour produire la vapeur nécessaire à l’entraînement d’une génératrice d’électricité. Une installation pilote de ce type est en phase d’expérimentation depuis 2000 à Soultz-sous-forêts (67). En remontant le gradient géothermal vers la surface de la terre, des nappes aquifères à des températures de l’ordre de 80 °C peuvent être pompées pour produire de la chaleur distribuée à l’échelle d’un quartier. Cette application, dite « basse énergie » ou « profonde », a connu un réel engouement en France à l’orée des années 1980, à la suite du deuxième choc pétrolier. Enfin, à l’extrémité supérieure du gradient géothermal, au niveau des couches les plus superficielles de la croûte, le sous-sol constitue un réservoir d’énergie pouvant être valorisé à l’aide de pompes à chaleur. Cette énergie ne résulte pas de l’activité du noyau terrestre, mais du rayonnement solaire. À ce titre, l’appellation « pompe à chaleur géosolaire » se retrouve en lieu et place de « Pac géothermique », lorsque le capteur enterré est de type horizontal.
Bénéficiant d’une trentaine d’années d’expérience, les géothermies ont plus que jamais leur rôle à jouer dans le confort thermique des bâtiments, a fortiori dans le neuf.
Le « réseau de chaleur » par géothermie profonde
La géothermie profonde jouit en France d’un savoir-faire éprouvé depuis plusieurs décennies. Tirant parti de nappes aquifères contenant de l’eau pouvant atteindre les 85°C, cette technique s’est développée dans le Bassin parisien de par le gisement dont elle bénéficie. Son sous-sol et en effet traversé de plusieurs aquifères, dont le plus superficiel, le Dogger, est situé à environ 1 800 mètres en dessous du niveau de la mer. La plupart des forages réalisés en Île-de-France au début des années 80 (dont quasiment tous sont encore en cours d’exploitation) puisent leur eau chaude dans la nappe du Dogger.
Dans une moindre mesure, la région Aquitaine dispose elle aussi d’un potentiel exploitable en géothermie profonde. Une dizaine de réseaux de chauffage urbain y sont ainsi alimentés par une eau chauffée à l’aide d’un forage géothermique.
Émetteurs : privilégier la basse température
À la différence des projets situés dans le Bassin parisien, les « gîtes » géothermiques de la région Aquitaine ne recourent qu’à un seul puits pour alimenter le réseau de chaleur associé. Tandis qu’en région parisienne, c’est la technique du « doublet » qui est systématiquement mise en œuvre. Soit un puits de pompage, équipé d’une pompe immergée, et un puits de réinjection, généralement distant de plus de 1 000 mètres, afin que l’eau réinjectée, de température plus faible, ne dégrade pas le gisement au niveau du puits d’extraction. L’eau de nappe extraite par la pompe immergée circule dans un échangeur thermique de forte puissance en titane, capable de résister à la corrosion. Du fait de la forte salinité de l’eau du Dogger, des inhibiteurs de corrosion sont injectés dans les puits pour préserver les tubages, réalisés en acier.
L’échangeur thermique de la centrale transmet les calories de la nappe à la boucle d’eau du réseau de chauffage urbain, qui elle-même alimente les sous-stations de chaque bâtiment raccordé.
Comme l’explique Jean Lemale, ancien expert « géothermie » de l’Ademe dans un cahier pratique consacré à la géothermie édité par le Moniteur : « Il est important de privilégier le raccordement de bâtiments équipés d’émetteurs basse température pour que la géothermie couvre les besoins de chaleur. Car, selon les conditions de température extérieure, la température de la boucle d’eau à l’entrée de la sous-station est inférieure au régime de température des radiateurs (70 °C à l’entrée, 60 °C à la sortie). En revanche, note-t-il, elle convient aux besoins d’un chauffage par le sol. Les bâtiments équipés de panneaux de sol peuvent ainsi être mis en cascade derrière de grands ensembles équipés de radiateurs. » Cette donnée a son importance dans des projets d’aménagement de nouveaux collectifs pour lesquels le maître d’ouvrage souhaite le raccordement à un réseau de chaleur existant. Ces nouveaux ensembles, qui selon toute vraisemblance, seront équipés de planchers chauffants, devront donc être équipés de sous-stations en aval de bâtiments anciens déjà raccordés et équipés de radiateurs. Il est à rappeler que, sous réserve de réforme fiscale, un réseau de chaleur alimenté par une ressource renouvelable pour au moins 50 % de ses besoins en énergie primaire est éligible à une TVA à 5,5 %, appliquée, tant sur le prix de l’abonnement, que sur la facture de consommation des clients finaux.
La pompe à chaleur en géothermie « de faible énergie »
Il est aussi possible de valoriser la chaleur du sous-sol à l’aide de pompes à chaleur, soit au niveau d’aquifères de moindre profondeur, de l’ordre de quelques centaines de mètres, soit dans les couches les plus superficielles, à l’aide de capteurs horizontaux ou verticaux. Ce type de géothermie est dit « de faible énergie », car les niveaux de température des sources ne sont pas suffisants pour être directement valorisés comme dans le cas d’un puits géothermique. Des systèmes thermodynamiques à compression, généralement mécaniques, sont nécessaires aux besoins de chauffage et/ou de rafraîchissement. Deux types d’échangeurs sont utilisés. Soit la source est un aquifère superficiel et on parle de géothermie « à boucle ouverte », car il faut ensuite réinjecter l’eau qui a été prélevée. Soit c’est le sous-sol qui est utilisé comme source, et la chaleur est récupérée grâce à un échangeur dans lequel circule un fluide caloporteur, que l’on désigne comme échangeur « à boucle fermée ».
La géothermie de faible énergie, ou encore dite « de minime importance », présente l’avantage de concerner un plus large spectre de régions françaises que la géothermie de moyenne énergie. En effet, le Bureau de recherches géologiques et minières répertorie