Une cogénération par pile à combustible

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Une cogénération par pile à combustible

Un des partenaires du projet allemand Callux, le groupe Vaillant, a présenté en avril dernier à la foire de Hanovre un micro-cogénérateur fixé au mur, d’une puissance de 1 kWe et 2 kWth. La pile de technologie SOFC a été développée par Staxera et sa durée de vie annoncée est supérieure à 12 000 heures, soit trois ans environ. (Doc. Vaillant Group.) BDR Thermea (De Dietrich et Baxi Group) met au point un équipement intégrant le BlueGen de CFCL et une chaudière à condensation de 15 kWth avec un stockage d’eau chaude de 200 litres. Sa commercialisation par GDF Suez est annoncée pour 2012, au plus tard en 2013. (Doc. De Dietrich.) Le réseau électrique du village de Bella Coola au Canada est isolé du réseau national. Dans le cadre du projet Harp (Hydrogen Assisted Renewable Power), un générateur électrique à pile de type PEMFC fabriqué par Ballard Power Systems et d’une puissance de 100 kWe a été installé à la fois afin de répondre aux pointes de consommation, mais aussi afin de stocker l’électricité produite par le barrage local. (Doc. Ballard Power Systems.)

Déjà déployée de manière significative au Japon et dans une moindre mesure en Californie et en Allemagne, la cogénération par pile à combustible voit son développement stimulé par une nouvelle génération d’équipements.

Inventée en 1839 par William Grove, la pile à combustible est sortie des laboratoires à partir des années 60, se diffusant progressivement dans différents secteurs.

Son fonctionnement est à l’inverse de celui de l’électrolyseur. L’oxydoréduction dans la pile d’un mélange d’hydrogène et d’oxygène pur ou contenu dans l’air, produit des molécules d’eau en générant du courant électrique continu. Dans les systèmes de cogénération, la chaleur se dégageant lors de la réaction est récupérée, afin d’augmenter le rendement global.
Cela en fait une technologie particulièrement propre soit de simple génération électrique, soit de co, voire de trigénération, en l’associant à de la génération de froid. En effet, en dehors de l’eau, la réaction n’émet qu’une quantité infime de polluants dont les NOx. Mais l’hydrogène n’étant qu’un vecteur énergétique, l’éco-bilan est fonction aussi de la source d’énergie utilisée pour le fabriquer. Sa production à partir de gaz naturel génère par exemple du gaz carbonique en grande quantité (10 kg par kg d’hydrogène), qu’il faut capturer ou évacuer, ainsi que des traces de CO.

Une grande diversité d’usages

Ces dernières décennies, la diversité croissante des électrolytes utilisés a permis de décliner différents types de piles à combustible répondant à des usages variés. La puissance des matériels disponibles va des piles miniaturisées pour appareils nomades (de type méthanol ou éthanol direct) aux installations industrielles de plusieurs dizaines de tonnes. Pour le Bâtiment, l’offre en piles stationnaires démarre à moins de 1 kWe jusqu’à plusieurs centaines de kW. En Europe, le pays le plus dynamique sur le sujet est clairement l’Allemagne. En témoigne le projet Callux pour le développement de systèmes de chauffage à cogénération de petite puissance. Démarré en septembre 2008 pour une durée de sept ans et doté d’un budget de 86 M3, il implique les fabricants d’outre-Rhin Baxi-Innotech et Vaillant, ainsi que le Suisse Hexis. En France, en dehors de quelques installations pilotes en grand collectif, la priorité est donnée aux générateurs de courant de secours, ainsi qu’à l’alimentation de sites géographiquement isolés. La pile à combustible peut, en effet, servir à répondre en souplesse aux pics de consommation en mobilisant le réseau gazier ou en stockant l’énergie.

Le gaz, première source d’énergie

L’hydrogène peut être fabriqué lors d’un process industriel ou à la demande, à partir d’une source d’énergie quelconque. L’approche la plus verte consiste à produire l’hydrogène par électrolyse à partir d’une électricité renouvelable, comme le solaire ou l’hydraulique. Le stockage de l’hydrogène offre une solution au problème de l’intermittence de la production renouvelable. Actuellement, la filière principale de fabrication d’hydrogène dans le monde demeure le reformage de carburant fossile, de type gaz naturel, biogaz ou GPL. Intégré à l’unité de cogénération domestique directement branchée au réseau, le module de reformage fonctionne sans stockage de l’hydrogène. Le haut rendement de cette solution de cogénération avec pile à combustible et alimentation au gaz est mis en avant par les gaziers, non seulement au Japon mais aussi en France. GDF Suez espère commercialiser au plus tard en 2013, une unité de cogénération BlueGen de l’Australien CFCL couplée à une chaudière à condensation De Dietrich.

Un rendement élevé

Le rendement électrique d’une pile à combustible varie de 30 à 60 %. Avec la cogénération, son rendement grimpe à plus de 90 % sur certains modèles. Le Canadien Ballard annonce ainsi 92 % de rendement sur ses unités de 1MWe, et à l’autre extrémité de l’échelle de puissance, le rendement de la nouvelle Ene-Farm de Panasonic atteint 90 % pour une puissance de 1 kWe. Ces chiffres sont donnés pour des unités intégrant le reformage de carburants fossiles. Dans un système couplé avec une énergie renouvelable, il faut tenir compte du rendement de l’électrolyse qui ne dépasse guère 70 %. Dans ses prototypes, l’industriel italien Giacomini préchauffe l’eau avec cette perte thermique de 30 % et arrive ainsi à 90 % de rendement global. Par ailleurs, l’industriel envisage dans le cas d’une installation alimentant un hôpital d’utiliser sur place l’oxygène produit lors de l’étape de l’électrolyse. Le développement de la cogénération avec pile à combustible bénéficie de deux atouts, un label vert et un haut rendement. Ses limites viennent de son coût élevé et d’une baisse rapide de la performance de certains modèles dits « de première génération ».

Quatre familles de piles stationnaires

Les piles diffèrent par l’électrolyte utilisé (et donc le catalyseur, etc.), qui détermine leurs performances, leur température de fonctionnement donc le temps de démarrage, mais aussi leur coût et leur durée de vie. Quatre grandes familles de piles sont opérationnelles en stationnaire. Deux fonctionnent à basse température, ce sont les piles PEMFC à membrane polymère et PAFC à acide phosphorique, et deux à haute température : les piles MCFC à carbonate fondu et SOFC à oxydes solides.
La pile la plus courante de type PEM, fonctionne aux alentours de 80 °C et démarre rapidement. Elle est appréciée aussi bien pour des produits nomades comme le véhicule à hydrogène, qu’en stationnaire, où les produits commercialisés couvrent une très large gamme allant de 0,7 à plus de 1 000 kW. Les unités de grande puissance servent par exemple à mieux répondre aux besoins de réseaux électriques isolés, comme dans le projet canadien Harp pour la ville de Bella Coola, ou le projet Respire sur l’Ile de la Réunion. Sur cette île isolée de l’Océan indien, la croissance de la production énergétique en renouvelable est limitée par l’absence de stockage de l’électricité produite. Pour lever ce frein, 5 MW de stockage de l’électricité par piles à combustible Helion (Areva) doivent être mis en service sur les quatre prochaines années.
Un tout autre besoin est celui du petit résidentiel, avec des unités de micro-cogénération d’une puissance comprise entre 0,7 et 1,5 kW. Les principaux produits commercialisés sont Gamma de l’Allemand Baxi Innotech et Ener-Farm des Japonais Panasonic, Toshiba et Eneos Celltech, dont plus de 12 000 ont déjà été installés. L’Américain ClearEdge Power a choisi de développer des cogénérateurs PEM de 5 kWe fonctionnant à haute température (160 °C). Ce fabricant bien installé sur le marché californien vient de passer un accord en juin 2010 avec LS Industrial System pour vendre 800 de ses unités sur le marché coréen.

Le grand résidentiel

L’autre famille de piles à basse température, dite « PAFC » (ou AFC), fonctionne entre 100 et 250 °C et est exploitée dans le Bâtiment depuis les années 60. Le principal fabricant est l’Américain UTC Power dont les piles ont servi à alimenter en énergie tous les vols spatiaux de la Nasa depuis l’origine. Il est positionné sur le marché du grand collectif avec PureCell System Model 400 d’une puissance de 400 kWe. En France, le programme pilote de Chelles (77) réalisé avec EDF et GDF en 2000 a été équipé d’une centrale à cogénération UTC pour alimenter 200 foyers.
Plus coûteuses, les piles MCFC à carbonate fondu fonctionnent aux alentours de 600 °C. Leur rendement électrique élevé (50 à 60 %) les réserve aux gros générateurs électriques fonctionnant au gaz naturel. Plusieurs fabricants se partagent le marché du MCFC dont les Américains FCE et GenCell Corporation, l’Italien Ansaldo Fuell Cell, le Japonais IHI et le Coréen Posco/Kepco. En France, Dalkia (Veolia Environnement) a lancé en 2006 le projet pilote Cellia. Un cogénérateur à pile MCFC de l’Allemand MTU (Groupe Tognum) a été installé pour alimenter l’immeuble de l’Opac porte de Saint-Cloud. La puissance de la pile fonctionnant au gaz naturel est de 230 kW électriques revendus à EDF et de 180 kW thermiques. MTU a abandonné le marché des piles à combustible en fin d’année dernière et Veolia ne souhaite pas communiquer sur le bilan.

L’avenir de la micro passe par les oxydes solides

Ces dernières années, l’innovation est plutôt venue des piles céramiques dites « SOFC » à oxyde solide à base de zirconium et d’yttrium, d’une puissance inférieure à 2 kW. Ces cogénérateurs répondent aux besoins du petit résidentiel. Leur fonctionnement à très haute température entre 650 et 1 000 °C permet un reformage interne, dit « autothermique », des combustibles carbone (gaz naturel, bois, kérosène, méthane...). Petit bémol : le temps de démarrage est élevé, il peut atteindre vingt-cinq heures pour parvenir à la pleine puissance. Par ailleurs, le maintien des performances initiales ne dépasse guère deux à trois ans. Outre Siemens, parmi les autres fabricants sur le marché, il faut citer : le Danois Topsoe Fuel Cell, le Suisse Hexis avec sa pile Galileo 1000N (1 kWe et 2,5 kWth) et le Japonais Kyocera qui a déjà vendu plus de 200 modèles. Sans oublier l’Australien CFCL, dont le cogénérateur BlueGen est fabriqué depuis février 2011 dans une nouvelle usine située en Allemagne. Les industriels parient sur le succès de cette technologie SOFC susceptible de remplacer la PEMFC sur le marché de la micro-cogénération. Ainsi Vaillant a abandonné le développement d’une pile PEM pour s’investir dans les SOFC en partenariat avec Staxera. Même son de cloche chez les Japonais qui développent activement une nouvelle génération d’Ene-Farm sur technologie SOFC, dans l’espoir de diviser leur coût de revient par trois par rapport à leur modèle actuel PEMFC.

Le Japon en tête

Le pays qui donne le ton est sans conteste le Japon qui a investi massivement dans le développement de la cogénération par pile à combustible. De 2005 à 2008, 3 307 systèmes PEM à cogénération à partir de gaz, kérosène et propane, ont été installés dans des résidences, dans le cadre du programme « Large-Scale Stationary Fuel Cell Demonstration System ». Un des bénéfices de ce programme pilote a été d’augmenter le rendement en énergie primaire de 70 à 80 %. Seconde étape en juin 2008, six gaziers japonais ont décidé d’unifier sous la marque unique Ene-Farm leurs différents matériels de micro-cogénération, fabriqués par trois constructeurs Panasonic, Toshiba et Eneos Celltech. Au démarrage de la commercialisation de l’Ene-Farm courant 2009, le gouvernement japonais finançait la moitié des coûts d’installation. Quelque 13 000 de ces petites unités de cogénération seraient déjà installées au Japon, avec un objectif de 8 000 installations supplémentaires l’année prochaine. L’objectif est simple. L’infrastructure actuelle de centrales à gaz serait remplacée en partie par une organisation décentralisée d’unités de cogénération domestiques. Si les centrales offrent un meilleur rendement électrique, leur rendement global (électricité thermique) est, lui, moins important comparé à celui des petites unités. En effet, une perte de chaleur est engendrée du fait de l’éloignement de la centrale. Prochaine étape l’Europe. En juillet dernier, Panasonic a annoncé avoir ouvert un centre de recherches en Allemagne sur la pile à combustible pour préparer son arrivée sur le marché européen.

Les nouvelles voies du stockage

Autre sujet de recherche, le stockage de l’hydrogène, dans le cas de groupes de secours ou lors d’une alimentation par électrolyse à partir d’une source d’énergie renouvelable. L’Américain Hydrogenics Corporation est ainsi le spécialiste des piles à combustibles de type PEMFC en backup de data centers. Son produit est configurable par tranche de 10 kW alimentée par des bouteilles d’hydrogène pressurisé. Chaque bouteille permet de fournir 10 kW pendant une heure. La voie classique du stockage de l’hydrogène est celle retenue en automobile. Le gaz est comprimé à 200 ou 250 bars dans un réservoir pressurisé. De l’énergie est nécessaire pour compresser environ 7 % du pouvoir calorifique de l’hydrogène pour une compression à 200 bars.
Aussi, les industriels explorent le stockage de l’hydrogène par absorption et désorption dans des hydrures métalliques. La technique s’effectue à basse pression et à des températures comprises entre 0 et 200 °C comme chez le Bulgare LabTech. La réversibilité permet d’obtenir un excellent rendement. Le Français McPhy Energy annonce un taux de rendement de 97 % avec son stockage à base d’hydrure de magnésium, testé par le CNRS et le CEA et expérimenté chez Enel (Italie) et Iwatani Corporation (Japon). Considéré comme moins dangereux que les techniques de compression ou de liquéfaction, le stockage solide de l’hydrogène est néanmoins inflammable. L’hydrure est susceptible de réagir violemment en présence d’eau, relâchant de l’hydrogène et se transformant en une solution aqueuse corrosive.

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