Le renouveau du carreau ciment offre aux amateurs d’authenticité un matériau de décoration haut en couleur et en motifs, entièrement fait main, permettant de concevoir tout type de revêtement de sol et de parement mural. Requérant une mise en œuvre soignée, c’est un produit résistant dans le temps et à l’entretien aisé.
Dans l’univers du carrelage, le carreau ciment occupe une place à part liée autant à sa composition à base de ciment teinté, de sable et de poudre de marbre, qu’à son mode de fabrication artisanal. Doté d’une grande résistance à l’usure, équivalente en soi à celle d’un dallage en béton, le matériau possède une structure légèrement poreuse qui le rend doux et chaud au toucher. Il séduit par ses multiples coloris et motifs sans cesse renouvelés, aux inspirations baroques, Art nouveau, Arts déco et contemporaines, mais également par la patine qu’il acquiert avec le temps, par ses arêtes vives qui privilégient le décor, enfin par ses irrégularités intrinsèques qui lui confèrent une authenticité indéniable.
La technique du carreau ciment a été inventée à la fin du xix
Un matériau teinté dans la masse
Le savoir-faire du carreau ciment ne s’est pas perdu pour autant et c’est sur les anciennes terres d’influence de la France (Maroc, Tunisie, Mexique, Caraïbes, ancienne Indochine...) qu’il s’est perpétué jusqu’à nos jours pour servir localement de revêtement décoratif ou de protection d’étanchéité de toitures-terrasses.
C’est finalement à la société Carocim que revient la réintroduction du carreau ciment sur le territoire français, au milieu des années 80. Fortes de l’accueil reçu par le public, plusieurs sociétés lui emboîtent le pas à la fin des années 90 : Mosaic del Sur, Couleurs et matières, Emery et Cie, Carodeco et Pinar Miro, pour ne citer que les plus connues.
La production des carreaux se poursuit là où elle ne s’était pas interrompue : principalement dans des ateliers du Maghreb et du Vietnam. S’inspirant des procédés traditionnels, la fabrication des carreaux s’effectue à la main, au moyen de moules en acier ou fonte, dotés d’un dispositif de serrage. Le matériau est formé de trois couches scindées en trois étapes qui correspondent à la réalisation : de la couche d’usure ou « belle face » de 3 à 4 mm d’épaisseur ; d’une couche intermédiaire de séchage, et enfin de la couche inférieure, également dénommée « semelle », de 12 à 19 mm d’épaisseur.
Consistant à réaliser le décor du carreau dans l’épaisseur de la couche d’usure, la première phase nécessite l’emploi d’un diviseur métallique, unis mis à part. Obtenu par soudage de fines barres de laiton ou de cuivre, le diviseur est le séparateur du dessin à reproduire. Pièce de premier plan, c’est de sa qualité que dépend la précision du résultat final. Le diviseur de couleurs est placé sur le fond de moule préalablement huilé, et ses différents compartiments sont remplis à l’aide d’un entonnoir avec un mortier liquide coloré, préparé à partir de ciment blanc, de sable, de poudre de marbre et de divers oxydes de couleur.
Afin de respecter au mieux les teintes souhaitées, le contrôle de la couleur s’effectue par pesée des colorants. Une fois la surface du carreau achevée, le diviseur est enlevé du moule avec beaucoup de précaution. La deuxième étape peut alors commencer. Il s’agit de saupoudrer un mélange de ciment sec et de sable, afin d’obtenir un effet buvard.
La troisième phase consiste à finir le remplissage du moule avec un mortier plus grossier et sec, composé de ciment gris et de sable, gâché avec très peu d’eau. Le carreau est nivelé au moyen d’une réglette spécifique avant d’être compacté sous une presse hydraulique.
À noter que si la presse main est encore en service dans quelques ateliers vietnamiens, l’électrification des machines est aujourd’hui largement généralisée. La pression exercée, qui est de l’ordre de 100 bars au minimum, a pour effet de faire migrer l’eau excédentaire de la couche d’usure vers la semelle.Une fois démoulés, les carreaux sont mis au repos pendant quelques heures, puis immergés dans un bassin d’eau pendant une à deux heures. Cette opération qui amorce l’hydratation et la prise du ciment peut toutefois prendre plusieurs heures selon la nature et la granulométrie du sable utilisé. Elle peut également être remplacée par une pulvérisation d’eau sur les carreaux, ce qui a l’avantage de réduire le temps de séchage et la quantité d’eau utile. Après trempage, les carreaux sont mis à sécher pendant une période de vingt-huit jours au minimum dans un endroit correctement ventilé et à l’abri du soleil. À l’issue de ce délai, les carreaux sont prêts à l’emploi : leur fabrication n’aura nécessité ni cuisson, ni additif.
Une protection antitaches indispensable
En l’absence de norme spécifique aux carreaux ciment, il existe des différences de qualité d’une production à l’autre. Et si certains fabricants se réfèrent à l’ancienne norme NF-P-61-301 d’avril 1961 qui préconisait, notamment, une épaisseur minimale de 16 mm pour des revêtements de sol, force est de constater que dans la pratique, de nombreux paramètres sont appelés à varier : c’est le cas de la part de ciment, de la granulométrie du sable, ou encore de la nature même de chaque composant. Pour optimiser la qualité de leur produit et justifier de leur résistance, plusieurs sociétés produisent des résultats d’essais de résistance menés sur des échantillons de produits. Mais la production demeurant artisanale, les classements n’ont de valeur qu’indicative et la meilleure garantie reste encore le recul que l’on peut avoir sur le matériau depuis sa réintroduction en France.
La pose des carreaux ciment est réalisée au mortier-colle par double encollage, sur un support parfaitement plan et sec (voir encadré). Les arêtes vives du matériau permettent de coller les carreaux bord à bord avec un joint de 1,5 mm, assurant, ainsi, la continuité des motifs. Une fois mis en place, le revêtement est protégé contre les taches par un produit bouche-pores à la fois oléofuge et hydrofuge. Certaines entreprises privilégient un prétraitement en usine pour simplifier la pose. La plupart préconisent l’emploi d’émulsions à base de résines solvantées, qui ont l’avantage d’être incolores et mates et s’appliquent en deux passes. Les carreaux ciment peuvent recevoir une protection complémentaire sous forme de cire en pâte ou d’huile de lin, imitant la patine et donnant une finition satinée.
Lorsqu’ils sont destinés à des lieux à fort passage (établissements publics, hôtels, restaurants, halls d’entrée, magasins...), un traitement de cristallisation est parfois conseillé. Il consiste en l’application de produits chimiques et le passage d’une machine rotative. La surface devient brillante. Utilisé comme revêtement de sol ou de mur, le carreau ciment peut se mettre en œuvre dans toutes les pièces, y compris dans les parties humides et à l’extérieur sous abri, sous réserve de le protéger régulièrement par un produit bouche-pores et de le coller à bain plein, afin d’éviter les risques de décollement. Le matériau aime l’eau et se recouvre à son contact d’une pellicule d’hydrate de chaux extrêmement résistante qui le protège durablement dans le temps. En extérieur, certaines teintes palissent sous l’action des UV : ce sont les bleus, les verts, les violets et le noir.
Des carreaux personnalisables
Les produits présents sur le marché se déclinent dans plusieurs dimensions s’étendant du cabochon de 5 x 5 cm au grand carreau de 30 x 30 cm (au-delà se pose un problème de poids et de manutention). Les carreaux se présentent sous forme de carrés, d’octogones, d’hexagones, ou de plinthes moulurées, les modèles les plus courants étant les carrés de 20 x 20 cm, d’une épaisseur de 16 mm dans le cas de revêtements de sol et de 12 mm pour les carrelages muraux. Les gammes produits foisonnent de motifs et de coloris variés. Les modèles référencés se comptent en centaine. Jusqu’à 350 chez Carocim... Pour concevoir un décor, les fabricants proposent au client soit de piocher dans le stock existant qui peut varier de 5 000 à 20 000 m
L’agencement des carreaux ciment permet, en outre, de concevoir chaque revêtement de manière unique. Plusieurs types de composition peuvent ainsi être envisagés, de la plus classique en tapis de sol, formé d’une bordure et d’un décor central, à la plus contemporaine en « patchwork ». Lancée par Carocim, cette configuration a beaucoup œuvré pour le renouveau du carreau ciment. Pour les distributeurs, elle offre, en outre, l’énorme avantage de valoriser la totalité de leur stock.
À côté de cela, plusieurs sociétés dont Pinar Miro offrent de reproduire des carreaux à partir d’exemplaire ancien (format, motif, coloris et finition de surface), un service très apprécié des architectes du patrimoine, et la plupart enrichissent régulièrement leur catalogue de nouveaux modèles. Dans les ateliers de Carocim, le travail des nouveaux motifs est une étape privilégiée qui passe par l’esquisse sur papier et qui associe pour certaines collections de grands noms du design. Le recours à l’ordinateur ne vient qu’après, pour affiner les traits et parfaire les courbes. Le prix de fourniture des carreaux ciment varie selon les marques et selon le nombre de coloris de 60 à 125 € TTC/m