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Un lieu de prévention systématique de tous les dangers

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Un lieu de prévention systématique de tous les dangers

"Les normes et principes d'entretien se situent à mi-chemin entre les exigences des locaux hospitaliers et des bureaux"

Françoise Souchay, architecte, chef du bureau des travaux à la Direction des familles et de la petite enfance à la mairie de Paris, insiste sur le soin porté à la qualité des espaces en termes de sécurité, confort, santé et maintenance.

Les Cahiers techniques du bâtiment :La problématique « petite enfance » recouvre à la fois la halte-garderie ou la crèche et l’école maternelle. Qu’est-ce qui différencie leurs équipements ?

Françoise Souchay : Dans les deux cas, il s’agit d’accueils de jeunes enfants et d’équipements recevant du public (ERP), répondant aux mêmes règles de sécurité incendie. Dans les maternelles, les enfants – plus d’une centaine – ont au minimum 2 ans et souvent plus de 3 ans. Déjà socialisés et autonomes, ils sont habitués à l’accueil en équipement public. Normée par une arrivée et par une sortie à heure fixe, leur vie se déroule avec des rythmes relativement définis. En ­revanche, à la crèche, les enfants admis à partir de 3 mois, requièrent une plus grande souplesse dans les horaires et dans les conditions d’accueil, des adultes de référence, un fonctionnement en groupes restreints, et donc des espaces plus petits, à la fois pour éviter les accidents et pour mieux s’adapter à leur rythme de sommeil. D’où un niveau de détail différent !

CTB : Quelle incidence ce type de fonctionnement a-t-il dans l’organisation des espaces ?

F. S. : Une crèche de 66 places réparties en trois sections avec une vingtaine d’adultes constitue un petit équipement de quartier d’une surface hors œuvre comprise entre 800 et 900 m2. L’objectif consiste à créer une grande maison simple, agréable à vivre pour tout le monde, d’un coût raisonnable et facile à entretenir. Tout est organisé pour assurer le contact entre les parents, l’enfant et les adultes qui vont s’en occuper.

Cela signifie que les parents accompagnent leurs enfants jusqu’aux zones de vestiaire aménagées, qu’il n’y a ni cours de récréation ni grands couloirs. L’espace s’organise en sections, pièces de vie de 25 à 30 m2 structurées en sous-espaces délimités par du mobilier. Les enfants jouent et déjeunent à l’intérieur de la section qui constitue leur espace de référence. Les plus petits disposent d’un ­espace de sommeil fixe conçu pour 6 enfants. Les plus grands dorment à 11 dans la même salle qui sert d’espace de jeux calmes une partie de la journée, par rapport aux jeux moteurs pratiqués dans leur salle d’éveil.

Les nouvelles crèches intègrent aussi une salle de motricité moins encombrée pour jouer à la balle ou faire du tricycle, ainsi qu’une salle de jeux d’eau avec un coin ­pataugeoire de 15 cm de profondeur et une zone pour la peinture, facile à laver au jet ! Les sections bébés se situent en priorité au rez-de-chaussée, de façon à n’avoir qu’un lit à pousser vers l’extérieur en cas d’évacuation. En conséquence, cela implique des passages libres de 0,90 m.

CTB : Et en matière de cahier des charges ?

F. S. : La conception doit tenir compte des contraintes et offrir des espaces intérieurs bien éclairés, peu sonores et facilement aménageables, favorisant les déplacements. Donc avec des escaliers droits, dotés de paliers intermédiaires et de marches de 16 cm de hauteur, comme pour les handicapés. Le cahier des charges met également l’accent sur les qualités de surveillance aisée de tous les espaces, y compris entre deux sections différentes pour que les adultes ne se trouvent jamais isolés en cas de problème. D’un point précis, il faut pouvoir tout balayer. Le rayon de vision implique une transparence des cloisons entre 0,30 à 0,40 m du sol ­jusqu’à 1,60 m, et des portes munies d’oculus permettant de voir un enfant qui rampe. Ce qui complique le problème lorsque les portes sont coupe-feu ! Il est possible de vitrer davantage, il s’agit d’une question de choix architectural et de budget car ce sont des vitrages feuilletés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. On peut aussi utiliser des portillons ou cloisonnettes pour délimiter certains espaces et garder le contact visuel avec d’autres groupes d’enfants. La qualité sanitaire des locaux passe par celle du chauffage et du confort hygrothermique, de l’air et de son renouvellement. D’où un dimensionnement soigné des installations et un balayage correct des espaces, évitant toute sensation d’inconfort due à des prises d’air frais à hauteur d’enfant. Sont privilégiés les planchers chauffants pour éviter la sensation de parois froides, voire des radiateurs basse température de contact agréés pour le secteur, en cas de hauteur sous plafond insuffisante.

CTB : Quelle réflexion menez-vous sur les matériaux ?

F. S. : Il y a une double réflexion en termes d’entretien et d’amortissement par rapport aux risques de chute. Jusqu’à présent, on utilisait des revêtements de sols PVC sur sous-couches mousse. Aujourd’hui, on teste des matériaux plus naturels à base de caoutchouc répondant aux mêmes normes. Nous préconisons du carrelage antidérapant dans les pataugeoires. Les murs, aux angles chanfreinés ou arrondis, sont revêtus d’une toile de verre lisse, non tissée, prête-à-­peindre pour éviter de gratter le revêtement et de l’ingurgiter. Tous les matériaux doivent se nettoyer facilement. Les normes et prin­cipes d’entretien se situent à mi-chemin entre les exigences des locaux hospitaliers et des bureaux. Donc, pas de textiles tendus pouvant accumuler de la poussière, mais aussi un équilibre à trouver dans le traitement acoustique correctif des plafonds et parois. Toute source d’éclairage directe est proscrite, car les enfants sont souvent sur le dos. Pour des aspects de sécurité en cas de bris, les luminaires n’utilisent pas d’éléments verriers. Pour éviter les problèmes de fuites d’eau et d’accumulation d’humidité à l’origine des moisissures et allergies, les faux plafonds sont démontables, notamment en cas de superposition avec des bâtiments de logements. Les sols extérieurs coulés intègrent du caoutchouc amortissant. L’implantation d’une structure de jeu nécessite un décaissé complémentaire d’amortissement, calculé en fonction de la hauteur de chute de la structure.

CTB : Et pour le mobilier ?

F. S. : Le mobilier fait l’objet d’une attention particulière, aussi bien vis-à-vis des enfants que des personnels, amenés à se mettre à leur hauteur. D’où des éléments bas, confortables, bien calés et adaptés à la sécurité des enfants, c’est-à-dire prenant en compte tous leurs déplacements à quatre pattes, verticalement et éventuellement en grimpant ou en se relevant. Dans ce domaine, les retours d’expérience nous guident dans les projets. Ainsi l’espacement entre les barreaux des lits est passé de 11 à 9 puis à 7 cm. Les structures de jeux des plus grands sont en bois et en mousse pour les tout-petits. Au-delà des recommandations des fabricants, leur positionnement prend en compte l’amortissement de la chute pour des jeux d’une certaine hauteur et un environnement suffisamment dégagé. On part du principe qu’un enfant peut monter sur un petit vélo, escalader, grimper, etc. Aussi, les allèges et les garde-corps atteignent une hauteur respective de 1,30 m et 1,50 m. Autre vrai problème, le risque de chute d’objets, lié à la superposition des terrasses ou d’activités différentes, peut obliger à mettre en œuvre une protection du type treillis métallique. Enfin, il existe une liste impressionnante de végétaux allergisants, toxiques ou coupants, interdits dans la conception des jardins.

CTB : Et pour les équipements sanitaires ?

F. S. : Tous les équipements sanitaires sont dimensionnés avec des tailles adaptables aux différents âges et étudiés pour l’apprentissage de la propreté et de la gestion de l’eau. Le but est de conférer aux enfants une autonomie grâce au positionnement et à l’ergonomie de manœuvre. Les lave-mains sont dotés de boutons 1/4 de tour faciles à manipuler et d’une touche Eco à l’instar des chasses d’eau. Les postes de change sont réalisés en matériau de synthèse pour éviter les fuites d’eau et les moisissures. En fait, les ­sanitaires de la petite enfance mobilisent peu les industriels et nous travaillons en interne avec les coordonnatrices, les médecins et les responsables de crèche. La démarche est guidée par une multitude de détails précis visant à prévenir la totalité des dangers. D’où un cahier des charges forcément négociable puisqu’on dispose rarement de la parcelle de terrain idéale, qui favorise des espaces extérieurs en prolongement des sections d’enfants !

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