Afin de préserver des vues et de l’environnement sensible le commissariat de sécurité et de proximité de Clichy-Montfermeil, l’architecte a inventé un savant dispositif de peaux en acier autopatinable.
C’est au milieu du quartier du Plateau, dont le plan de masse a été dessiné en 1960 par l’architecte Bernard Zehrfuss, sur les communes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil (93), que prend place le commissariat de police accueillant 151 fonctionnaires.
Conçu par l’architecte Fabienne Bulle et livré en avril 2011, l’équipement public de proximité, en forme de trapèze déhanché, mesure 20 m de largeur par 60 m de longueur et occupe la totalité de la parcelle attitrée. Couvrant une surface hors œuvre nette de 3 000 m
Il en résulte une architecture dominée par la mise en place, sur les façades notamment, d’un dispositif habile de filtres en acier Corten. Ce matériau a été choisi pour son aspect brut et naturel, sa capacité à vivre et passer le temps en se patinant progressivement, et également pour son absence d’entretien. Ainsi, l’entrée du commissariat, bien repérable, est vitrée sur une triple hauteur. Elle se juxtapose à une boîte rouge revêtue d’un bardage en aluminium laqué renfermant un escalier public, lui-même accolé à une cimaise en plaques d’acier Corten. Cette œuvre (1 % artistique) du sculpteur Philippe Guillemet qui « représente la République, tel un drapeau qui flotte », selon l’architecte, opère une transition entre le parvis et le parking.
Carapace traitée en origami géant
Le parking, faisant partie de la cour de service, est entouré d’une imposante « carapace » constituée d’un calepinage très précis de deux sortes de plaques d’acier autopatinable arrimées à une charpente métallique complexe (voir encadré). Son épais socle opaque de 2 m de haut s’élève et s’ajoure, pour atteindre une hauteur maximale de 10 m. Bordé d’un talus planté de roseaux, ce « glacis sculptural » referme l’espace de manœuvre et fait office d’enceinte protectrice préservant des vues, les locaux donnant dessus. La façade sur cour est habillée d’un système de double peau, formée de coursives filantes recevant un écran de plaques en acier Corten servant de brise-soleil. De plus, la carapace se retourne en façade nord, à l’aide d’un simple mur métallique de même matériau (6 m de hauteur) que longera, à terme, le (futur) tramway. À l’arrière et en retrait, se déploie l’aile abritant les locaux de sûreté, avec une façade parée, sur ses deux derniers niveaux, d’une batterie de lames d’acier ondulantes et pliées en trois parties. Ces ailettes toutes différentes ont été dessinées une par une, afin de créer un effet « cinétique » dynamisant. Quant à la structure classique du bâtiment, elle comporte des voiles porteurs et des planchers en béton armé coulés en place, les murs étant isolés par l’extérieur avec des panneaux de laine de roche. Les façades sont équipées de menuiseries en aluminium thermolaqué noir (Schüco) insérant des vitrages à faible émissivité et contrôle solaire sur les parties courantes, et des vitrages pare-balles sur les zones exposées du rez-de-chaussée. Couverte de zinc prépatiné à joint debout, la toiture est particulièrement soignée, car elle fait figure de cinquième façade, bien visible des barres et des tours de la cité environnante. Par ailleurs, sur le plan du programme, l’édifice comprend quatre niveaux.
Abondance de lumière naturelle
Le sous-sol loge les divers locaux réservés au personnel (vestiaires, bureau de maintenance, archives mortes, chauffage urbain, réserve papeterie, atelier garage, locaux techniques, etc.), ainsi que les véhicules de service. Alors que le rez-de-chaussée, destiné à l’accueil du public, abrite un sas d’entrée ouvrant sur le hall, les accès étant contrôlés par le chef de poste installé dans un local vitré. Le hall distribue, d’un côté, les bureaux de la « zone de plainte », les locaux cellulaires et techniques, les sanitaires et les vestiaires, et de l’autre, les salles de rédaction, d’appel et de repos, ainsi que l’espace de restauration, et d’autres sanitaires et locaux techniques.
Voué aux outils de la police, le premier étage, appelé « zone de tapissage », comprend les bureaux de garde à vue, les cellules, un local syndical, des sanitaires et des locaux techniques.
Le dernier niveau, réservé au commissaire de police et à ses adjoints et enquêteurs, recèle notamment divers bureaux, un dojo, des locaux d’archives et le secrétariat. La gestion des flux, ayant fait l’objet d’une étude pointue, l’ensemble des espaces de travail est innervé par d’amples circulations assimilées à de véritables « pièces à vivre ». À chaque étage, les couloirs dilatés sont équipés d’impostes vitrées sous lesquelles se glissent des rangements, ponctuant ainsi les espaces de desserte très lumineux, car éclairés naturellement et artificiellement.
Un autre point essentiel du projet a trait à la création d’une « ergonomie de la lumière », se traduisant par une transparence des lieux et la pénétration en abondance de la lumière du jour au sein de la majorité des volumes occupés. Pour les espaces de convivialité, tels que le local de formation, la salle de sports ou le bureau du personnel, placés en proue de l’ouvrage, ils gagnent en luminosité, à cause de leur double orientation et leur forme atypique. À noter que même les cellules bénéficient chacune d’un puits de lumière zénithale.