Initialement conçus pour l’habitat, nombre d’immeubles haussmanniens retrouvent leur destination d’origine, après avoir longtemps été aménagés en bureaux.
© Doc. Robin
La transformation de bureaux en logements dépend avant tout d’impératifs économiques et réglementaires : les solutions techniques, elles, sont simples.
L’idée de transformer des bureaux en logements n’est pas nouvelle. Elle résulte du constat d’un stock important de bureaux vacants et d’une pénurie de logements. En Île-de-France, au deuxième trimestre 2012, un peu plus de 500 000 m2 étaient ainsi vacants depuis au moins quatre ans, selon l’étude (*) publiée en février 2013 par l’observatoire régional de l’immobilier d’entreprise (Orie). Ces bureaux restent inoccupés car ils ne correspondent plus aux besoins (usages et localisation) des entreprises. Une alternative à un coûteux réaménagement ou à la démolition est la transformation en logements, que les pouvoirs publics encouragent. Mais ces opérations se heurtent à des contraintes économiques et réglementaires, plutôt que techniques.
Critères de confort actuels
Généralement, la conversion de bureaux en logements coûte plus cher que la construction de logements. Pour s’approcher des critères de confort actuels, il est en effet nécessaire d’engager des réhabilitations lourdes. « Hors création de parkings et à prestations comparables, il faut compter en moyenne 2 000 à 2200 euros HT/ m2 habitable, contre 1 800 à 2 000 euros dans le neuf », précise Olivier de la Roussière, président du groupe Vinci Immobilier. Dans ce cas, pourquoi ne pas démolir et reconstruire ? Parce que, souvent, les droits à construire ne permettent alors pas de recréer un bâtiment à l’identique.
Parmi les autres contraintes d’ordre administratif : l’obtention d’un permis de construire pour le changement d’affectation ; le quota de logements sociaux (généralement 25 % pour tout immeuble dont la Shon dépasse 800 m2) et de places de stationnement selon le plan local d’urbanisme (PLU) ; la réglementation en faveur de l’accessibilité des personnes à mobilité réduite… autant de critères qui pèsent dans le bilan économique du projet.
En elle-même, la technique ne constitue pas un frein… sinon financier ! Les immeubles de grande hauteur (IGH), par exemple, sont peu propices à ce type d’opérations. « Les charges liées à la maintenance [personnel du PC de sécurité, système de sécurité incendie et de désenfumage] représenteraient une contrainte très forte pour un bailleur social », estime Marc Augusti, directeur du département « rénovation de l’habitat » chez Sicra. Les IGH à part, tout dépend du type de bâtiment et du coût des travaux, chaque transformation s’appréciant au cas par cas. Malgré tout, quelques grandes lignes se détachent.
Longueur de trame
Pour pouvoir être transformé en logements, un immeuble de bureaux doit avoir une profondeur de trame comprise entre 12 et 14 m. Au-delà, la luminosité des futurs appartements pose problème. Les immeubles dont la trame atteint 18 m nécessitent une intervention lourde ; et la perte de surface représente alors 10 à 20 %. Certains locaux (restaurants interentreprises, archives, etc.) sont par ailleurs difficilement exploitables.
Du point de vue architectural, les immeubles datant des années 1960-1970 se prêtent plus facilement aux transformations, car leurs murs sont peu épais, leur structure est de type poteaux-poutres, et leur configuration permet de redistribuer assez aisément les logements. En revanche, ceux des années 1990 sont parfois plus complexes à traiter : leurs murs sont généralement épais et ils nécessitent très souvent des changements de façade (murs-rideaux), selon l’Orie. À l’échelle de la ville, cela peut néanmoins être l’occasion de recomposer le paysage et de donner une nouvelle identité architecturale à des bâtiments qui vieillissent mal.
La distribution intérieure doit, bien sûr, être entièrement revue. L’une des principales contraintes est liée à la présence d’amiante dans les bâtiments construits à partir des années 1960. On trouve le matériau dans certaines colles, joints de fenêtres, ou procédés de calorifugeage, mais aussi dans des enduits de ragréage des voiles en béton. « Il faut autant que possible éviter de toucher à la structure du bâtiment, afin de limiter les opérations de désamiantage. En outre, le remplacement de certains voiles de refend par des poteaux-poutres pour créer des logements plus grands est coûteux », explique Marc Augusti.
Le diagnostic doit fournir tous les éléments de choix. Concernant les réseaux hydrauliques et aérauliques, le chauffage (souvent associé au renouvellement de l’air) doit être revu, de même que la production d’eau chaude sanitaire. Il faut généralement percer les dalles pour passer les réseaux et installer une VMC. « Nous essayons de coupler la salle de bains et la cuisine afin d’avoir une seule gaine par logement », indique Olivier Luczak, directeur d’activités chez Egis bâtiments Nord. Lorsque les pièces d’eau n’existent pas, il faut bien sûr les créer. C’est le cas notamment dans les immeubles haussmanniens transformés un temps en bureaux, dont un grand nombre retrouve aujourd’hui leur vocation première. Il faut réussir à réimplanter ces pièces techniques, originellement exiguës, dans la surface habitable. Autres contraintes : la mise aux normes de sécurité incendie et d’accessibilité. L’obligation de désenfumage des parties communes dépend, elle, de la famille des bâtiments (généralement 3e famille A ou B).
Cédric Rognon