Un emploi croissant des logiciels de simulation

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Un emploi croissant des logiciels de simulation

L’architecte Frank Gehry imagine d’abord la forme qu’il veut construire, comme un sculpteur visualise son œuvre. Il utilise ensuite Catia V5 pour concevoir et simuler la construction en 3D, dans ses moindres détails. Ci-contre, la salle de concerts de Chicago. (Doc. Foga.)

Les outils de simulation s’utilisent non seulement pendant la conception du bâtiment, mais aussi lors de sa rénovation. Ils évaluent le confort thermique, l’apport d’éclairage naturel, les méthodes de construction, pour optimiser les coûts en fonction d’objectifs de tenue mécanique ou d’exploitation.

La conception d’un bâtiment nécessite d’anticiper son comportement sous différentes contraintes. D’imaginer ce qui se passerait en cas d’incendie, de tremblement de terre, sous un fort ensoleillement… mais aussi de prévoir le fonctionnement d’équipements techniques tels que la ventilation. Aide aux calculs et à la conception, plusieurs familles de ­logiciels de simulation existent sur le marché. Leur nombre s’étoffe depuis deux ans et leur utilisation se développe. La plus nombreuse concerne la thermique. La plus sophistiquée compte Catia V5 dans ses rangs, traite de structures et facilite la réalisation des chantiers. Des niches s’intéressent à la simulation incendie ou acoustique, à la modélisation de l’éclairage naturel avec le logiciel suisse Leso-Dial. Il n’existe aucun outil synthétique traitant tous ces domaines. Les logiciels de conception, pour leur part, se concentrent souvent sur des aspects réglementaires et de sécurité : telle poutre peut-elle supporter une telle charge ? Mon bâtiment est-il conforme à la RT 2005 ? La plupart ne permettent pas d’évaluer ce que sera la réalité de vie des futurs occupants dans le bâtiment. En thermique, un calcul RT 2005 repose sur des méthodes conventionnelles et n’a qu’un lointain rapport avec la réalité des consommations d’énergie du ­futur bâtiment ou avec le ressenti du confort par les occupants. Pour en juger, il faut passer par des outils de simulation qui, a contrario, ne savent rien des aspects réglementaires de leur domaine.

Répondre aux nouvelles exigences des maîtres d’ouvrage

Les deux sortes d’outils informatiques sont donc complémentaires et un va-et-vient doit s’engager entre eux lors de l’étude d’un bâtiment. Selon l’Ines (Institut national de l’énergie solaire), plus de 300 logiciels ont été développés dans le monde pour la simulation et la prévision du comportement des bâtiments, de composants ou de systèmes énergétiques des bâtiments. La simulation donne une connaissance la plus fine possible de la signature énergétique de l’enveloppe, de son comportement au feu ou face à un tremblement de terre ou à l’éclairage naturel. Certains outils autorisent une simulation rapide, selon un pas horaire, dès l’étape du concours ou de l’esquisse, afin d’évaluer très tôt les problèmes qui pourraient survenir, notamment en ce qui concerne le confort d’été. En effet, il est possible, au stade de la conception ­architecturale, d’optimiser la consommation d’énergie, en réduisant les besoins du bâtiment hiver comme été. Si, comme le veut la pratique habituelle, l’étude thermique est confiée au BET à la fin de la conception du projet, le confort sera obtenu grâce à des ajustements de détail de l’isolation thermique et surtout par la mise en oeuvre d’équipements de chauffage et de climatisation d’une puissance importante. Ce qui engendre une surconsommation qu’il était possible d’éviter. Les logiciels de simulation trouvent toute leur place au sein d’une équipe de conception pluridisciplinaire et l’aident à mieux répondre aux nouvelles exigences des maîtres d’ouvrage.

Isolation thermique en toiture : confort et réduction des consommations

La thermique du bâtiment est le secteur qui voit actuellement le plus fort développement des outils de simulation, sinon de leur utilisation. Ils permettent de comprendre comment un bâtiment réagit à des sollicitations particulières, telles que l’ensoleillement, la modification de la température extérieure, de l’humidité relative, de son occupation (nombre de personnes) et des équipements qu’il contient, par rapport à ses composants, à sa morphologie et à son orientation. Selon Thierry Salomon de Izuba Energies, qui anime une formation à la simulation à l’Ines : « Ce sont de véritables outils de conception, indispensables pour des bâtiments à basse consommation, dans lesquels la problématique du confort d’été se pose avec plus d’acuité. Un logiciel de simulation reproduit ce qui se passe dans un bâtiment en termes de température et de consommation d’énergie. Il répond à des questions du type : que se passe-t-il si on remplace le plancher lourd par un plancher léger ? Rapidement, s’enclenche une phase importante pendant laquelle on trouve des compromis sur les ouvrages à réaliser. Par exemple, dans un bâtiment neuf actuel, une grande baie vitrée orientée au sud apporte une contribution nette au confort d’hiver si son vitrage est performant. Chaque m² de vitrage ajouté réduit les besoins de chauffage. En été, la même baie non-protégée, peut entraîner une surchauffe telle qu’il devienne nécessaire d’installer une climatisation. Cela annule donc le bénéfice de la surface vitrée en hiver, du point de vue de la consommation énergétique annuelle. Notons au passage que le renforcement de l’isolation thermique en toiture est l’un des rares postes qui apporte un bénéfice en terme de confort et de réduction des consommations, tant en hiver qu’en été. Les logiciels de simulation thermique fractionnent un bâtiment en unités discrètes et fournissent des résultats très détaillés. Il est également possible d’agréger les locaux similaires en zones homogènes : tous les bureaux d’un étage donnant sur une même façade ou tous les bureaux d’une façade, par exemple. L’étude donne alors des résultats plus globaux, mais toujours selon un pas horaire au minimum. On peut lancer deux types de requêtes. Premièrement, si la pièce n’est pas thermostatée, on calcule les températures d’équilibre résultantes sur l’année. À savoir, la température ambiante obtenue en fonction des conditions extérieures fournies par des historiques climatiques trentenaires. Deuxièmement, si la pièce ou la zone sont pourvues d’un moyen de chauffage et de rafraîchissement, on obtient la puissance nécessaire heure par heure, donc les consommations d’énergie, pour maintenir la température ambiante à sa valeur de consigne. Cela donne à la fois une vue annuelle pour l’estimation des consommations énergétiques globales et un zoom sur les périodes critiques, durant lesquelles apparaissent les sollicitations maxima. On peut alors répondre à des questions comme : que se passe-t-il si le bâtiment subit une période de canicule de 20 jours consécutifs ? »

Optimisation technico-économique

Une fois le bâtiment bien simulé, les maîtres d’ouvrage peuvent mener des calculs d’optimisation technique et économique. La simulation peut, par exemple, révéler que pour une température de consigne d’été de 27 °C à ne pas dépasser, le groupe froid retenu par le bureau d’études thermiques fonctionne à sa puissance nominale seulement quelques heures dans l’année. Le maître d’ouvrage dispose alors d’un outil efficace pour se demander s’il n’est pas opportun d’accepter que la température ambiante glisse jusqu’à 28,5 °C, 10 heures par an. Cela permettrait de réduire la puissance du groupe froid de 25 à 30 % et entraînerait une moins valeur nette à l’investissement : groupe moins coûteux, protections électriques réduites, etc. Selon Thierry Salomon, en construction neuve, les logiciels de simulation sont utilisés naturellement par les concepteurs, mais aussi par les maîtres d’ouvrage afin de vérifier la qualité de la conception. Ces outils interviennent de plus en plus au moment de l’analyse des résultats d’un concours, afin d’écarter les projets irréalistes en regard des buts fixés par le maître d’ouvrage. Dans l’existant, une bonne modélisation, conforme aux résultats connus pour un bâtiment devient un outil très puissant d’analyse et de préconisation d’actions. Il permet d’apprécier avec exactitude l’effet d’une isolation par l’extérieur ou de la mise en place de volets, à la fois sur le confort et sur la consommation d’énergie. Donc, de calculer finement une hiérarchie coût/efficacité des mesures à prendre. Bien que le DPE (diagnostique de performance énergétique) ne pose pas encore d’exigences aussi sévères, la simulation peut affiner les analyses dans de grands bâtiments existants et devrait rencontrer un surcroît d’intérêt. Thierry Salomon se déclare d’ailleurs convaincu que la simulation deviendra partie intégrante des calculs réglementaires.

Les plus connus des logiciels de ­simulation thermique sont Pleiades Comfie, Codyba/Codyrun pour la tendance du comportement énergétique du bâtiment, Trnsys pour la simulation de l’enveloppe et des systèmes énergétiques, Comis/Cotam pour la qualité de l’air et la ventilation naturelle, Solene pour l’ensoleillement, EnergyPlus/DesignBuilder pour l’étude intégrée de la thermique et de l’aéraulique.

La simulation comme outil de construction

En raison de ses méthodes de travail, Frank Gehry a poussé son cabinet (Foga : Frank O. Gehry Associates) à développer des méthodes de simulation pour la construction. En effet, il choisit la forme avant la fonction. Il conçoit comme un sculpteur, des maquettes modelées à la main. ­Elles sont ensuite modélisées sur Catia de Dassault Systèmes. Il a développé pour cela un savoir-faire particulier : la modélisation d’un projet par l’extérieur de sa forme, à partir d’un relevé au laser. Dans le cas de l’Experience Music Project (EMP) de Seattle, la peau de l’édifice est constituée de plus de 4 000 ­panneaux d’acier ou aluminium. Il n’y en a pas deux identiques. Ils ont été découpés individuellement et mis en forme par un programme de fabrication assistée par ordinateur. Pour supporter la peau qui a été modélisée dans Catia, une structure en forme de cage thoracique côtée a été calculée. Chaque côte aura une géométrie différente, pour correspondre aux différents panneaux de surface. La structure finale compte autant d’éléments distincts qu’un bâtiment de 70 étages. Des croquis sur papier, des modèles de blocs ont aidé Frank Gehry et ses clients à comprendre comment le projet se placerait dans le site. Des rendus informatiques ont été rapidement nécessaires pour raccorder les formes entre elles, ­produire des plans détaillés et calculer les coûts. Catia a permis la création d’un modèle tridimensionnel réaliste de la conception finale : un véritable prototype virtuel. Les formes imaginées par Frank Gehry ne sont ­jamais linéaires. Le prototype virtuel, constitué d’objets en 3D, permet premièrement de traduire l’esquisse en projet, deuxièmement de vérifier la tenue du bâtiment et enfin de fournir aux entreprises une explication claire des travaux à réaliser. Cela permet notamment de mettre l’accent sur tous les problèmes de raccordement entre les éléments. Frank Gehry ­estime que sans Catia, le musée de Bilbao, l’EMP de Seattle ou le Walt Disney Concert Hall de Los Angeles n’existeraient pas. « Il est toujours possible de trouver des entreprises capables de construire ce que vous imaginez, mais à quel prix ? Seul le programme de Dassault Systems peut dire si c’est réalisable dans les contraintes budgétaires d’un vrai projet », affirme l’architecte.

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