Gilles Cotte, directeur du développement Engie Axima, filiale d’Engie spécialisée dans le génie climatique, de la réfrigération et de la sécurité incendie pour les entreprises.
Si le bâtiment a été jusqu’ici plus ou moins préservé par la révolution numérique, le changement est imminent, sous l’impulsion d’une nouvelle équation, « usages + data = bâtiment 4.0 ». Une équation qui transforme en profondeur la manière de concevoir, de construire et d’exploiter le bâtiment.
Plus que les murs, c’est aujourd’hui l’usage du bâtiment qui lui donne sa valeur
Le modèle historique du bâtiment, basé sur le circuit « recherche de terrain – construction – commercialisation » s’essouffle. L’importance accrue de l’usage et l’évolution des modes de travail vont modifier la conception et l’évolution dans le temps du bâtiment. Pour trouver preneur, un bâtiment doit ainsi avant tout remplir sa fonction d’usage. Il se doit d’être connecté, au sens numérique bien sûr, pour garantir un accès aux réseaux (Wifi, 4G…), mais également connecté avec son environnement, à l’échelle d’un quartier ou d’une ville. Le confort thermique, visuel, voire olfactif des bâtiments tertiaires, tout comme l’intégration de la biodiversité au cœur même de l’ouvrage (jardins collectifs, murs végétaux…) sont également des approches de plus en plus répandues, et qui participent à rendre l’usager prescripteur de son propre besoin.
La data au service de la transition numérique et énergétique du bâtiment
Parallèlement à cette révolution du « bâtiment tourné vers les usages », ce dernier va connaître deux transformations majeures - numérique et énergétique, avec la profusion de données générées par les objets connectés. Sur le numérique, le BIM (Building Information Management) et la maquette numérique, déjà largement adoptés sur les phases de conception, devraient s’étendre dans les années à venir, à l’exploitation d’un avatar numérique sur tout le cycle de vie de l’ouvrage, pour optimiser le coût global du bâtiment et proposer des services aux usagers. De la même manière, le bâtiment comme source de données va permettre de développer le prédictif. Par exemple, la maintenance prédictive permettra d’anticiper les défaillances des équipements. Il sera également possible d’accéder à des services étendus, comme par exemple, l’ajustement des activités proposées par un équipement public (piscine, bibliothèque…) à partir de l’analyse de sa fréquentation ; ou le dimensionnement des salles de réunion en fonction du taux d’occupation des bureaux. Sur la transition énergétique, et même si les constructions actuelles sont bien moins énergivores que dans le passé, l’industrie travaille aujourd’hui sur un double enjeu : des bâtiments plus efficaces en consommation d’énergies et moins émetteurs de carbone (E +, C-). Dans cet objectif, l’interconnexion des bâtiments entre eux sera d’ailleurs sûrement l’un des défis importants des années à venir, pour équilibrer les consommations énergétiques à l’échelle d’un quartier plutôt que d’un seul bâtiment, dans une logique de micro-réseaux autonomes intégrant la dimension de stockage d’énergie.
Vers une mutation de l’ensemble de la chaîne de valeur du bâtiment
Qu’il s’agisse des usages ou de la transformation numérique et énergétique, ces bouleversements créent de nouvelles dynamiques pour les métiers de la conception, de la construction et de la maintenance. Le process même du bâtiment devient clé et modifie les rôles de chacun (architecte, maître d’œuvre, commercialisateur). Sous l’impulsion de ces ruptures annoncées, les différents acteurs vont être amenés à travailler en co-construction plutôt qu’en séquentiel. La distribution de la valeur sur la chaîne du bâtiment va également être modifiée, les lots techniques devenant aussi stratégiques que le gros œuvre ou les lots architecturaux. A l’aube de cette révolution, et alors que de nombreux défis technologiques et structurels restent à relever, une chose est sûre : cette nouvelle équation « usages + data = âtiment 4.0 » va complètement redistribuer les cartes de l’industrie du bâtiment, avec pour objectif : plus d’écoute de l’usager, plus de confort, plus de performances et plus d’interconnexion.