© Neil Taberner
Conçu par l’agence Acton Ostry Architects Inc. avec la complicité de l’architecte autrichien Hermann Kaufmann et du BET structure local Fast+ Epp, l’immeuble de logements étudiants de l’université de Vancouver, avec sa structure essentiellement en bois, serait, avec 54 m de haut, un IGH en France. Le record de hauteur qu’il a battu ne devrait cependant pas tenir bien longtemps. Il n’en demeure pas moins que cette réalisation marque une étape dans l’évolution de l’architecture bois, comme l’ont souligné les six revues spécialisées de six pays, en lui attribuant, lors du 8e Forum International Bois Construction, leur 1er Prix international architecture bois décerné par la presse.
Hermann Kaufmann a trouvé au bout du monde, enfin, un projet et un contexte lui permettant de poursuivre et de relayer le travail de recherche entamé par l’édification de la tour Life Cycle Tower 1, à Dornbirn, et qui constitue, en fait, le point de départ de toute la vogue des tours en bois de grande hauteur dans le monde. The Tallwood House a pour mission de loger des étudiants sur une mince parcelle rectangulaire du campus. Pour livrer plus de 400 chambres, le projet recourt à deux cages en béton pour le contreventement. D’autre part, le choix d’assemblage des poteaux et des planchers vise un maximum de simplicité. C’est de l’emboîtement et les poteaux peuvent être mis en place manuellement. La simplicité implique une forte répétitivité, servie dans le cas du Tallwood House par la destination des lieux, des logements étudiants plus ou moins identiques.
Simplicité et répétition
Le concept constructif est limpide : des panneaux CLT 5 plis de 169 mm d’épaisseur, en format 2,85 x 4 m (fournisseur : Structurlam), reposent par leurs angles usinés sur des sabots métalliques placés dans la continuité de poteaux BLC de 2810 x 265 x 265 mm pour les niveaux 2 à 9 et 2810 x 265 x 215 mm pour les niveaux 10 à 18 (présence également de poteaux Parallam de Weyerhaeuser). Les sabots sont reliés en partie supérieure par des cornières métalliques qui ont pour fonction d’empêcher une sollicitation de compression parallèle aux fibres du bois. Les façades sont composées d’éléments finis de 2,81 x 8 m posés sur une cornière acier en nez de dalle. Le bois est protégé par plusieurs couches de plaques de plâtre (3 à 4 !) et par une chape de 40 mm à fonction également acoustique. La performance coupe-feu des planchers a été évaluée à 2 heures, sachant que l’ouvrage a bénéficié d’une approche spécifique rendue possible notamment par un programme de recherche engagé en 2013 pour favoriser la construction d’immeuble en bois multi-étage. La sécurité incendie est assurée par un réseau de sprinklers dotés d’une réserve spécifique en eau.
Le choix du bois
La façade en ressort un peu monotone, malgré l’animation générée par la bichromie des panneaux Trespa. Ce qui frappe, c’est que le concept technique ne recourt même pas aux éléments de planchers mixtes secs développés par Kaufmann pour la tour LCT 1. Selon l’agence autrichienne, l’explication se situe au niveau des contraintes sismiques : « Il fallait faire en sorte que les planchers soient les plus légers possibles. »
Une performance couronnée
Le principal mérite de cette opération, c’est de montrer qu’un 54 mètres en bois avec deux noyaux étroits en bétons et 16 planchers en CLT est non seulement possible, mais très rapide à monter (66 jours !) et compétitif par rapport au béton en coût global. Surtout si l’on prend en compte qu’il s’agit d’un premier projet du genre dans la région. La prouesse dépasse cependant les frontières car les rédacteurs de six magazines spécialisés dans l’architecture bois (voir encadré), lui ont décerné, quoique de peu, leur premier Prix international d’architecture bois, remis au patron de l’agence Acton Ostry Architects à l’occasion de la 8e édition du Forum International Bois Construction.
Artlab, contraire de Tallwood House
Sur un total de 18 projets en lice, et une liste de 5 projets nominés, la tour était jusqu’au bout en compétition avec un projet diamétralement opposé conçu par l’architecte japonais Kengo Kuma à destination d’un tout autre campus, celui de l’EPFL de Lausanne. Autant le Tallwood House monte en hauteur, autant Artlab mise sur l’allongement horizontal, ce qui ne pose pas en soi de gros problème constructif au bois. L’architecte japonais Kengo Kuma a choisi une esthétique qui évoque l’origami pour abriter trois fonctions distinctes : un café de 895 m2, un espace de recherche artistique de 1 836 m2 et un espace de présentation des projets de recherche de l’EPFL.
La continuité et la légèreté ludique de l’ensemble sont assurées par des structures porteuses en BLC renforcées par l’adjonction de platines ajourés collées en acier. La toiture recourt pour sa part à des panneaux OSB et à des panneaux LVL-Q.
Une architecture bois à la croisée des chemins
Le commentaire publié par le jury témoigne de l’hésitation actuelle entre deux grandes tendances de l’architecture bois, à savoir la recherche formelle dont témoigne l’Artlab, et la recherche technique et performancielle qu’illustre The Tallwood House : « Deux réalisations se sont retrouvées ex æquo à la fin des délibérations, plaçant le jury dans une situation délicate. Le Artlab de Kengo Kuma est un exemple époustouflant de la façon dont le bois peut servir d’écrin à un espace d’exposition en devenant lui-même une œuvre d’art. D’un point de vue technique, Artlab expérimente le recours à des poutres en BLC renforcées par d’élégantes lames d’acier ajourées. Il n’en reste pas moins que The Tallwood House pose un nouveau jalon architectural, ouvrant la voie à de nouveaux usages du bois dans la construction et l’architecture d’ouvrages multi-étages. »
JONAS TOPHOVEN