La Fédération CINOV a organisé le lundi 6 avril une table ronde virtuelle afin de débattre avec ses membres des conditions de mise en pratique sur le terrain du « Guide OPPBTP ». L’occasion de faire le point et de soulever des interrogations.
Sept présidents et membres de fédérations* étaient présents lors d’une table ronde virtuelle organisée par Cinov afin de débattre sur l’application du guide de l'OPPBTP dédié aux conditions de reprise des activités du BTP dans le contexte de crise sanitaire causée par l’épidémie de Covid-19 (publié le 2 avril). Si la parution de ce guide fait débat, tous autour de la table ont néanmoins salué « l’exercice délicat fait par l’OPPBTP, même s’il y a des points à parfaire et à vérifier dans la réalité de nos missions », précise Jean-Michel Woulkof, président de l’Unsfa. Il n’en demeure que, pour Pascal Asselin, président de l’Untec, cet outil, très pratique, permet de "faire le point sur la reprise ou non des chantiers même si la décision et l’application de la reprise est une partition qui se joue à plusieurs ».
Quelques interrogations
Ce guide permet-il vraiment une reprise d’activité́ du secteur ? Pas tout à fait, à en croire les différents retours. D’autant que la rupture de masques est toujours d’actualité et que cela devrait être résolu d’ici une à deux semaines. Mais « la question soulevée est de savoir quand et dans quelles conditions il pourra effectivement être utilisé », relève Jean-Michel Woulkof, président de l’Unsfa. La reprise semble d’autant plus compliquée lorsque la coactivité est présente sur les chantiers. « Notre position en tant que pilote doit aller jusqu’à la non-reprise du chantier si les conditions de sécurité sont difficilement possibles et l’arrêt de chantier si les conditions ne sont pas respectées. Les règles doivent être strictes », poursuit-il. Il est en effet indispensable de bien évaluer les risques, de les éviter et de prévoir des mesures correctives et, lorsque ce n’est pas possible, d’arrêter les chantiers. De l’avis de tous, assez peu de chantiers reprendront avant les deux à trois semaines à venir. Une sélection naturelle se fera en fonction de l’importance de la reprise.
De surcroît, « la présence du coordonnateur CSPS est indispensable et doit être renforcée à raison de deux à trois fois par semaine », embraye Dominique Millet, président du Synaamone, qui s’inquiète par ailleurs de la disparition de nombreuses entreprise si cette crise dure plusieurs mois.
Car, effectivement, à quand la reprise ? Nul n’a vraiment la réponse. Pour Julien Serri, directeur technique LCA-FFB, « 90% de l’activité est à l’arrêt aujourd’hui et la reprise immédiate me paraît irréalisable. Plusieurs points doivent être vérifiés auparavant comme l’analyse de risque au cas par cas avec tous les acteurs (maîtres d’ouvrage, d’œuvre, bureau d’études…). Mais aussi la mise à jour tous les documents (PPSPS, PGS…) ».
Délais et coûts en explosion
Autres interrogations soulevées par les représentants de ces fédérations, et pas des moindres, la responsabilité pénale des entreprises et du maître d’ouvrage. Ou encore la question des coûts, car reprendre un chantier dans ces conditions à un coût et il sera d’autant plus élevé que la situation sera longue ! Qui va prendre en charge le surcoût économique ? Il faut donc revoir les contrats, faire des avenants, ce qui n’est pas toujours possible dans le cadre des marchés publics… et cela retardera également la reprise des chantiers. « Cela n’est pas prêt de se terminer », rappelle-t-on lors de cette table ronde. « La fin du confinement en Asie n’a pas mis fin aux mesures de confinements qui risquent de se prolonger jusqu’à la fin de l’année. La difficulté, note René Gamba, vice-président de Cinov, vient de ce que chaque acteur, maître d'ouvrage, maître d'oeuvre, entreprise, est coincé entre sa responsabilité contractuelle, et sa responsabilité pénale … Il faut peut-être interpeller le législateur sur ce dilemme.» Quant aux délais de livraison, ils vont probablement « tous exploser ». La grande interrogation outre la reprise des chantiers en suivant les préconisations du guide est celle de l’après confinement donc. Dans cette optique, comme le préconise Damien Racle président désigné de Cinov-Ingénierie, il faudra profiter du travail important qui a été fait dans toutes les fédérations sur les conditions de la reprise pour préparer dès à présent la mise à jour du guide pour la période de déconfinement, période pour laquelle la reprise des chantiers sera très élevée.
*La table ronde a réuni Paul Duphil, Secrétaire général de l’OPPBTP, Pascal Asselin, Président de Untec, Régis Lambert, Président de l’UNGE, Jean-Michel Woulkof, Président de l’Unsfa, Dominique Millet, Président du Synaamome, Julien Serri, directeur technique LCA-FFB et Damien Racle, Président désigné CINOV Ingénierie