Surfaces réglementaires Un dédale de mesures

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Celliers d'un immeuble mixte bureau/logements Comparaison de deux aménagements en rez-de-chaussée d’un immeuble mixte avec habitation et activité professionnelle : quand ils sont accessibles par des parties communes, les celliers des logements et leurs dessertes spécifiques ne rentrent pas dans la surface de plancher, contrairement aux locaux annexes des activités professionnelles.

© Docs. Circulaire du 3 février 2012

La notion de « surface de plancher » a été introduite dans la législation en 2012 avec l’ambition d’apporter plus de simplicité. Un objectif difficile à satisfaire. Le dispositif de mesure adopté tente de moduler et d’accorder les divers besoins de surface réglementaire.

La surface doit exprimer au mieux la taille d’un bâtiment. Elle se calcule, bien sûr, selon les lois de la géométrie et des mathématiques. Mais pas seulement… Il faut aussi répondre à une définition, qu’elle soit réglementée et officielle ou élaborée dans un contexte de charte professionnelle communément partagée.

La surface est utilisée comme unité de mesure pour encadrer les droits à construire et insuffler une politique d’aménagement, pour fixer les taxes et impôts, ainsi que les aides et subventions. Elle sert à évaluer les prix de vente, les charges et montants de loyer, mais aussi à élaborer des statistiques, des ratios économiques ou énergétiques. Elle participe à une complexité technique et juridique source de contradictions. Pendant longtemps, le Code de l’urbanisme s’est appuyé sur deux valeurs fondamentales : la surface hors œuvre brute (Shob) et la surface hors œuvre nette (Shon). « Ces deux références sont remplacées, depuis le 1er mars 2012, par la notion de surface de plancher, avec l’appui d’une mesure complémentaire : l’emprise au sol », rappelle Yves Goujon, chef du service droit des sols au sein de la direction de l’aménagement de la ville de Cholet. Également formateur en droit de l’urbanisme, il est l’auteur d’un ouvrage dédié aux surfaces réglementaires1.

Du nu extérieur au nu intérieur

« La réforme a été initiée par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement », précise Yves Goujon. L’article 25 de cette loi, dite « Grenelle 2 », prévoyait en effet l’objectif suivant : « Unifier et simplifier la définition des surfaces de plancher prises en compte dans le droit de l’urbanisme », avec la volonté de rester « à droit constant ».
Rappelons que le Code de l’urbanisme utilise la surface pour énoncer quatre exigences légales : évaluer la taxe d’aménagement ; déterminer les droits à construire attachés à un terrain ; fixer les seuils d’application des procédures d’autorisation (permis de construire, déclaration préalable ou dispense de formalité) et encadrer le recours obligatoire à un architecte. Or, ces différents enjeux peuvent entrer en discordance.
D’un calcul complexe, appuyé sur une jurisprudence foisonnante, la Shob et la Shon n’apportaient plus satisfaction. D’une part, elles se mesuraient au nu extérieur des façades, ce qui contribuait à pénaliser les bâtiments thermiquement plus performants, car dotés d’une enveloppe à isolation - et donc épaisseur - renforcée libérant moins de surface utile. D’autre part, la logique de calcul excluait les caves, sous-sols et emplacements dédiés au stationnement. Or, la pratique montrait que certains plans de construction favorisaient délibérément les garages surdimensionnés échappant à la fois à la fiscalité et au seuil de recours à l’architecte. Ces espaces pouvaient ensuite être aménagés discrètement en surface habitable.
« La première étape de la réforme a été portée par la loi de finances rectificative n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 », explique Yves Goujon. Elle introduit l’article L331-10 dans le Code de l’urbanisme, qui institue comme assiette de la taxe d’aménagement la notion de surface de plancher. Celle-ci est définie de la manière suivante : « Somme des surfaces de plancher closes et couvertes, sous une hauteur de plafond supérieure à 1,80 mètre, calculée à partir du nu intérieur des façades du bâtiment, déduction faite des vides et des trémies. »

Nouvelle référence : l’emprise au sol

Pouvait-on en rester à ce seul périmètre ? En tout cas, la législation s’est depuis attachée à moduler progressivement les impacts de ce changement. « Rétrospectivement, force est de constater que le dispositif réglementaire mis en place pour atteindre l’objectif d’unification et de simplification laisse perplexe », analyse le juriste de la ville de Cholet.
La deuxième étape de la réforme a été engagée par l’ordonnance n° 2011-1539 du 16 novembre 2011. Celle-ci détaille une nouvelle définition de la surface de plancher, différente de celle visée par la fiscalité, destinée à répondre « à droit constant » aux autres fonctions énoncées plus haut : droits à construire, procédures d’autorisation et recours à un architecte. Ce calcul est spécifié par les articles L111-14 et R111-22 du Code de l’urbanisme2. Comme le montre le tableau 1 ci-dessous, bien que toujours mesuré au nu intérieur, le contenu de cette surface est réduit, car il ne prend pas en compte les garages et rampes d’accès, les combles non aménageables à usage d’habitation ou professionnel.
Cela étant, il s’est avéré que la surface de plancher ne pouvait suffire à elle seule pour encadrer les procédures d’autorisation et l’obligation de recours à un architecte. Les distorsions avec l’ancienne Shon étaient trop importantes. Cette difficulté a été résolue par la publication du décret n° 2011-2054 du 29 décembre 2011, troisième élément fort de la réforme, qui introduit la mesure de l’emprise au sol. Ce texte a créé dans le Code de l’urbanisme un article R420-1 ainsi rédigé : « L’emprise au sol au sens du présent livre est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus. » Une précision et correction a été ensuite spécifiée par le décret n° 2014-253 du 27 février 2014 dans les termes suivants : « Toutefois, les ornements tels que les éléments de modénature et les marquises sont exclus, ainsi que les débords de toiture lorsqu’ils ne sont pas soutenus par des poteaux ou des encorbellements. »

Des surfaces à contenu variable

Les tableaux 2 et 3 ci-joints détaillent les conditions à respecter pour bénéficier d’une dispense de formalité, ou pour se conformer à une procédure soit de déclaration préalable, soit de demande de permis de construire. Elles s’expriment selon une double référence : la surface de plancher et l’emprise au sol.
Était-il possible de se limiter à une seule définition de l’emprise au sol ? Manifestement, non… Les conditions de recours à un architecte ne s’effectuaient plus alors « à droit constant ». Ce décalage a été rattrapé par le décret n° 2012-677 du 7 mai 2012 avec l’invention d’une deuxième emprise au sol. L’article R431-2 du Code de l’urbanisme indique bien que ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes une construction qui n’excède pas 170 m² à la fois en termes de surface de plancher et d’emprise au sol. Mais, celle-ci est prise au sens de l’article R420-1 avec une projection verticale qui, cette fois, ne prend en compte que « la partie de la construction constitutive de surface de plancher ».
Comme le constate Yves Goujon, « ce mode de calcul s’apparente à la logique de l’ancienne Shon ». Si l’épaisseur des parois extérieures est bien comprise, il faut déduire les garages et rampes d’accès, ainsi que les espaces non fermés, tels que porches, coursives, balcons, terrasses, débords de toiture soutenus ou non… La limite de 170 m² continue pourtant à faire débat. Dans le cadre du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » (CAP), actuellement en cours de discussion, les architectes défendent la possibilité de rendre le recours obligatoire à partir de 150 m². Va-t-on constituer pour cela une nouvelle surface de référence ? En tout cas, pour les constructions à usage agricole, le seuil est aujourd’hui fixé à 800 m².
Attention encore : les deux notions d’emprises au sol définies plus haut n’ont pas forcément de correspondance avec les spécifications de l’emprise au sol retenues par les collectivités dans le cadre de leur plan d’occupation des sols (POS) ou plan local d’urbanisme (PLU).

Demande de rationalité

Pour un même projet, les professionnels sont donc confrontés au calcul de deux surfaces de plancher et de trois emprises au sol, aux contenus différents, car répondant à des exigences complémentaires. La géométrie variable de ces unités de mesure peut surprendre.
« La circulaire du 3 février 2012 relative au respect des modalités de calcul de la surface de plancher des constructions apporte des précisions sur l’application des nouvelles règles », indique Franck Bourdon, géomètre-expert DPLG, qui a fait partie des professionnels consultés lors de la préparation de la réforme (3). « Non publié au Journal officiel, ce document est illustré par des croquis qui apportent des précisions et facilitent la compréhension », complète-t-il.
S’est-on pour autant débarrassé de la Shon ? Pas totalement ! Elle se retrouve ponctuellement dans le Code de la construction et de l’habitation (CCH), mais aussi dans le Code général des impôts (CGI). Elle est encore utilisée pour évaluer dans l’existant les travaux de mise aux normes d’accessibilité et de rénovation énergétique, mais aussi pour fixer des critères de qualité environnementale autorisant une exonération de taxe foncière.
Enfin, on retrouve une trace de la Shon dans la réglementation thermique. Initialement, l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif à la RT2012 définissait un mesurage spécifique : la « surface de plancher hors œuvre nette au sens de la RT », appelée ShonRT. À la suite de la modification apportée par l’arrêté du 11 décembre 2014, cette surface qui intègre les murs extérieurs est devenue SRT. « En l’occurrence, le nom a changé, mais pas le mode de calcul », remarque Bernard Sésolis, ex-directeur du bureau d’études Tribu, expert en énergie et formateur4. Par ailleurs, si la consommation est rapportée à une surface de type Shon en logement neuf, elle est par contre exprimée selon la surface utile mesurée au nu intérieur en tertiaire neuf. Dans l’existant, c’est la surface habitable qui est utilisée comme référence pour chiffrer un diagnostic de performance énergétique (DPE). « La législation française compose un lourd mille-feuille qui associe dans la confusion besoins de conception et contraintes réglementaires », regrette encore aujourd’hui Bernard Sésolis.

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