Les nouvelles générations d’adjuvants béton autorisent le développement de la préfabrication en favorisant la montée rapide en performance mécanique. Résultat : l’augmentation de la performance à jeune âge et la réduction des temps d’étuvage.
© (Doc. MBT.)
La construction durable est le maître-mot du monde du gros œuvre. Si l’approche environnementale n’est pas nouvelle, on note, depuis deux ans, une formidable accélération du phénomène. Pas un produit qui n’y fasse référence. Conséquence immédiate : l’intégration des contraintes environnementales au sens large et le développement de solutions techniques sur mesure.
Les préoccupations environnementales, du risque sanitaire à la réduction des gaz à effet de serre, influencent de plus en plus fortement les pratiques constructives. Pas un produit qui n’y fasse référence. L’intégration des contraintes environnementales au sens large influe nettement sur l’offre produits, par le biais notamment de la norme expérimentale XP P 01 010 qui, à terme, deviendra le référentiel de la démarche HQE pour les matériaux de construction. Déjà une vingtaine d’industriels y ont soumis leurs produits. Par ailleurs, les diverses lois et réglementations qui ont fleuri ces dernières années, font maintenant partie du quotidien. La RT 2000 qui pèse de tout son poids et pour laquelle il est difficile de vraiment mesurer l’impact sur l’offre produits et les modes constructifs, n’a normalement plus de secret pour personne. En attendant la nouvelle version ! Sans bouleversement, les produits évoluent vers des systèmes plus ou moins « clés en mains ». L’objectif : proposer des solutions complètes adaptables à toutes les situations avec pour corollaire une augmentation de la productivité sur les chantiers.
Les éléments maçonnés posés à joints minces béton cellulaire, brique monomur et pierre ponce, rivalisent d’imagination pour se placer sur le créneau de la construction durable. Ces systèmes, dits à isolation répartie, sont réputés plus sains et exempts de ponts thermiques. Ainsi, le béton cellulaire, aux qualités souvent méconnues, dont les deux principaux fabricants (Ytong et Siporex) se sont regroupés sous dénomination Xella, se pose en alternative face aux nouvelles règles environnementales. Les systèmes à joints minces intègrent murs, cloisons, planchers et toitures. Les blocs, déclinés en différentes épaisseurs, satisfont aux exigences de la RT 2000 dès 25 cm avec un ? de 12, pour toute zone climatique. Des versions grands formats assurent l’élévation rapide de murs de grandes dimensions. Plus méconnus mais non moins performants, les blocs de pierre ponce (Bisotherm…) tirent leur épingle du jeu en affichant des coefficients de transmission surfacique très compétitifs : U = 0,34 W/m2.K pour un mur de 36,5 cm d’épaisseur avec joints horizontaux de 12 mm réalisés avec un mortier thermique de même nature.
De nouveaux formats de briques
La brique « Monomur » (Imérys Structure, Terreal, Wienerberger…) peaufine son image environnementale en répondant aux critiques sur les consommations d’énergie pendant le process de fabrication. Ainsi la Fftb (1) précise d’après son étude conforme à la norme XP P 01 010 que « l’énergie utilisée pour la totalité du cycle de vie (de la production à la fin de vie) des murs en Monomur d’une maison est économisée en 13,6 mois de chauffage par rapport à une maison conçue avec des murs en maçonnerie courante non isolée ». L’innovation se trouve dans des nouveaux formats de briques de 20 cm à maçonnerie roulée. Ainsi, Imérys Structure lance Optibric, une brique de grand format (20 x 27,4 x 56 cm) issue de la technologie dite de la rectification, qui se monte à joints minces à l’aide d’un mortier-colle. La rectification, effectuée après la cuisson de la brique, consiste à rendre les faces de pose totalement parallèles par une opération de meulage simultané. La rigueur dimensionnelle réduit les ponts thermiques (R = 0,75 m2 K/W.), mais aussi le temps de pose, point économiquement faible de ces produits. Il n’en est rien, en revanche, pour le bloc béton qui représenterait encore environ 84 % des murs extérieurs porteurs de façade en maisons individuelles et 32 % en logements collectifs. Les blocs s’agrandissent (20 x 23 x 60 cm) pour permettre de maçonner 1 m2 de mur avec 7 blocs, contre 8 à 10 avec des blocs traditionnels. Une fiche de données environnementales et sanitaires, en conformité avec la norme provisoire XP P 01 010, sera publiée à l’occasion de Batimat.
Encore facultatif, le traitement des ponts thermiques s’avère indispensable. Il le sera d’autant plus que le renforcement de la réglementation thermique, annoncé en 2005, pourrait bien les prendre en compte, tant les pertes générées sont importantes. Les habitudes constructives ont la vie dure et il ne semble pas que l’on s’oriente vers la solution la plus simple, à savoir l’isolation par l’extérieur. Se développe donc toute une gamme de procédés de rupteurs de ponts thermiques (Bekaert, Bouygues, KP1, Plakabeton, A Pouget, Refend/façade, Schöck), tous plus ingénieux les uns que les autres (2) pour limiter ou couper la continuité thermique entre plancher et façade. Certains ont d’ores et déjà obtenu des Avis techniques, les autres sont en cours de procédure.
Les isolants, le chaînon obligé
Quel que soit le mode constructif retenu, le travail sur l’enveloppe reste primordial et les isolants restent le chaînon obligé dans la lutte contre les déperditions thermiques. Les PSE et laine minérale ne cessent de s’améliorer, en attendant les superisolants qui n’en sont qu’au stade expérimental. Venu d’Allemagne, l’un d’entre eux se présente sous la forme de panneaux de faible épaisseur (1 à 3 cm), à la résistance thermique particulièrement élevée (inférieure à 10 m2K/W). Réalisés avec un film aluminium, les panneaux sont constitués de matériaux composites intégrant une âme, confinée dans un film étanche et mise en dépression, à l’image d’un paquet de café sous vide. Les performances attendues de ces isolants polyvalents de « nouvelle génération » seront de trois à dix fois supérieures aux meilleurs isolants industriels actuels. À manipuler cependant avec précaution et par une main-d’œuvre qualifiée, puisqu’ils ne peuvent être ni percés, ni découpés. Fragile, un revêtement à base de verre, de bois ou d’acier les protège obligatoirement des agressions (déchirures, coups, poinçonnement…). En phase probatoire, ils sont étudiés de près à l’échelon français et européen, pour s’assurer de leur tenue dans le temps. Quant aux produits comme la laine de chanvre, ils restent anecdotiques.
Des bois recomposés en structure
Côté environnemental, le bois possède un avantage indéniable en terme d’image. Mais l’intérêt croissant pour ce matériau n’est pas uniquement une affaire d’image. Structurellement, comme la charpente métallique il y a quelques années, il n’en finit pas d’évoluer à travers une palette de solutions aptes à répondre à toutes les configurations : habitat individuel, collectif, tertiaire, entrepôts… Ainsi, d’une situation encore très artisanale il y a quelques années, on est en train de passer, doucement mais sûrement, à une phase d’industrialisation irréversible. Ce constat est valable pour le bois massif, le lamellé collé (BLC) et, plus récemment, pour le bois reconstitué (BLR) et le Lamibois (LVL). Une évolution qui tient essentiellement à une maîtrise de plus en plus grande de l’ingénierie, qui permet d’améliorer les process de fabrication, via la robotisation, l’automatisation (machines à commandes numériques) et l’informatisation (essor des logiciels de calcul). En résultent des capacités d’usinage plus précises, plus complexes et une baisse des coûts. La conséquence directe, c’est le fort développement de la préfabrication dans tous les domaines : panneaux de toiture, de façade, caissons de planchers ou charpentes par le développement de véritables kits de charpentes bois massif, à l’image des fermettes. Bien sûr, le bois massif conserve ses limites dans lesquelles s’engouffrent le BLC et le BMR, appelés aussi « duo trio » chez nos voisins d’outre-Rhin. Cette technique intermédiaire consiste à assembler par contrecollage des lames de bois jusqu’à 80 mm d’épaisseur (44 mm pour le BLC) permettant la réalisation des poteaux trois plis. Avantage sur le bois massif : la stabilité, l’absence de vrillage couplée à plus de précision dans les découpes, les assemblages et des sections plus importantes. Le Ctba valide d’ores et déjà ces produits et la normalisation devrait voir le jour début 2004. De son côté, le BLC se renforce de la présence de matériaux composites pour des applications particulières. L’insertion de carbone pultrudé, entre deux plans de collage, augmente ses caractéristiques en flexion, tout en homogénéisant l’ensemble. Au final, des économies de matière en assise malgré des portées entre appuis plus grandes.
Utilisation raisonnée du bois chauffé
Autre procédé prometteur mais encore peu utilisé en France, le Lamibois, équivalent français de LVL (Liminated Veneer Lumber). Ce matériau, composé de placages minces de bois recollés à fils parallèles, a une vocation essentiellement structurelle. Les panneaux sont, en effet, découpés en longueur et refendus à la demande. Les poutres peuvent ainsi atteindre 23 m de longueur pour des épaisseurs variant de 20 à 90 mm. Sa technologie de fabrication lui confère des propriétés de résistance élevées à la flexion et à la compression (contraintes admissibles autour de 20 MPa). Sa résistance mécanique est ainsi supérieure d’environ 30 % à celle du lamellé-collé traditionnel. À disposition, poutres droites ou profilées, pièces de charpente, montants d’ossature, etc. Il peut également s’utiliser en panneau s’apparentant, tant d’un point de vue mécanique que visuel, à du contreplaqué ou du multipli. On le rencontre ainsi en panneau de couverture droit ou cintré, ou dans les ailes de poutrelles bois en I devant supporter des charges importantes. Plus récent, le bois chauffé à haute température est pour l’instant préconisé dans des utilisations non structurelles (bardages, volets, plage de piscine…). Mais son emploi devrait s’étendre dans les années à venir. Stable dimensionnellement, il est également moins sensible aux insectes (sauf aux termites) et aux agents de dégradations biologiques. En revanche, il est plus fragile et plus cassant en flexion. Dans l’avenir, il s’agira de trouver le bon compromis entre durabilité et usage.
L’amélioration via des systèmes métallocollés
Du côté des assemblages, la précision des usinages s’accroît. Plusieurs techniques sont envisageables, dont la dernière en date, par goujons collés, est particulièrement prometteuse. Elle permet notamment de cacher la pièce métallique de liaison dans la masse du bois, tout en renforçant le comportement mécanique. Dans tous les cas, la tendance est à l’amélioration des performances via des systèmes métallocollés par résine. Avantage supplémentaire : les assemblages se font plus discrets. Cependant, leur réaction au feu est encore mal connue. Pour Charles Baloche, chef du département sécurité, structures, feu du Cstb, « ces assemblages multimatériaux sont complexes, que ce soit sur le plan de leur comportement ou du cheminement des efforts internes qu’ils subissent. Il s’agit de comprendre le comportement au feu, mais aussi aux séismes de ces structures bois ». Un travail en cours.
Le béton fait également l’objet de toute l’attention du Cstb, sous l’angle de sa réaction au feu. S’il possède un bon comportement en raison notamment de sa forte inertie thermique, il peut, dans certaines conditions (plusieurs centaines de degrés) perdre, à l’image des aciers, de sa cohésion et de sa résistance, via des effets de dilatation différentiels de ces composants avec, contrairement à l’acier, une rapidité accrue. C’est le cas des bétons hautes performances (BHP) qui, malgré leurs propriétés mécaniques remarquables, rencontrent quelques difficultés face à l’incendie. Certains ont parfois tendance à s’écailler en surface. Le Cstb préconise donc des tests de convenance pour chaque « recette » de béton. Le but étant de trouver des formules où l’écaillage ne se produit pas. Hormis cette question, le béton se décline sous multiples appellations : BHP, BFM, BPR, BUHP, BAP, BAN… Cependant, tous vont dans le même sens : réduction de l’eau non consommée par l’hydratation du ciment afin de limiter les défauts qui y sont liés tels que microfissurations, les ruptures et autres déformations de retrait et de fluage. La multiplication des formulations n’a que des implications positives sur les chantiers : mise en œuvre plus aisée (conditions de travail et rapidité), grande qualité des parements structurés ou non, meilleure résistance mécanique et développement croissant de la préfabrication. Le projet national BAP, dont l’achèvement est prévu pour le premier semestre 2004, devrait affiner les connaissances sur ces bétons en levant les dernières zones d’ombre (voir encadré Avis d’expert) susceptibles de subsister sur le produit et permettre à terme sa généralisation. Le BAP satisfait aux mêmes exigences de résistance et de longévité que les bétons classiques. Seule différence, il se met en place sous l’effet de son propre poids et de ses caractéristiques d’écoulement, en épousant sans difficultés les formes de coffrages complexes.
Des températures d’étuvage optimisées
L’amélioration des produits passe par celle des adjuvants. Sans eux, les BAP ou BHP n’existeraient pas. Apparus il y a moins de dix ans dans la famille des superplastifiants, les polycarboxilates (PCP) contribuent fortement à réduire le rapport eau/ciment, particulièrement dans les BHP et pour la préfabrication. Ils optimisent les températures d’étuvage, ce qui augmente les rotations.
Dans le domaine du couvert, les tuiles en terre cuite « grand moule » conquièrent l’habitat collectif. À noter, l’arrivée de tuiles photovoltaïques intégrées à la toiture, comme ce fut le cas il y a deux ans avec les couvertures zinc. Proposées pour le moment par Imérys toiture, elles retrouvent les styles régionaux que les années d’après-guerre avaient plus ou moins fait disparaître. À quand une tuile solaire fortement galbée pour les régions du sud de la Loire ? D’aucuns y travailleraient. À disposition également, de nombreux coloris aux tons vieillis ou non. Hier en perte de vitesse, le marché des tuiles béton (Eternit, Lafarges Couverture…) progresse aujourd’hui, notamment grâce à une nouvelle génération de produits dotés d’une plus grande résistance aux agressions climatiques et aux effets du temps. Des progrès obtenus grâce à un nouveau matériau de surface composite, à base de ciment blanc. Au point que les nouvelles familles de tuiles sont garanties trente ans contre l’érosion. Côté esthétique, couleurs et textures les font rivaliser sans complexes avec les tuiles terre cuite.
Réunis maintenant en grands groupes (Imérys Toiture Koramic, Lafarges Couverture, Térral…), les fabricants de tuiles proposent, concurrence oblige, des offres de service d’aide à la prescription de plus en plus sophistiquées : création de réseaux de couvreurs, de guides, de sites web, hot line, numéro vert ou indigo… Lafarge Couverture va même jusqu’à proposer un système de toiture intégrale visant à adapter, en neuf comme en rénovation, la toiture aux standards modernes.
Zinc : des gammes élargies
Les toitures-terrasses que l’on croyait en perte de vitesse retrouvent de l’intérêt. Deux raisons à cela : la fiabilité et l’évolution des systèmes existants – membranes bitumineuses, membranes PVC et membranes APP – couplées à une réponse environnementale pertinente. C’est particulièrement le cas des systèmes de toitures végétalisées (Axter, Sarnafil, Siplast, Soprema…). Assimilables à un espace vert, ces toitures régulent les eaux pluviales et améliorent globalement les performances d’isolation de la couverture. À leurs côtés, se développent de nombreuses solutions de surtoiture (3), liées à la nécessité de recouvrir les plaques ondulées en fibres-ciment contenant de l’amiante. La surtoiture évite, en effet, la dépose des plaques et leur mise en décharge très onéreuse. Il s’agit des systèmes bacs acier (Pab, Haironville, Batiroc…), d’étanchéités bitume élastomère (Soprema, Siplast, Onduline…), des membranes PVC (Sika, Sarnafil…) et des panneaux isolants PSE plans ou profilés (Knauf…). Plus prestigieux, le cuivre et le zinc ne sont plus cantonnés à la rénovation. On les trouve de plus en plus en construction neuve et dans tous les domaines, de l’habitat individuel au secteur tertiaire. Pour le zinc, les fabricants (Rheinzink, VM Zinc…) ont élargi leurs gammes, en proposant des produits bruts ou prépatinés d’une plus grande pureté et, dans tous les cas, conformes à la norme européenne EN 988. À côté des modes de pose traditionnelle, couverture à tasseaux et agrafures ou à joints debout, de nouveaux procédés de toitures chaudes sont préconisés, en neuf ou en rénovation. Ici, le zinc utilisé est revêtu en sous-face d’une laque polymérisée de 60 µm d’épaisseur le protégeant de la condensation. Le système comprend un complexe technique zinc plus isolant. Très efficaces dans les régions à forte hygrométrie, les toitures chaudes bénéficient d’un Avis technique. Les fabricants s’orientent également vers des systèmes de surtoiture utilisés en rénovation sur des couvertures froides, ventilées. Des systèmes spécifiques consistent à interposer entre le support et les feuilles de zinc une nappe à excroissance formée de plots de 8,6 mm d’épaisseur. Un système qui permet également de réaliser une couverture zinc sur support non compatible.