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STADES Des équipements monumentaux qui visent la polyvalence et les économies d’énergies

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STADES Des équipements monumentaux qui visent la polyvalence et les économies d’énergies

L’ossature acier du stade Léo-Lagrange est constituée de trois arches principales qui franchissent de 120 à 150 m selon l’implantation et culminent à 15 m de hauteur. (Doc. Sergio Grazia.)

Luc Delamain et Maxime Barbier, sont architectes DPLG, de l’agence Scau (Société de conception d’architecture et d’urbanisme), aujourd’hui l’une des plus grandes agences françaises. L’agence qui s’inscrit dans une dynamique de polyvalence travaille dans de nombreux domaines tels que les équipements culturels, hôpitaux, universités... et bien sûr les stades : Stade de France et plus récemment le stade Océane du Havre, le stade du Hainaut à Valenciennes, ou encore le stade Vélodrome à Marseille. Projets réalisés par Maxime Barbier, associé depuis 2009 et Luc Delamain, associé depuis 2001 et président de l’agence depuis 2013.

PROGRAMME

CTB : Comment définiriez-vous un stade en ce début de xxie siècle ?

Luc Delamain : Les stades sont, comme tous les grands équipements, en grande mutation. Mutation qui se traduit par une plus grande polyvalence en vue d’une utilisation la plus large possible, ne serait-ce que pour rentabiliser l’investissement. Ce sont des équipements, des outils, qui servent la ville en offrant des services annexes. À l’instar des monuments, ils en sont des éléments majeurs, des repères qui participent à la création d’une identité à travers des événements qui, aujourd’hui, ne sont plus nécessairement sportifs.
Le stade est un catalyseur qui fédère à l’image des réseaux sociaux, en créant des identités de groupe. Il y a, en effet, une correspondance entre le lieu physique et le virtuel, car le spectacle - match de football ou autre - qui se déroule dans l’arène est aussi créé pour la télévision. Ces équipements prennent donc une place importante dans l’agglomération, avec une grande emprise foncière en contradiction avec le besoin de densité dont on parle beaucoup aujourd’hui. Il y a aussi une différence entre les grands équipements particulièrement emblématiques, comme le stade Vélodrome, et les besoins des petites agglomérations. Beaucoup de stades de proximité, notamment pour le rugby, se construisent ou sont à construire. Mais petit ou grand, dans tous les cas j’en reviens à l’idée du monument qui crée un rapport entre le lieu et les usagers qui vont pratiquer ce lieu.

CONCEPTION

CTB : Qu’est-ce que cette approche implique sur le plan de la conception et du constructif ?

Maxime Barbier : La conséquence, c’est qu’on demande à un stade de remplir beaucoup plus de fonctions qu’auparavant. Par exemple au Qatar, les cinq stades qui seront construits pour la Coupe du monde seront climatisés, ce qui est une première. Mais on pourra aussi leur demander d’être démontables et adaptables structurellement en fonction de l’événement qui s’y déroule. Le stade devient un outil qui doit s’adapter structurellement. Cette adaptabilité est une problématique très forte puisqu’on cherche à moduler la jauge : 5 000, 10 000 ou 15 000 personnes, pour un match, pour une compétition d’athlétisme, pour un concert ou pour l’installation d’une piscine. Nous réfléchissons, notamment, à des structures en métal ou métal/béton que l’on pourrait rapidement démonter ou adapter. Je pense que c’est l’avenir. En revanche, si l’on pense climatiser au Qatar, il n’est pas question de chauffage dans les tribunes d’Europe. On aura à l’avenir davantage besoin de rafraîchir, même en Europe.

Luc Delamain : Une autre des conséquences de cette mutation, c’est la mise en place d’une couverture couvrant, au minimum les gradins, au maximum l’ensemble du stade. C’est vraiment l’une des grandes questions d’aujourd’hui : doit-on mettre une toiture au-dessus de la pelouse ? Le stade de Lille, avec sa couverture mobile et sa pelouse rétractable, peut se transformer en une “boîte à spectacles ”. Il n’est cependant pas envisageable pour le moment que la toiture reste constamment fermée, car la possibilité de pouvoir l’ouvrir est liée aux réglementations sur le type de pelouse - naturelle, artificielle ou mixte. On pourrait imaginer une toiture fixe, mais cela viendrait compromettre la polyvalence qu’on recherche. En même temps, il faut penser aux coûts d’exploitation que représentent une toiture coulissante et une pelouse rétractable comme celle de Lille. L’un des problèmes, est que la polyvalence comme à Lille augmente considérablement les coûts d’exploitation et d’entretien. Il faut se méfier des solutions pharaoniques, en s’efforçant de réaliser un savant dosage entre technique et coût d’exploitation.

ENVIRONNEMENT

CTB : Quelles autres évolutions constatez-vous, notamment dans l’utilisation des matériaux ?

Maxime Barbier : Si l’on continue de parler modularité, les gradins sont un bon exemple. Ainsi, il est de plus en plus question de gradins amovibles, donc plutôt à structure métallique que béton, comme cela se pratique majoritairement pour les gradins fixes. Concernant la structure, le métal et le mixte bois-métal sont plutôt bien adaptés aux charpentes des couvertures. Il y a aussi l’utilisation de matériaux innovants tels que les toiles Etfe. Ce matériau est très intéressant et nous l’avons utilisé pour la première fois en simple peau pour le Grand stade du Havre, qui plus est, teinté dans la masse. Il est autonettoyant, donc source d’économies en terme de maintenance ; léger, donc favorisant une économie de structure, tandis qu’il apporte de la transparence, donc de l’ensoleillement dans les tribunes et sur la pelouse.

Luc Delamain : L’aspect environnemental a aussi une influence de plus en plus grande sur ces constructions. Si l’on reprend l’exemple du stade du Havre avec : 1 500 m 2 de capteurs photovoltaïques en toiture, son système de récupération des eaux de pluie pour les sanitaires, l’arrosage des pelouses et l’alimentation des bâches à incendie et des équipements de chauffage choisis pour leur performance énergétique, il est le premier stade français à énergie positive.

ÉCLAIRAGE

CTB : Y compris avec les systèmes d’éclairage de la pelouse ?

Maxime Barbier : Non et c’est une dépense qui est très importante. On a besoin d’énormément de lux pour éclairer correctement la pelouse. Cela dépend beaucoup du moment de la journée. Comme les stades sont de plus en plus souvent utilisés en soirée pour des questions de retransmissions télévisées, cela implique un éclairage très performant et très technique, presque comme un plateau de cinéma. Et ce, d’autant plus que la manière de filmer les matchs a beaucoup évolué avec une forte demande en lumière. Cela devient très sophistiqué.

ACOUSTIQUE

CTB : Qu’en est-il de l’acoustique ?

Luc Delamain : L’acoustique est un sujet essentiel pour obtenir un maximum d’ambiance dans l’arène et dans les tribunes et que ce soit à la fois très animé et supportable. On doit pouvoir entendre les bruits de la foule. Il existe, d’ailleurs, des moyens techniques pour enregistrer le bruit de la foule et le diffuser par les enceintes. L’acoustique d’un stade demande à la fois de la réverbération et de l’absorption, ce qui se traite avec les matériaux habituels : métal perforé, laine minérale… Parallèlement, il faut freiner la propagation du bruit à l’extérieur et là, la couverture peut y contribuer. Un espace complètement fermé permet d’être mieux isolé. Pour autant, le voisinage est parfois demandeur de la clameur des jeux du stade. On revient au stade et à la place qu’il occupe dans la ville : le spectacle n’est pas seulement à l’intérieur, il est aussi alentour.

lumière

CTB : Et la lumière naturelle ?

Maxime Barbier : Les stades sont de plus en plus enfermés dans des façades qui protègent l’intérieur, ce qui impose de réfléchir aux apports de lumière naturelle dans les espaces fermés : foyer, bar ou restaurant. Comme pour un bâtiment classique, les apports de lumière naturelle et les occultations associées sont traités par les façades, à partir d’une lame de vitrage transparent à Valenciennes, ou d’une peau translucide au Havre.
La lumière naturelle est aussi nécessaire à la pelouse. Mais comme les stades sont de plus en plus couverts, le déficit de lumière induit doit être compensé. Il est possible dans ce cas de mettre en place un traitement de « luminothérapie » à partir d’une batterie de lampes UV montées sur rail au plus près de la pelouse.

sécurité

CTB : Comment est pris en compte l’aspect sécurité des personnes ?

Maxime Barbier : C’est une question cruciale. Il faut pouvoir vider un stade de ses spectateurs en quelques minutes, ce qui impose une grande fluidité dans les circulations et dans le calcul des gradins pour la prise en compte des distances réglementaires. Le fait que les stades sont maintenant dotés de façades peut modifier, d’un point de vue réglementaire, le classement des bâtiments et imposer la mise en place de systèmes de désenfumage naturels en toitures et façades et de circulations pour les pompiers.

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