Simulation 3D des mouvements d'air
Le maintien d’une hygrométrie constante et d’une bonne qualité de l’air est essentiel à la fois pour les usagers et les instruments. Cependant, il ne doit pénaliser ni l’acoustique ni l’esthétique des salles. Explications par l’exemple.
«Les cahiers des charges se renforcent au fil des années », constate Gilbert Tournier, directeur Île-de-France de la filiale française du groupe suisse Trox. Ce fabricant de diffuseurs d’air s’est successivement positionné sur les marchés de la salle Pleyel, de l’auditorium de Radio France et de la Philharmonie de Paris. Dans ce dernier cas, les bouches de soufflage rectangulaires implantées sous les sièges de la grande salle devaient respecter un niveau sonore maximal de 11 dB(A).
« Les grilles de sol ont fait l’objet d’une correction acoustique », indique le fabricant. Objectif : offrir une « bulle silencieuse » de confort thermique et aéraulique. Soufflé au niveau des jambes, l’air ne doit pas y être ressenti. Avec un écart de température de seulement 0,5°C par rapport à l’ambiance et une très basse vitesse de 0,15 m/s, l’air est insufflé sans inconfort. Autre enjeu, cette fois associé à la protection des instruments de musique, « il est impératif de maintenir une hygrométrie moyenne », complète Hervé Maurer, directeur technique et expert « énergie et fluides » chez Egis, bureau d’études qui a travaillé sur la Philharmonie.
Double conditionnement d’air
L’auditorium de Radio France, à Paris, utilise le même principe de soufflage au niveau des sièges, mais avec une typologie de bouches de sol légèrement différente. Là, les grilles sont circulaires. Compatibles avec un niveau sonore maximal de 15 dB(A), elles délivrent une projection horizontale maximale de 50 m3/h. Peut-on parler de « ventilation par déplacement d’air », technique reconnue comme étant la plus confortable sur le plan aéraulique et qui consiste en une stratification de l’air de la salle, l’air vicié plus chaud remontant et étant évacué par le haut ? « Pas exactement, même si l’air est effectivement diffusé à basse vitesse, commente Gilbert Tournier. Il s’agit plutôt d’une induction adjacente », précise le fabricant. En effet, le souffle suffit malgré tout à produire un mélange avec l’air ambiant. Les grilles de 20 cm de diamètre sont incorporées dans un faux plancher en bois formant des gradins. « Les parois du plénum sous pression sont recouvertes d’un parement acoustique », indique Luminita Lazarescou, ingénieure au sein du département « énergie et développement durable » de Jacobs France, bureau d’études chargé du projet.
Les différentes zones d’accueil des spectateurs, ainsi que la scène, sont ventilées, chauffées et rafraîchies par une centrale de traitement d’air (CTA) d’un débit de 80 000 m3/h dimensionnée pour un régime de 50 % d’air neuf. Cette climatisation est assurée par l’intermédiaire d’un puisage dans la nappe phréatique. Les batteries chaudes ne sont sollicitées que ponctuellement pour une remise en température de la salle : l’enveloppe, surisolée pour répondre aux enjeux acoustiques, n’est que très peu déperditive sur le plan thermique. La reprise de l’air vicié s’effectue au niveau du plafond.
Le désenfumage est, lui, assuré par des ventilateurs d’extraction dédiés, avec une mise en sécurité du réseau par des clapets coupe-feu. Afin de garantir la bonne évacuation des fumées, sans produire de mélange, seul le soufflage à vitesse limitée par les bouches de sol les plus basses est alors autorisé.
« Au fil des années, le projet de l’auditorium a sensiblement évolué », rappelle Luminita Lazarescou. En particulier, il a été complété par un orgue qui occupe une emprise verticale de 13 m. La sophistication de cet instrument nécessite de respecter des conditions particulières : une hygrométrie entre 40 et 75 % avec une stabilisation de la stratification aux mêmes valeurs durant les concerts, tout en restant dans un écart de température inférieur à 2°C… Sans parler de la nécessité de contrôler l’ambiance lors du montage ! Il a donc fallu implanter une climatisation avec une rampe d’humidification dans le volume de l’orgue. Son fonctionnement a été validé par une série de simulations dynamiques.
Par ailleurs, la question de la qualité de l’air intérieur s’est invitée en cours de chantier. Sur une partie du bâtiment déjà livrée, qui abrite des studios d’enregistrement, il s’est avéré que les matériaux et produits entrant dans la composition des aménagements intérieurs pouvaient dégager des émissions nocives supérieures aux seuils recommandés. Impact sur le traitement d’air de l’auditorium : le maître d’ouvrage a décidé de renforcer le système de filtration et de mieux encadrer les procédures de nettoyage des réseaux avant la mise en service.