© Sergio Grazia
Cet immeuble avec six niveaux en structure bois, livré en mai 2017, a obtenu le premier prix Trophée Bois Île-de-France de l'association interprofessionnelle Francîlbois en logements collectifs.
L'opération de logements sociaux Le Pont blanc livrée en 1985 par les architectes Fiumani et Jacquemot à Aubervilliers (93) et caractérisée par ses toits bleus comportait une tranche centrale non réalisée. En 2011, l'OPH d'Aubervilliers lançait un nouveau concours pour construire en ossature bois un immeuble de logements sociaux devant s'insérer dans cet espace demeuré en jachère. La réalisation a été confiée à l'agence Wild Rabbits Architecture (WRA), qui a dessiné un bâtiment composé de plusieurs volumes vitrés avec des pleins sur les côtés comme des livres pop-up. Le concept a donné son nom à la résidence et a permis de varier l'organisation des appartements, avec trois duplex sur les 18 logements.
Côté structure, le sous-sol avec le parking ainsi que le socle du rez-de-chaussée, qui abrite une crèche privée, sont en voile béton de même que le noyau central contenant l'escalier et l'ascenseur. Les façades porteuses est et ouest, les planchers, les refends intérieurs sont en lamellé-collé, avec des panneaux CLT (cross-laminated timber) du fabricant autrichien KLH. En revanche, les façades non porteuses nord et sud (ainsi qu'un petit volume en limite de parcelle à l'arrière du bâtiment) sont à ossature bois. Hors noyau et socle, le bâtiment est donc construit en filière sèche. Le chantier a été livré en mai 2017 après dix-huit mois de travaux et deux interruptions imputables à deux remplacements d'entreprises et à des mises au point avec le bureau de contrôle.
Sarking et solaire thermique
L'objectif de performance est BBC 2005, label Ef-finergie H&E profil A. La performance thermique en façades est obtenue par une ITE avec une isolation en laine de roche (ép. 145 mm), un pare-vapeur, un pare-pluie et un complément laine de roche en doublage intérieur. Les CLT sont habillés d'un bardage Ardal de Carea en pierre reconstituée. « Nous avons utilisé le procédé de sarking pour fixer le bardage Ardal. Cette technique habituellement utilisée en toiture permet de réduire les pertes thermiques et assure une souplesse du calage des panneaux », précise l'architecte Fabrice La-garde. La toiture est protégée par du zinc bilaqué et le plancher haut du rez-de-chaussée en béton a été floqué pour la résistance au feu. Les parties opaques des façades à ossature bois très vitrées sont habillées d'un bardage en Alucobond. Au final, l'étanchéité à l'air a été mesurée à 0,91 m³/(h.m²) pour un objectif de 1,0 m³/(h.m²) visé.
Détails du sarking vertical utilisé en façades
1. 4 paires de vis/montant type SFS intec Twin UD 270 ø7 mm
2. Lisse d'assise Carea pour fixation bardage
3. Bavette de fractionnement CF mise en œuvre à chaque niveau suivant IT 249
4. Griffe d'arrêt haut
5. Lisse BM 14 x 4 5 cm classe III
6. Pare-pluie
7. Revêtement extérieur Ardal (Carea) ép. 11 mm
8. Lisse courante Carea pour fixation bardage
9. Lisse d'assise Carea pour fixation bardage
10. Bavette de fractionnement CF mise en œuvre à chaque niveau suivant IT 249
11. Griffe d'arrêt haut
12. Lisse courante Carea pour fixation bardage
13. Tasseaux BM classe III 7 x 8 cm
14. Pare-pluie
15. Écran coupe feu 30 min suivant PV (hors lot charpente)
16. Équerre d'ancrage type Simpson-Strong-Tie ou ferrure métallique suivant effort
17. Vis ø 8 mm
18. Panneaux CLT type KLH
19. Pare-vapeur sur nez-de-plancher + collage avec pare-vapeur supérieur et inférieur.
20.Sablière C24 10
21 . Bande d'arase
22. Joint compribande
23. Ferrure d'ancrage + cheville + organes métalliques suivant effort
24. Lisse BM 14 x 7 cm classe III
25. Structure BA (hors lot charpente)
26. Double tasseautage + 2 équerres métalliques type Faynot + fixations long. 140 mm + platine courte de renfort
Par ailleurs, la solution choisie pour la ventilation est une simple flux hygro B. Une sous-station située en sous-sol est reliée à la chaufferie gaz existante de la résidence Le Pont blanc et fournit l'eau chaude aux résidents. Sept panneaux solaires thermiques Viessmann à tubes sous vide, soit une surface de 3 m², ont été installés en toiture avec l'objectif de fournir environ la moitié de la consommation d'eau chaude sanitaire.
La sous-station en sous-sol reliée à la chaufferie gaz existante de la résidence voisine fournit l'eau chaude aux résidents via un échangeur Alfa Laval de 150 kW. Le système comprend trois ballons de stockage eau chaude Charot de 750 litres, dont deux pour l'appoint solaire.
Chaque logement est équipé d'une sous-station individuelle Oventrop, qui reçoit l'eau chaude du circuit primaire et produit via un échangeur, l'eau chaude sanitaire et le chauffage. Le comptage du suivi de consommation individuel s'effectue par télé-relevé Ista.
Bien connaître les limites de chaque matériau
Les assemblages de la construction bois sont réalisés grâce à des empilements simples fixés avec un couturage dense par vis et des cornières ou équerres filantes métalliques. « Une particularité de ce projet est l'usage de nombreux panneaux CLT avec des longueurs assez importantes. Il fallait éviter les arrachements en pied et les effets de basculement. Heureusement, l'immeuble est construit un peu en escalier, avec des longueurs d ' étages qui se réduisent en montant en hauteur, ce qui aide à éviter l'arrachement », se félicite Aurélien Brousse, ingénieur bois. Le bois bouscule néanmoins les habitudes des différents corps de métiers avec un temps d'intervention plus court mais aussi des habitudes à perdre. Par exemple, pour fixer les rails pour le Placo, pas besoin de chevilles béton, une petite visseuse suffit.
Côté incendie, en 2010, la révision de l'IT 249 sur la propagation du feu en façades a ajouté le cas de la construction bois. La résidence relevant réglementairement de la troisième famille, le coupe-feu doit être de 1 heure. Des écrans CF 1 heure (plaques Fermacell) ont été positionnés sur les façades à ossature bois et les refends, tandis que des écrans 30 min protègent les CLT (eux-mêmes CF 30 min). Autre point remarquable du projet : ses balcons en platelage bois sur plots sur dalles béton.
La structure porteuse des balcons est en deux poutres métalliques prenant appui sur les façades de côté de l'immeuble, permettant de désolidariser le balcon de la façade vitrée. La portée demandée est assez grande et le métal a l'atout de la légèreté. Le plancher béton sert de repoussoir aux flammes en sécurité incendie (le D du C + D).
« En revanche, si le projet était à refaire, nous envisagerions aussi un noyau en CLT et, par endroits, des refends CLT un peu plus épais pour éviter un doublage et laisser le bois apparent. Enfin, si la maîtrise d'ouvrage l'avait permis », estime Fabrice Lagarde. Si le bâtiment comporte six niveaux en bois, le maître d'ouvrage ne souhaitait en effet pas de bois apparent.
« Les essais acoustiques donnent de bons résultats »
Le plancher est en CLT 5 plis avec, en sous-face, un plafond en deux couches de Fermacell suspendues pour l'acoustique. « Les suspentes acoustiques ont posé problème, car leurs fixations à l'époque étaient réalisées avec de petits ressorts polymères qui ne tiennent pas l'incendie, nous obligeant à trouver une alternative », confie Aurélien Brousse. Sur le CLT a été réalisée une chape sèche avec les réseaux hydrauliques recouverts de 5 cm de granulés de Fermacell. Par-dessus ont été posés un complexe Fermacell 2E32 et un sol souple. De même, toutes les parois intérieures sont doublées entre deux logements avec deux plaques Fermacell, fixées avec des rails haut et bas, sans fixations intermédiaires afin de désolidariser acoustiquement. Et des bandes résilientes au droit des rails hauts et bas des doublages viennent désolidariser les planchers des murs.
Les tasseaux nécessaires au sarking du bardage de Carea sont fixés en préfabrication. Planchers et parois sont en panneaux CLT, mais la maîtrise d'ouvrage ne souhaitait pas de bois apparent.
« Nous avons effectué des essais acoustiques qui donnent de bons résultats. Les bruits aériens sont correctement traités ainsi que les bruits solidiens, de transmission et d'impact entre étages. Seule demeure une transmission partielle des vibrations basses fréquences qui ne sont pas faciles à gérer », souligne Aurélien Brousse. Les mesures ont montré en bruit aérien pour l'isolement aux bruits intérieurs DnTA, une valeur de 60 dB en horizontal et vertical pour 53, 55 ou 58 dB selon la nature des pièces et en bruit d'impact (L'nT,w) entre 40 et 50 dB au lieu de 58 dB réglementaires. À signaler qu'à l'époque les études Acoubois n'avaient pas encore été publiées.
Menuiseries bois Bourneuf avec double vitrage et BSO Profalux. Les parties opaques sont en revêtement Alucobond.
Platelage bois exotique sur plots sur dalles béton pour les balcons. La structure porteuse des balcons est métallique et légère permettant de désolidariser le balcon de la façade vitrée.
FICHE TECHNIQUE
Maître d'ouvrage
OPH d'Aubervilliers
Architecte
Wild Rabbits Architecture (WRA)
OPC
AIA Management
Bureau de contrôle
BTP Consultants
BET
DB Acoustic (acoustique), AIA (structure béton), ICM (structure bois)
Macrolot Enveloppe
Cénomane puis FPB-Siméoni
Surface SHON
1 900 m² (dont 500 m² d'ERP)
Coût
4,4 M€ HT