1 & 2. Pour améliorer l’acoustique, les concepteurs ont désolidarisé la structure de salle de concert, par la mise en place systématique d’éléments antivibratiles et résilients. (Docs. Bouygues Rénovation Privée.)
La célèbre salle de concert parisienne renaît à la suite d’une rénovation lourde qui a profondément transformé l’organisation de sa volumétrie, ouvert un espace public en fond de scène et créé quatre balcons avec un rôle majeur pour l’acoustique. Nec plus ultra, la restitution à l’identique de son hall Art déco.
Programmée en 2003, la rénovation de la salle Pleyel vient de s’achever après dix-huit mois de travaux. Cette opération complexe avait pour but de retrouver les qualités d’origine de cette salle en améliorant le confort des spectateurs et des artistes. La maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre souhaitaient en effet « reconquérir les volumes, favoriser la continuité des espace publics et repenser la circulation de l’air et de la lumière à l’intérieur d’un bâtiment de 11 000 m2 de planchers ». De plus, la rénovation visait à améliorer la qualité acoustique de cette salle qui s’était dégradée, au fil de multiples transformations. Un objectif que le maître d’ouvrage a confié au cabinet d’architecture François Ceria et au bureau d’étude new-yorkais Artec, spécialisé dans l’acoustique. L’ensemble des travaux étant confié à Bouygues Rénovation Privée.
Profondes modifications des volumes
Très différente de l’original, la salle s’est parée de coloris clairs, d’un habillage de bois de hêtre, de sièges en hêtre clair recouverts d’un tissu bourgogne. Le parquet en bois d’angélique entièrement refait et simplement huilé s’associe à celui de la scène en bois de chêne clair. Le tout rehaussé par un éclairage mettant en valeur les murs et balcons qui contrastent avec celui plus froid des niches. Le nombre de places a été revu à la baisse avec 1 913 places. À comparer aux 3 000 places de 1927 et aux 2 370 places de la précédente configuration. Aujourd’hui, le parterre comprend 1 030 sièges et les deux balcons regradinés un peu moins de 800. Dans le but d’améliorer le confort acoustique, la profondeur des espaces sous les balcons a été réduite, ce qui vient diminuer la distance entre les spectateurs et les musiciens, tout en favorisant les impressions de clarté et de présences sonores.
Construit au début du siècle dernier, l’ensemble immobilier Pleyel se compose d’une structure en béton armé (système de poutres treillis 20 x 25 cm dotées d’une poutre en béton armé avec flambement, et de grandes poutres longitudinales d’une épaisseur de 16 cm). À cette ossature était accrochée, en plafond et sur les côtés de la salle, une coque hourdie parabolique censée améliorer l’acoustique du lieu. Fragile et peu efficace, cette coque a été détruite laissant apparaître la structure béton. Celle-ci a reçu un flocage de plâtre assurant une protection au feu. Cette solution a également facilité l’installation des différents éléments techniques : gaines de désenfumage, tuyauteries, chemins de câbles… Pour éviter les désagréments sonores, tout ce qui transite dans le plénum a été posé sur résilient : pose des tuyauteries sur suspentes antivibratiles sur ressorts (Fréquence propre 8Hz sur EP et 5 Hz sur EC/EG), bandes antivibratiles entre les gaines et l’ossature, utilisation systématique de plots antivibratiles… Un contrôle quotidien a été opéré par l’entreprise et chaque élément vérifié systématiquement.
La coque détruite a été remplacée par une nouvelle en panneaux de staff (voir encadré). Ce matériau présente l’avantage d’être un bon réfléchissant acoustique. Néanmoins, Artec a imposé une qualité de staff haute densité (1,2) et un doublement du nombre des fers porteurs, de manière à éviter l’effet peau de tambour. Cette double ossature assure une plus grande rigidité à l’ensemble. La coque, arrondie sur les côtés de la salle, plonge doucement vers la scène.
Quatre balcons abat-sons
Autre nouveauté, la création de quatre balcons latéraux de 25 m2 (longueur 22 m), deux de chaque côté de la salle, chacun pouvant accueillir 19 spectateurs. Imposés par Artec, ces balcons participent pleinement à la qualité d’écoute en agissant comme des « abat-sons ». Ils réfléchissent les sons vers le parterre ce qui améliore l’effet « d’enveloppement » de la musique et la clarté du son. D’après les concepteurs de la salle : « La modification du plafond et des parois latérales induit une optimisation d’environ 20 % du volume de la salle et favorise une augmentation du temps de réverbération. » Le principe acoustique utilisé ici repose sur la forme parabolique, qui permet de couper les effets de paroi pour obtenir du son au milieu (son frontal).
D’un point de vue technique, les balcons sont solidarisés aux fermes sans pour autant être accrochés aux murs mitoyens. Ils sont formés d’une ossature acier constituée de 2 UPN moisés qui sont accrochés sur deux parties fixes, toute la structure acier y est raccordée et tous les fers longitudinaux sont repris à l’intérieur des U.
De fait, la dalle, floquée pour être stable au feu, est en porte-à-faux. Elle reçoit sur le dessus un plancher sur lambourdes avec sous-couche acoustique, un contreplaqué en aggloméré, une deuxième couche de laine minérale et un parquet. La sous-face de chaque balcon comprend un plafond acoustique trois plaques (2 BA18, 1 BA13) désolidarisé sur plots.
En nez, l’habillage est réalisé à l’aide de panneaux bois avec de petits garde-corps. En terme d’acoustique, le nez de balcon devait être réfléchissant mais sans agir comme un miroir. C’est pourquoi les panneaux, spécialement créés pour l’occasion, sont dotés de rainures horizontales de différentes profondeurs (trois types : 3, 5, 7). Cette configuration permet d’obtenir une réflexion hétérogène. En fond de balcons au contraire, les panneaux sont absorbants pour éviter les retours parasites. Ils sont perforés et dotés d’une laine en partie arrière.
Sur les côtés de la salle, les cloisons de grande hauteur (type multiplex) sont constituées de trois plaques de plâtre haute densité (ép. 18 mm). Pour accroître l’efficacité de cette paroi réfléchissante, les ossatures ont été doublées. Les poteaux béton de la paroi ont, quant à eux, reçu un habillage de plâtre projeté. Cet habillage a la forme d’une conque et remplit une fonction purement esthétique.
Une dalle sur 3 000 plots acoustiques
Toujours pour des raisons d’acoustique, la scène a été recentrée. Cela a permis de dégager, en fond de scène, 162 places destinées à accueillir, au choix, des chœurs ou des spectateurs. Cette configuration originale génère, selon les concepteurs, « une acoustique plus efficace ». La scène, complètement désolidarisée de la structure, est une boîte ouverte sur l’orchestre réalisée selon le principe de la « boîte dans la boîte ».
L’idée de départ est donc d’avancer la scène pour lui donner davantage de volume. Pour y parvenir, il a fallu libérer de l’espace et démonter une partie de la charpente béton qui ceinturait le bâtiment et supportait le dernier étage. Cette partie de la charpente a été remplacée par une poutre béton (B60) ajourée de 22 m de longueur, 2,50 m de hauteur et de 90 cm d’épaisseur. Le fait d’être ajourée a permis de faire passer l’ensemble des éléments techniques de la scène.
En partie haute de la boîte, le faux plafond acoustique est composé de trois couches de BA13 croisées.
Les plaques de plâtre sont systématiquement vissées et collées avec une colle en phase aqueuse vinylique, ce qui assure une homogénéité entre ces dernières. Elle évite que le son ne soit réfléchi sur une seule plaque. Le gril (1) est raccordé sur la charpente métallique mais n’est pas fixé au mur mitoyen. Lorsqu’il y a mitoyenneté, la poutre prend place dans un sabot résilient.
Au sol, les équipements scéniques reposeront sur une dalle de 7 cm d’épaisseur (300 m2), elle-même étant soutenue par 3 000 plots acoustiques.
Le principe du plancher est basé sur des plaques de bois avec laine de roche, à l’image d’un faux plancher. Il est conçu pour résister, conformément aux obligations constructives, à 600 kg/m2. En charge d’exploitation, il n’y aura en réalité que 80 kg/m2, et 350 kg/m2 côté jardin, là où seront placés les pianos. Cette donnée représentait une difficulté majeure dans la conception des plots acoustiques. Pour qu’ils restent efficaces à 80 comme à 350 kg, les concepteurs ont opté pour un double système de ressorts, le second prenant le relais du premier dans les zones fortement chargées.
Les parois latérales de la boîte sont réalisées en parpaings pleins de 20 et reposent sur une longrine de 1,20 m de hauteur et de 20 cm de largeur. Cette longrine est fondée sur des poteaux installés tous les 4 m. Ce principe constructif permet de renvoyer les basses fréquences dans les fondations. Totalement désolidarisées de la structure, les parois de la boîte sont reliées aux murs mitoyens, tous les m2, par des tiges métalliques dotées d’un appui Néoprène.
Celui-ci est calculé en fonction du poids à reprendre et de la fréquence de la coupure (entre 10 et 15 hertz). Les murs mitoyens ont été préalablement habillés de laine de roche.
Les gradins de fond de scène sont, en partie avant, posés sur une poutre béton B60 qui prend appui latéralement et sur un poteau situé au tiers de la poutre, du fait de la présence d’une salle au-dessous de la scène.
Cette poutre ne touche pas le sol, elle est coulée sur un lit de sable de 2 cm. Les gradins en béton, comme le reste de la construction, obéissent au même principe de désolidarisation. À chaque contact, un résilient est mis en place.