Implantée à Saint-Denis (93), entre le carrefour Pleyel et la Seine, l’ancienne centrale thermique EDF a été édifiée entre 1931 et 1933 par l’architecte Gustave Umbdenstock. Elle devait soulager la première centrale construite au début du siècle au nord du site et alimenter le métro parisien.
D’une surface totale de 61 700 m
2
hors œuvre nette, le coût des travaux de cette opération représente 103 M€ HT. Le projet de reconversion de cet édifice - désaffecté depuis longtemps - en une Cité du cinéma a été imaginé par le réalisateur et producteur Luc Besson. Cet ensemble, qui peut accueillir jusqu’à 4 000 personnes, fait partie d’un quartier en pleine mutation. La restructuration complète est conduite, depuis 2004, par l’agence d’architecture Reichen et Robert & Associés, aux côtés de Vinci Immobilier et Bateg.
Dédié au septième art, le programme réunit toutes les compétences de la chaîne de production cinématographique pour permettre de réaliser un film de A à Z, sur le site même. Ce complexe cinématographique a pour ambition d’équiper l’Hexagone - premier producteur de films en Europe - d’un équipement d’envergure qui puisse attirer les productions françaises et étrangères, et ainsi rivaliser avec les studios de Cinecittà en Italie, Pinewood en Grande-Bretagne ou d’Hollywood aux États-Unis. D’une emprise de 220 m par 120 m environ, l’ensemble regroupe neuf plateaux de tournage (10 000 m
2
), des bureaux (22 500 m
2
) libres destinés, notamment, à des sociétés de production, ainsi que des ateliers de fabrication de décors, un auditorium de 500 places, un restaurant (1 250 m
2
), une cafétéria, des services communs, des boutiques et un parc de stationnement à air libre. Il comprend également les locaux de formation de l’École nationale supérieure Louis-Lumière (8 000 m
2
) - dédiée au son et à l’image - tranférés du site de Noisy-le-Grand (93) dans un des édifices situés au sud du complexe. Elle accueille 150 élèves, 60 professeurs et 20 administratifs.
Une nef spectaculaire, au cœur du projet
De plus, les anciens stocks (10 000 m
2
) se déployant en sous-sol, à 5 m de profondeur au centre du site, ont été transformés en locaux d’activités, de décors, de peinture, de serrurerie, de stockage des caméras et passerelles, etc. Par respect du passé industriel des lieux, le projet s’articule autour de la nef monumentale sauvegardée, autrefois salle des machines, qui se développe sur 220 m de longueur et 22 m de largeur et s’élève à 25 m de hauteur au faîtage. Luc Besson connaît bien cette immense halle pour y avoir tourné quelques scènes de ses deux films Nikita et Léon. Cette rue centrale couverte, symbolisant la colonne vertébrale du complexe, est coiffée d’une double verrière l’inondant de lumière naturelle et affiche, à chaque extrémité, des pignons semblables. À l’est, le pignon, qui sert d’entrée principale à la Cité reliée à une passerelle enjambant une route, est vitré toute hauteur pour créer une transparence visuelle, ainsi que le pignon ouest. De chaque côté de cette halle, sont greffés des bâtiments neufs ou réhabilités qui sont creusés de six patios et reprennent la logique du plan d’origine. En face nord, est accolé le bâtiment de l’ancienne chaufferie de l’usine où était brûlé le charbon pulvérisé, puis le fioul, afin de produire de la vapeur dans les machines se trouvant dans la nef. Démoli en majorité, il a été reconstruit pour y loger des espaces tertiaires. En proue, se dresse une tour conservée, semi-opaque et percée d’ouvertures longilignes, qui abrite une partie des locaux d’EuropaCorp, siège social de la société de production de Luc Besson, le reste de ses bureaux se trouvant à l’arrière du bâtiment. Concernant les travaux, la première phase d’intervention, en amont, a porté sur une dépollution totale du site assurée par EDF, assortie d’un désamiantage. Interrompu, le projet a repris en mai 2009, avec des études menées conjointement par les architectes et les bureaux d’études qui ont permis de définir l’ensemble des interventions nécessaires.
Des méthodologies de chantier pointues
Il s’agit de la réhabilitation de certains bâtiments, tels que la salle des machines (nef), la salle des pompes et leurs annexes, ainsi que de la démolition et la reconstruction d’édifices. Cette démarche est complétée par des méthodologies de déroulement des travaux. Le chantier a commencé fin mars 2010, par un curage général des bâtiments gardés et la démolition de certains, comme l’ancienne chaufferie bordant la halle. Dans ce bâtiment, EDF avait ôté toutes les chaudières et réalisé un énorme sarcophage qui, encapsulant l’amiante de ces équipements, demeure dans le sol. Afin de ne jamais y toucher, l’entreprise a dû casser l’ossature en béton et remonter des poteaux sur les fondations existantes. Le niveau du plancher bas a été relevé d’un mètre pour édifier les cages d’ascenseurs sans créer de décaissé. Cette phase ardue de démolition a duré cinq mois. Parallèlement, ont eu lieu le traitement de la nef et la construction des bâtiments sud (école et bureaux), puis nord (bureaux, studios et réhabilitation lourde de la partie de structure gardée de l’ancienne chaufferie), situés de part et d’autre de cette dernière. La coordination complexe des travaux était assujettie aux méthodologies appliquées et à la rotation de six grues au maximum.
Pour ce qui est du déshabillage de la nef, opéré après son désamiantage, la structure en acier en place a été nettoyée et traitée. La cité étant classée en ERP (Établissement recevant du public) de première catégorie, la structure de la nef n’est pas assujettie à la contrainte de stabilité au feu et ne nécessite pas de flocage. Cette structure tenant uniquement la toiture, celle-ci peut rester apparente, à condition qu’elle soit désolidarisée des autres bâtiments accolés possédant leurs propres ossatures et charpentes. En cas d’incendie, la ruine de l’un n’entraîne pas celle de l’autre. Le sol emblématique de la halle, est revêtu de petits carreaux (5 x 5 cm) en grès cérame formant des dessins géométriques de style Art déco.
Des témoins du passé industriel conservés
N’ayant pu être conservés, pour des raisons techniques et d’assurance, les 4 000 m
2
de ce carrelage ont donc été déposés et remplacés par des carreaux identiques de trois couleurs, rouge noir et gris. Ils ont été restitués et fabriqués dans une manufacture située à Lille (59), spécialisée dans ce type de commande à teneur Monuments historiques. Par ailleurs, afin de garder des témoins de la mémoire industrielle du lieu, quelques éléments de ce patrimoine unique ont été conservés. Dans la nef, une turbine de 5 m de haut, a été conservée au milieu de l’ouvrage, puis nettoyée et taguée par des artistes du département. De même, deux ponts roulants, équipés de leur palan, ont été maintenus dans la nef et dans l’immense volume à triple hauteur du restaurant interentreprises. Chapeauté d’une double verrière, celui-ci occupe l’ancienne salle des pompes accolée à la nef, du côté ouest, face à la Seine. Sa structure réhabilitée a été sablée et repeinte, et les façades, dotées de menuiseries en aluminium thermolaqué gris. Quant au parking extérieur de 477 places de stationnement, positionné en bordure à l’est et au sud du complexe, il a fait l’objet d’une conception innovante. Ce parc n’a pas été végétalisé avec un système Evergreen classique. Il se compose d’une circulation axée de 5 m de large recouverte d’enrobé, bordée de deux bandes de 4 m pourvues d’un mélange spécial de pierres et de terre sur 50 cm d’épaisseur, et d’un talus planté. Ce dispositif se répète à trois reprises. L’association de pierre volcanique (pouzzolane) et de terre formant un conglomérat engazonné constitue une assise solide sur lequel le véhicule stationne sans s’enfoncer. Ce type de parc végétalisé drainant permet également de récupérer l’eau de pluie dans un canal.
Résultat, ce chantier, performant, orchestré par l’entreprise générale Bateg du Groupe Vinci, s’est déroulé en un temps record de vingt-quatre mois (y compris démolitions), dont douze mois dédiés au gros œuvre.