Réversibilité et flexibilité

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Réversibilité et flexibilité

Nos grandes agglomérations sont aujourd’hui malades. Devenues sources majeures d’émissions de gaz à effet de serre, de déchets, de consommation de ressources non-renouvelables. Elles engendrent pauvreté et conflits et ne sauront pas faire face aux vagues d’immigration qui s’annoncent. Nous les avons pourtant déjà connus ces flots d’immigrés et nous y avons répondu par une construction massive dans les espaces encore libres à la périphérie des villes, à une époque où l’avenir était porteur de plus de bonheur, de richesses et de moyens pour répondre harmonieusement aux grands enjeux (augmentation démographique et développement économique). Aujourd’hui, nous subissons les conséquences de ces aménagements et de ces expansions urbaines. Alors comment pouvons-nous, à la lumière de l’histoire passée de nos villes et de la lecture critique de nos certitudes d’alors, avoir aujourd’hui encore la prétention de répondre définitivement aux besoins actuels et futurs de nos congénères ? Et ceci, alors que l’histoire s’accélère et que le développement des technologies va plus vite que notre capacité à les utiliser. Le temps est venu d’abandonner nos certitudes sur la pérennité des solutions employées et de renoncer à l’assurance de leur efficacité illimitée.

En matière d’aménagement et de construction, il est urgent de rendre réversibles toutes nos actions. Elles doivent pouvoir s’adapter à d’autres situations sociales, économiques et environnementales et si possible, être totalement « déconstruites », afin de pouvoir revenir à l’état antérieur d’aménagement du sol (et du sous-sol). Rendre démontables nos bâtiments, ou tout au moins parfaitement réutilisables à d’autres fins que leur objet actuel. Les rendre adaptables à de multiples autres usages, au moindre coût énergétique. La construction en matériaux renouvelables –le bois tout particulièrement – doit être développée de toute urgence. En effet, ces matériaux qui ne sont pas limités dans leur production, sont des pièges à CO2 nécessitant fort peu d’énergie et émettent lors de leur élaboration de très faibles quantités de gaz à effet de serre en comparaison avec l’acier ou le béton armé. Sans compter qu’ils sont facilement recyclables.Les demandes de permis de construire et les autorisations d’aménager pourraient faire l’objet d’une déclaration de réversibilité explicitant les moyens mis en œuvre pour permettre à terme leur démontage et donc leur impact faible sur les ressources en sol et leur environnement. Cette exigence de réversibilité concerne des besoins à long terme. Les bâtiments, les infrastructures et les aménagements urbains ont des durées de vie extrêmement longues, d’une centaine d’années à plusieurs siècles et l’on mesure malheureusement aujourd’hui parfaitement leur impact et les difficultés engendrées par leur destruction ou leur transformation. Quant aux bâtiments à valeur patrimoniale, ils ne constituent qu’une très faible part de nos ensembles construits et un bâtiment, même s’il est conçu de manière à assurer sa réversibilité, pourra toujours être conservé dans son état d’origine.

À plus court terme, rendre transformables nos aménagements et nos bâtiments devrait devenir une priorité. Les logements sont conçus pour des familles stables, basées sur un couple et des enfants, alors que les familles monoparentales ou recomposées sont de plus en plus nombreuses. Les gardes partagées font varier le nombre d’occupants du logement plusieurs fois par mois, alors que l’espace reste figé. D’autres phénomènes sociétaux renforcent encore cette inadaptation : la très longue présence de jeunes adultes dans la structure familiale, le télétravail, le vieillissement de la population… Toutes ces transformations des modes de vie à l’intérieur de la cellule familiale et de sa taille même engendrent des besoins d’espaces dans leur taille et leur qualité, qui ne sont pas satisfaits aujourd’hui. Là encore, il ne faut ni spécialiser les logements, ni figer ces besoins comme s’ils étaient pérennes. Ils vont encore évoluer dans les années et décennies à venir. La seule réponse possible est de construire des bâtiments « flexibles », adaptables à ces différents scenarii. Ceci touche aussi bien l’organisation intérieure des logements que leurs relations avec l’extérieur et donc leurs façades et leur accessibilité. Tout permis de construire devrait montrer en quoi ces logements peuvent évoluer dans leur aménagement et leur fonctionnement.

Ces principes de réversibilité et de flexibilité remettent en question notre approche culturelle de l’aménagement et de la construction et interrogent les pratiques des maîtres d’ouvrage, aménageurs et concepteurs. Elles vont à l’encontre de la maîtrise à tout prix de l’image de la ville, du désir de laisser des traces indélébiles et remettent en question la notion même de patrimoine. Elles vont dans le sens d’une conception d’une ville organique, vivante en mutation permanente accompagnée et non-maîtrisée.

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