À l'échelle d'une collectivité, l'eau de pluie peut être utilisée pour l'arrosage des parcs et jardins, le nettoyage des voiries et véhicules de service, ou l'alimentation des sanitaires. Au niveau de l'habitation, la réglementation autorise, outre les usages domestiques extérieurs, l'alimentation des WC, le lavage des surfaces et, à titre expérimental, le lavage du linge. (Doc. Ozelo.)
Délaissée sur notre territoire à mesure que se généralisaient l’accès et la distribution d’eau potable pour tous, la récupération de l’eau de pluie s’inscrit à nouveau dans la problématique de préservation de la ressource. Développés depuis plusieurs années et encadrés par une nouvelle législation, les systèmes de récupérationont, aujourd’hui, atteint la maturité pour les usages autorisés.
A l’heure où pollutions multiples et épisodes de sécheresse accentuent la fragilité de la ressource en eau, la récupération des eaux de pluie offre un important gisement d’économie qui peut représenter jusqu’à 50 % de la consommation en eau des bâtiments, soit environ 75 litres par jour et par habitant, sachant que la consommation moyenne en France est de l’ordre de 150 litres par jour et par habitant. Elle peut, en effet, se substituer à l’eau de ville pour des usages non-alimentaires, tant à l’extérieur, pour l’arrosage des espaces verts, des voiries, le lavage des véhicules, qu’à l’intérieur, pour l’alimentation des WC, le nettoyage des sols et, à titre expérimental, le lavage du linge.
« À cela, s’ajoute le raccourcissement des circuits de distribution, premier pas de toute démarche écologique », note Valéry Jimonet, président du Syndicat national des acteurs de la récupération d’eau de pluie (Snarep) et directeur de la société Ozelo. « Y a-t-il, en effet, plus court comme circuit, que de l’eau de pluie qui va du toit dans la cuve et de la cuve dans des toilettes ? » Autre avantage pour l’environnement : l’eau de pluie étant douce et pauvre en calcaire, son utilisation permet de réduire l’utilisation des produits de nettoyage et des anticalcaires...
Une limitation du risque d’inondation
À l’échelle de la collectivité, la rétention de l’eau de pluie à la parcelle est de plus en plus mise en avant pour faire face à la saturation des réseaux pluviaux existants, liée à l’augmentation des raccordements et des surfaces imperméabilisées et pour diminuer, ainsi, les risques d’inondation. Comme l’explique Bertrand Gonthiez, hydrogéologue et directeur d’Aquavalor : « En cas de fortes pluies, la récupération d’eau de pluie agit comme un réservoir tampon. Le débit est régulé ». Pour autant, il n’y a pas d’obligation nationale de gestion à la parcelle. « En ramenant la responsabilité de la gestion des eaux pluviales à la parcelle, explique Valéry Jimonet, la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 (Lema) va dans le bon sens, mais ce n’est pas encore suffisant et il faut arriver à une obligation de rétention de l’eau de pluie pour toutes les constructions neuves, comme cela se passe dans certaines provinces belges. »
Un regret également partagé par Pauline Bachelet, chargée de mission bassins versants sur la Communauté de communes Eure Madrie Seine, qui relève que « le problème vient aujourd’hui de ce que le droit d’urbanisme et le droit de l’environnement ne font pas corrélation. Le premier n’oblige rien en terme d’eau de pluie. Le second parle, au travers de la Loi sur l’eau, des efforts que chacun doit faire pour limiter l’imperméabilisation des sols et limiter les apports supplémentaires en EP ».
Pour autant, les communes qui le souhaitent peuvent inscrire la gestion à la parcelle dans leur Plan local d’urbanisme (PLU) ou dans leur règlement d’assainissement. Il existe déjà des exemples en Normandie pour lesquels des syndicats de bassin versant, dont celui de l’Austreberthe et du Saffimbec et des communautés de communes, ont eu un rôle pionnier.
« La Communauté de communes Eure Madrie Seine exerce depuis 2002 une mission de conseil auprès de tous les porteurs d’un projet d’urbanisation (particuliers, entreprises…) au moment de l’instruction des permis de construire, illustre Pauline Bachelet. Mais, elle n’a pas le pouvoir de refuser un permis, lorsque la gestion des EP n’est pas conforme aux préconisations. C’est au maire et aux élus de prendre le risque de délivrer ou non le permis. »
Au-delà de ces enjeux, la récupération d’eau de pluie bénéficie actuellement d’un contexte de développement favorable. Pour preuve, la plus grande sensibilité des citoyens aux enjeux environnementaux, un cadre réglementaire spécifique légalisant son utilisation à l’intérieur des bâtiments, des dispositifs d’incitations (crédit d’impôt, aides de certaines collectivités), sans oublier une offre étendue de produits.
Attendue sous peu, une norme Afnor devrait par ailleurs édicter des règles de l’art pour favoriser la sécurité des installations. Rappelons également que la gestion de l’eau est l’une des 14 cibles de la démarche HQE. À noter, par ailleurs, qu’un projet de récupération fait l’objet d’une procédure relativement simple, puisqu’il ne nécessite qu’une déclaration à la mairie pour les usages de l’eau de pluie à l’intérieur du bâtiment, les eaux rejetées vers les égouts étant soumises à la taxe d’assainissement. Une simple déclaration est également requise pour le lavage du linge.
Un investissement à long terme qui demeure coûteux
Pertinent du point de vue des économies d’eau, un projet de récupération d’EP n’en demeure pas moins coûteux. Pour le particulier, il faut compter 2 000 à 3 000 € pour une cuve aérienne destinée à l’arrosage, 6 000 à 8 000 € pour une installation desservant l’intérieur de l’habitation.
Dans le domaine industriel et collectif, un projet de récupération peut atteindre 15 000 à 30 000 € voire plus... Dans tous les cas, il s’agit d’un investissement à long terme dont l’amortissement est réalisé entre cinqet vingt ans, une équation qui varie fortement en fonction du prix de l’eau, dont la valeur oscille en France entre 80 centimes et plus de 7 € le mètre cube selon les communes, avec une moyenne proche de 3 € le mètre cube.
Une pratique adaptée à toutes les constructions
Si le captage et le stockage de l’eau de pluie se justifient partout en France, les motivations ne sont cependant pas les mêmes du Nord au Sud. « Prenons l’exemple de Dieppe, où il pleut 850 litres d’eau/m2 et par an, mais où le pas de temps moyen entre deux pluies est de douze jours. Et de Biarritz, où les précipitations atteignent 1 350 litres/m2, soit près de 40 % de plus, avec un pas de temps moyen de quarante-sept jours. Dans le premier cas, il pleut souvent un petit peu, alors que, dans le second, les précipitations sont plus rares, mais plus conséquentes, avec en outre en été, une problématique de stress hydrique. Le critère économique sera donc prépondérant en Normandie, d’autant que les cuves y seront de moins grande capacité. Là où l’on mettra une cuve de 4 000 l à Dieppe, il faudra une cuve de 15 000 l à Biarritz », explique Valéry Jimonet.
De la maison, à l’usine, en passant par l’immeuble de bureaux, « tous les bâtiments se prêtent à la récupération de l’EP, même si les constructions ayant une grande surface de toiture sont mieux placées. Pour autant, il faut qu’il y ait un intérêt économique et environnemental à faire valoir », note Bertrand Gonthiez. En terme de stockage, il n’existe pas de limite, puisqu’on peut aller jusqu’à 500 m3, en utilisant des cuves en PEHD double peau, des citernes souples ou des structures alvéolaires enterrées.
Bien qu’il soit plus facile à intégrer dans le neuf, un projet de récupération trouve également sa raison d’être dans l’ancien, à condition toutefois, d’écarter les toitures en amiante-ciment ou revêtement bitumineux, en raison du risque de pollution de l’eau qu’elles génèrent et de disposer d’un emplacement adéquat pour implanter la cuve. Lorsque l’eau de pluie est destinée à un usage intérieur, il convient en outre, de s’assurer par un diagnostic préalable que le réseau existant est compatible sans de lourds travaux. Par exemple, lorsque des sanitaires sont situés à plusieurs étages, il faut vérifier que le réseau d’alimentation n’est pas maillé et part d’un seul point.
La conception d’une installation de récupération dépend de plusieurs paramètres parmi lesquels figurent : la surface de collecte, la pluviométrie locale, les besoins en eau, le nombre d’usagers, la nature du bâtiment (maison individuelle, supermarché, bureaux, lycée... ) et la configuration de la parcelle. En théorie, chaque projet de récupération est unique.
Cela est particulièrement vrai dans le domaine collectif et industriel, où l’on cherche à répondre au plus près aux besoins et où il convient pour cela de faire de « l’assemblage » de solutions de stockage, filtration, pompage...
Dans le domaine de l’habitat, des configurations similaires permettent cependant d’utiliser de nouveaux kits complets ou des systèmes « plug and play », faciles à installer par les professionnels.
Une technique encadrée par des exigences de sécurité
L’installation proprement dite fait apparaître trois phases : la collecte, le stockage et la distribution. Elle comporte de ce fait en conformité avec les nouvelles exigences réglementaires :
• une crapaudine : dispositif de filtration installé en amont de chaque descente d’EP pour empêcher la chute de feuilles et de salissures. Elle peut avoir la forme d’une grille sphérique ou plate, ou d’un chapeau.
• Une dérivation sur la descente d’EP ou un regard de dérivation vers la cuve de stockage.
• Une préfiltration par dégrillage : au moyen d’une grille de maille inférieure à 5 mm, de forme plate ou cylindrique, avec ou sans fond. Elle évite que des particules de taille fine pénètrent dans la cuve et génèrent de mauvaises odeurs.
• Une ou plusieurs cuves reliées entre elles.
Chaque cuve doit être étanche, résistante à des variations de remplissage, non-translucide, fermée et sécurisée, afin que des personnes non-averties ne pénètrent à l’intérieur, aérée par un dispositif muni d’une grille antimoustiques, équipé d’une arrivée d’eau noyée et d’un système de trop-plein muni d’un clapet antiretour, vidangeable et nettoyable intégralement par un accès manuel.
La cuve est le plus souvent équipée d’un dispositif antiremous, afin d’éviter la mise en suspension dans l’eau des fines impuretés déposées au fond. Selon la place disponible et les besoins en eau, ou si le projet concerne une construction neuveou ancienne, le stockage peut être soit aérien soit enterré. Les cuves enterrées sont très souvent réalisées en Polyéthylène haute densité double peau (PEHD), d’un bon rapport qualité prix, ou en béton armé, qui offre de grandes capacités de stockage.
On trouve également des cuves en polyester ou en acier. Le volume de stockage des citernes aériennes est limité à quelques mètres cubes pour les usages des particuliers, voire à 50 m3 dans le cas de citernes souples :
• une pompe, immergée ou de surface, ou un surpresseur. La pompe est munie d’une crépine d’aspiration permettant de distribuer l’eau stockée. La crépine est reliée à un flotteur, ce qui empêche l’aspiration des sédiments au fond de la cuve.
• Un réservoir tampon, où l’appoint en eau de ville est assuré par un système de disconnexion entre le réseau d’eau potable et le réseau d’eau de pluie par surverse totale, installé de manière permanente, conformément à la norme NF EN 1717.
• Un réseau de distribution d’eau de pluie avec robinet de soutirage verrouillable, ne pouvant être ouvert qu’avec l’aide d’un outil spécifique.
La présence de robinets distribuant des eaux de qualité différentes n’est autorisée que dans les caves, sous-sols et autres pièces annexes des bâtiments.
• Un traitement de l’eau à l’intérieur du bâtiment par filtre à charbon actif et stérilisateur UV pour le lavage du linge.
• Une signalisation des canalisations d’eau de pluie par un pictogramme « Eau non-potable » aux entrées et sorties de vannes et d’appareils et aux passages des cloisons et des murs, afin d’éviter les piquages accidentels.
• Un affichage au niveau de chaque point de soutirage, portant la mention « Eau non-potable » et un pictogramme explicite.
Ceci étant, la pérennisation d’un système de récupération dépend de son entretien qui doit être régulier et consister à éliminer les refus de filtration, vérifier au moins une fois par an l’état de la cuve, l’existence du marquage de sécurité, le bon fonctionnement du système de disconnexion et procéder au changement annuel des filtres...Remise à l’honneur depuis peu, la récupération d’EP ouvre de nouvelles perspectives au Bâtiment qui disposera probablement demain de plusieurs réseaux d’eau permettant de répondre à des besoins différents : eau potable, eau domestique, voire eau pour le lavage du linge.
Pour Valéry Jimonet, « L’avenir est à une mutualisation de l’eau de pluie, dans la mesure où les équipements qui ont les plus gros besoins en eau ne sont pas nécessairement ceux qui ont les plus grandes surfaces de toiture. Dans trente ans, les toits vaudront peut-être une fortune. »