Largement employée à La Réunion, Ondulit est une tôle d’acier recouverte d’une couche de bitume et d’un film réfléchissant qui atteint un facteur solaire de 0,019.
© (Doc. Antoine Perrau Architectures.)
La conception d’une maison à énergie positive en milieu tropical humide implique une étude minutieuse de l’environnement et de son implantation. À l’inverse des logements hermétiques de la métropole, la maison tropicale est ouverte aux quatre vents, afin de rafraîchir l’habitat sans avoir recours à la climatisation.
Alors que le label Bepos-Effinergie 2013 a été défini il y a quelques mois pour les logements individuels et collectifs de France métropolitaine, aucune équivalence n’est actuellement disponible pour les départements d’outre-mer. L’équivalent de la RT 2012, la RTAA DOM, est applicable depuis 2011 (voir encadré).
Le point noir des consommations énergétiques dans les zones tropicales est le recours au rafraîchissement des locaux par la climatisation. Sur l’île de La Réunion, les architectes Michel Reynaud et Antoine Perrau travaillent depuis de nombreuses années sur ce sujet. À leur actif, la réalisation de logements collectifs et de locaux tertiaires avec des dispositifs pour le rafraîchissement par ventilation naturelle donne des résultats encourageants dans la chasse aux négawatts.
Une vitesse de l’air adéquate
L’île de La Réunion est située dans une zone au climat tropical humide balayée par les alizés. Les saisons sont peu marquées et les plages de températures, de faible amplitude, oscillent entre 22 et 30-31 °C. « Il y a une période courte d’inconfort en janvier et février, explique Antoine Perrau. En maîtrisant les apports solaires et les vents, on peut éviter le recours à la climatisation. » Le confort thermique se base sur le diagramme de Givoni pour définir des zones de confort. Il prend en compte la température, l’humidité et la vitesse de l’air, facteurs qui modulent les échanges thermiques du corps humain avec son environnement. « Si, par exemple, dans un local, l’hygrométrie est de 80 % et la température de 25 °C avec une vitesse de l’air nulle, explique Edith Akiki, ingénieur développement durable au bureau d’études Tribu, le confort ressenti par l’occupant équivaut à celui correspondant à une température de 30 °C associée à une vitesse de l’air de 1,5 m/s. La température peut augmenter de presque 5 °C sans ressenti d’inconfort à condition d’augmenter la vitesse de l’air. » L’objectif est donc d’obtenir une température intérieure inférieure à la température extérieure, tout en assurant une vitesse de l’air adéquate. De récents projets réunionnais dans le tertiaire et le logement social ont montré qu’il était possible d’atteindre des facteurs 6 à 10 de réduction des dépenses entre un bâtiment sans climatisation et un bâtiment climatisé. Pour atteindre ces performances, une étude précise de l’environnement et de son potentiel aéraulique est nécessaire, afin de déterminer l’implantation optimale du bâtiment.
Le rafraîchissement d’un bâtiment passe par son environnement. Le travail sur le végétal est un élément important pour faire baisser l’albédo. « Grâce à l’évapotranspiration des végétaux, l’ombrage périphérique et la ventilation, il est possible d’abaisser la température mesurée de 5 à 6 °C au mois de février à 11h00 entre la ville et l’intérieur du bâtiment », précise Antoine Perrau.
Une perméabilité maximale aux vents
Des mesures récentes faites sur le projet Ilet du centre à Saint-Pierre de La Réunion mettent en évidence ce rôle “ d’amortisseur ” thermique du végétal et du traitement des abords d’un bâtiment. La réflexion sur le plan et l’orientation du bâti sont également déterminantes pour définir l’axe de perméabilité maximale aux vents dominants. « Il faut privilégier la ventilation traversante et veiller à suffisamment dimensionner les ouvertures. Cette porosité est évaluée à environ 25 %, avec une optimisation à 30 % pour la façade au vent et 40 % pour la façade sous le vent. Le cloisonnement intérieur doit lui aussi éviter de faire obstacle au flux d’air. » En l’absence de vent, des brasseurs d’air prennent le relais en prenant soin du dimensionnement et de l’emplacement dans l’habitat.
Une isolation des parois mal venue
En milieu tropical, le confort thermique passe par la protection au rayonnement solaire, afin de limiter l’échauffement de l’enveloppe. La couverture doit faire l’objet d’une attention particulière, puisque 70 % des apports thermiques passent par elle. « Parmi les différentes solutions capables de limiter l’échauffement, souligne Antoine Perrau, la toiture thermo-réfléchissante (Ondulit) est la plus couramment utilisée sur l’Ile. Elle a pour avantage de réfléchir 90 % du rayonnement solaire sans isolation, il suffit d’une lame d’air. Il est aussi possible d’isoler la toiture avec au minimum 8 cm d’isolant, ou d’opter pour une toiture ventilée avec une lame d’air d’au moins 50 cm. La toiture-terrasse isolée, voire plantée, est également une bonne alternative. Dans tous les cas, la couleur du support doit être claire. »
Pour les parois verticales, l’exposition déterminera le type et le dimensionnement des protections ou de l’isolant. À La Réunion, la température de l’air reste élevée jour et nuit. Optimiser le confort revient à abaisser la température des parois. Par effet de rayonnement, baisser la température d’une seule paroi contribue à baisser la température des autres parois. Les matériaux à faible inertie thermique sont privilégiés. Le bardage bois a pour avantage de posséder une faible conductivité thermique, qui, en fonction de l’essence, peut être trois fois moins importante que le béton. « L’isolation a l’inconvénient de bloquer la température intérieure et l’empêche de diminuer à la tombée de la nuit », précise Antoine Perrau. Limiter le rayonnement direct sur les parois implique la mise en place de protections fixes ou réglables des baies (pare-soleil, claustras, volets…), des débords de toiture et l’exploitation de l’ombrage végétal.
L’éolien : l’alternative à la VMC
L’exploitation des ressources solaires est un atout majeur dans les milieux tropicaux. « Les panneaux d’eau chaude solaire sont bien implantés à La Réunion. Pour le photovoltaïque, c’est un peu plus compliqué, car il ne représente plus actuellement un intérêt économique. Appliqués sur les varangues, les paneaux font office de protection solaire. Ils peuvent aussi être utilisés sur toiture ventilée, ce qui évite la surchauffe de la dalle. Depuis peu, il y a une prise en compte de l’éolien et de la méthanisation. Les girouettes Venturi constituent une bonne alternative aux VMC. Sur le projet de logement collectif Les Portes de Beauséjour, l’Ademe a estimé à 35 MWh/an l’économie réalisée sur la totalité du programme, ce qui correspond à la production de 300 m² de panneaux photovoltaïques. »
La porosité des façades induit une nouvelle problématique : le confort acoustique. Le végétal, la création de patios et de sheds, l’utilisation de matériaux aux performances acoustiques sont autant d’éléments qui peuvent être mis en place pour limiter le bruit extérieur. Les eaux pluviales sont aussi à La Réunion une problématique qu’il faut aborder, car l’Ile détient les records mondiaux de précipitations de vingt-quatre heures à quinze jours. « Il faut travailler sur l’infiltration au plus près du chemin de la goutte d’eau. On en revient toujours à l’environnement, il ne faut pas imperméabiliser les sols et faire des ouvrages paysagers pour reconstituer les écosystèmes préexistants ».