L’amélioration des installations passe par une meilleure conception des réseaux intérieurs, des matériaux et équipements anticorrosion qui n’altèrent pas la qualité de l’eau et évitent les développements bactériens
Chef de la division Eaux et bâtiments du Cstb (1), François Derrien met l’accent sur l’enjeu de la qualité de l’eau qui passe par des circuits, matériaux et procédés certifiés conformes aux normes.
Les Cahiers techniques du bâtiment :Quelle est aujourd’hui la problématique du traitement de l’eau dans les bâtiments ?
François Derrien : Les évolutions vont dans le sens de la performance des installations en termes de débit, de chaleur et de confort de contact avec la peau (hydrothérapie). Paradoxalement, des économies d’eau sont recherchées alors que la consommation augmente ! Il faut donc jouer avec ces deux aspects au niveau de la robinetterie, de l’utilisation d’autres ressources que l’eau potable, et éventuellement du recyclage. Conformément aux textes normatifs et DTU (documents techniques unifiés), l’amélioration des installations passe par une meilleure conception des réseaux intérieurs, des matériaux et équipements anticorrosion, antitartre, qui n’altèrent pas la qualité de l’eau et ne favorisent pas les développements bactériens.
Elle passe aussi par des diagnostics d’installations anciennes. Même si ces derniers ne sont pas obligatoires, ils donnent lieu à un nouveau métier certifié de « diagnostiqueur réseau d’eau ». Particulièrement en logement collectif, rappelons que le maître d’ouvrage et l’exploitant sont directement impliqués.
CTB : Quels sont les textes en vigueur dans ce domaine ?
F. D. : Les réseaux d’eau dans le bâtiment relèvent de la directive 98/83/CE du conseil du 3 novembre 1998, transcrite en droit français sous forme d’articles du code de la santé publique. Cette réglementation fixe des paramètres qui déterminent la qualité de potabilité d’une eau et constitue la base de la conception des circuits. Y figurent les divers composants qui s’avéreraient nocifs pour la santé, avec des limites à ne pas dépasser en cuivre, aluminium, sodium, sulfates, chlorures, notamment. De même, l’arrêté du 29 mai 1997 modifié, relatif aux matériaux en contact avec l’eau, liste les produits autorisés. Il est complété par une circulaire sur l’attestation de conformité sanitaire applicable aux accessoires. En distribution d’eau, on dispose des tubes en acier galvanisé, acier inoxydable, cuivre, et matériaux de synthèse de type polyéthylène et polyéthylène réticulé, PVC et Cpvc (surchloré) résistant à la température. Cela signifie que toute canalisation installée sur un réseau d’eau et faisant appel à ces matériaux, peut bénéficier d’une certification NF ou Cstbat pour être mise en œuvre. Faute de demande des fabricants, le problème se pose pour les tuyaux en acier galvanisé de qualité insuffisante, créant des pathologies de corrosion rapides. Diverses circulaires précisent les produits et traitements des eaux à utiliser, ainsi que les bonnes pratiques d’entretien dans les ERP, dont les établissements de santé, en termes de désinfection préventive en continu ou curative – par injection de désinfectants ou par chocs thermiques.
CTB : Qu’en est-il de la qualité de l’eau proprement dite ?
F. D. : La réglementation, concernant le traitement de l’eau en général, oblige à laisser à disposition de l’usager une eau non-traitée, à boire telle que délivrée par le distributeur. Cela signifie que dans un immeuble collectif, seule l’eau chaude sera traitée. Ainsi, l’adoucisseur qui retire le calcium et le magnésium de l’eau et y introduit du sodium, garantit le confort, évite une surconsommation de détergent et lutte contre l’entartrage des canalisations. La marque NF Adoucisseurs d’eau – sels de régénération définit les prescriptions nécessaires au bon fonctionnement des appareils, ainsi que la qualité du sel utilisé pour régénérer les résines et garantir son caractère alimentaire.
L’injection de produits chimiques à l’aide d’une pompe doseuse crée un film anticorrosion sur les parois, évite la dissolution des métaux dans une eau stagnante, ou désinfecte un réseau ECS. Les produits autorisés sont à base de polyphosphates, de silicates, d’aluminium obtenu à partir de dissolution d’une anode. Tous ces procédés sont sous Avis technique et leur mise en œuvre est certifiée Cstbat Services, afin de mieux apprécier la capacité du traiteur d’eau à mener à bien son procédé.
Il existe également des traitements « physiques » par champ magnétique ou électromagnétique qui ne modifient pas la composition de l’eau et des systèmes électrochimiques. Si leur effet est avéré sur des installations dans lesquelles la circulation est continue et l’appel d’eau fréquent, l’efficacité n’est pas évidente à démontrer ! Seuls deux types d’appareils bénéficient d’une Atex (2) ! Certains procédés améliorent la saveur de l’eau potable. Les filtres à charbons actifs neutralisent le goût du chlore ; les systèmes d’ultrafiltration ou de nanofiltration éliminent les particules et certains ions présents dans les eaux ; l’osmose inverse élimine tous les ions minéraux grâce à des membranes sans pores. Il existe également des appareils de dénitratation, etc. Aucune technique ne se distingue véritablement. Une marque NF Appareils de traitement d’eau doit voir le jour courant 2007.
CTB : Et s’agissant des autres circuits d’eau ?
F. D. : On distingue au minimum trois circuits, l’eau froide, l’eau chaude sanitaire et le chauffage. Pour ce dernier et pour le réseau de climatisation eau chaude-eau froide, il existe des risques de corrosion liés à une entrée d’air en cas de défaut d’étanchéité de l’installation. D’où la tendance à rajouter de l’eau, et donc de l’oxygène entraînant de la corrosion à l’origine des boues, un ralentissement de la circulation du fluide et des échanges thermiques dans les équipements. Deux types de solutions coexistent. En premier lieu, les procédés curatifs avec injection d’acides, puis les méthodes préventives dites douces, qui utilisent des filtres dotés d’aimants pour récupérer les oxydes magnétisables formés dans les tuyaux de chauffage. Ici aussi, sont délivrés des Avis techniques et une certification Cstbat Services pour ceux qui mettent en œuvre les procédés.
Selon les matériaux, on recourt également à des produits chimiques comme les phosphates, tannâtes, nitrites, molybdates ou benzotriazol, par exemple. En simple échange, ils ne requièrent pas d’agrément puisque l’eau de chauffage n’est pas destinée à la consommation humaine. D’où la plus grande latitude de produits pour lutter contre la corrosion ! Parfois, on parle d’un deuxième circuit pour l’eau de Seine à Paris, aujourd’hui disparu par crainte des interconnexions entre canalisations. Non potable, ce réseau était destiné à l’arrosage des jardins, aux usages techniques ou au nettoyage des cours.
Il revient au goût du jour avec l’idée de recycler les eaux grises ou de récupérer les eaux pluviales. Mais la position du ministère de la Santé et de la Ddass demeure très stricte sur la démarche.
CTB : Pensez-vous que cette position « jusqu’au-boutiste » puisse évoluer ?
F. D. : C’est vrai qu’au nom du principe de précaution, la France est isolée au sein de l’Europe, notamment face à l’Allemagne, sur son interprétation de la directive en matière de qualité d’eau destinée à la consommation humaine. Par crainte de piquages, aucun autre système de tuyauterie n’est autorisé à l’intérieur des bâtiments. Dans certaines installations privées – moyennant dérogation, identification des réseaux en général en PVC pour éviter toute confusion avec les circuits d’eau froide et marquage à intervalles rapprochés – des expériences ont été menées pour utiliser l’eau de pluie, voire recycler les eaux issues des lavabos et des douches. Peu chargées en polluants, ces eaux dites grises sont réutilisées par des systèmes de filtre pour les usages d’arrosage des jardins, lavage de voitures ou alimentation des chasses d’eau. Avec un retour sur investissement de l’ordre de 30 à 50 ans, l’intérêt économique de ces récupérations s’avère discutable !
Toutefois, la loi sur l’eau, dont le texte vient d’être unanimement défini, comporte un chapitre favorable à la récupération des EP. Un crédit d’impôt équivalent à 25 % du coût des équipements va être instauré par décret pour les particuliers, dans la limite d’un plafond de dépenses de 8 000 e.
Un arrêté des ministres chargés de l’environnement et du logement doit également fixer la liste des équipements ouvrant droit à cette disposition, préciser les conditions d’usage de ces eaux dans l’habitat, ainsi que les conditions d’installation, d’entretien et de surveillance des équipements.