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Remodeler conjointement façades et espaces habitables

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Remodeler conjointement façades et espaces habitables

Les façades de la tour Daviel à Paris (xiii e ) ont été rhabillées de panneaux en bois, tôles d’acier et plaques de polycarbonate alvéolaire de trois types créant des reflets multiples. (Arch. Béguin et Macchini) (Doc. Augustin Delporte.)

Intervenir sur de l’habitat social existant, en épaississant les façades et en agrandissant les logements notamment, représente une alternative durable aux démolitions programmées, mal vécues par les occupants souvent très attachés à leur appartement et à leur quartier.

Les opérations de rénovation lourde réclament toujours un investissement conséquent de la part des collectivités locales qui les gèrent et les financent, mais aussi de la part des architectes qui s’investissent beaucoup, parfois pendant de longues années. La problématique posée se situe à plusieurs niveaux et degrés de complexité.

Actuellement, la restructuration la plus couramment menée consiste en un remodelage des façades, avec ajout de balcons ou loggias notamment, qui augmentent les surfaces habitables et améliorent l’isolation (thermique et acoustique) des bâtiments.
D’autres opérations plus compliquées étendent ce type d’intervention à la reconfiguration d’un ou plusieurs immeubles existants en les coupant, les épaississant ou les surélevant, selon les cas de figure. Le tout est assorti du réaménagement interne des espaces habitables et des circulations (verticales et horizontales) qui, se déroulant fréquemment en site occupé, est la source de multiples difficultés d’organisation de chantier et de mise en œuvre.
L’objectif majeur visé est de réaliser une mise aux normes des édifices en place, en termes de thermique, acoustique et accessibilité, tout en accroissant par là même le confort des logements. À ce titre, le cas de la tour d’habitation Bois-le-Prêtre à Paris (xvii e ) est un exemple récurent de restructuration lourde en site occupé, conduite en 2011 par les architectes Frédéric Druot (mandataire) associé à l’agence Lacaton & Vassal, pour l’Opac de Paris. Une opération test qui a été couronnée par le prix de l’Équerre d’argent 2011 du Moniteur.

Restructuration globale en profondeur

Cette tour de 16 étages, érigée en 1962 par l’architecte Raymond Lopez, avait fait l’objet d’une première réhabilitation technique dans les années 1980, avec une transformation radicale de la peau extérieure. La dernière intervention complète a porté sur la greffe de couronnes de jardins d’hiver (modules préfabriqués de 16 à 33 m 2 ) sur les façades de l’édifice.
Ces tampons thermiques isolent efficacement les façades, en générant des économies d’énergie de l’ordre de 50 %, à partir d’une consommation de 80 kWep/m 2 .an. Ce principe a permis d’accroître notoirement les surfaces des appartements remaniés. Simultanément, s’est développé un réaménagement de l’ensemble des espaces intérieurs des logements, doublé d’une remise en conformité des installations techniques (chauffage, électricité, etc.) des appartements, ainsi que des systèmes d’accès (ascenseurs) et des parties communes du bâtiment. Ce programme d’ampleur s’est déroulé suivant un phasage précis des travaux et en adéquation constante avec les locataires. Une approche un peu similaire, sans la contrainte de site occupé, a été menée sur la tour Daviel à Paris (xiii e ), restructurée et livrée en mars 2012 par les architectes Béguin et Macchini, pour Paris Habitat-OPH et le Crous de Paris. Datant de 1971, les deux tours accolées abritaient, pour l’une, une résidence étudiante de 182 chambres et pour l’autre, un foyer de jeunes travailleurs de 156 chambres. Vidés de leurs occupants, ces deux bâtiments ont été réorganisés en une seule entité destinée aux étudiants et regroupant 271 studettes. « Il s’agissait d’améliorer les conditions de confort, d’hygiène et de sécurité des espaces d’hébergement, et de donner à la tour une nouvelle image valorisante », précisent les architectes. Les façades principales (est et ouest) ont bénéficié d’une extension extérieure de 1,60 m (voire 2,50 m) réalisée en filière sèche pour ne pas charger les fondations. Après déshabillage, les façades sont parées de panneaux en bois préfabriqués recevant une tôle d’acier et un revêtement en polycarbonate alvéolaire (Danpalon) de trois types : translucide, opale et opaque blanchâtre, le doublage intérieur étant en Placoplâtre. À l’intérieur, la réorganisation spatiale a consisté à créer, à partir de trois chambres de 9 m 2 , deux studettes de 16 à 17 m 2 , suivant une trame de 2,55 m.

Surélévation à caractère urbain

Chaque unité est équipée d’une salle d’eau préfabriquée, soit un module en polyester conçu pour le projet et aisé à mettre en œuvre par la façade. Côté environnemental, 450 m 2 de panneaux photovoltaïques ont été appliqués en pignon sud. Avec une consommation de 71 kWep/m 2 .an, le projet répond aux critères Cerqual HPE et au Plan climat de Paris.
Pour l’immeuble Balmont situé au nord du plateau de La Duchère à Lyon (69) et érigé de 1960 à 1963, l’atelier d’architecture Castro Denissof Casi a procédé à un remodelage total pour la SACVL. Les travaux en cours se déroulent suivant cinq phases. En plus de la restructuration de la barre de 303 logements occupés, deux immeubles de 57 appartements ont été érigés, et les espaces extérieurs et la voirie, requalifiés.
Il s’agit de métamorphoser cette barre imposante de 16 niveaux en « paquebot orgueilleux » et de « hiérarchiser ses hauteurs en lui donnant un soubassement et un attique », expliquent les concepteurs. Si tous les niveaux ont été réhabilités, les quatre derniers étages ont été « écrêtés pour créer des maisons sur le toit » traitées en duplex avec terrasses. Pour cela, chaque zone démolie est suppléée par la construction de plusieurs volumes en charpente métallique de formes variées cassant l’aspect monolithique de l’ouvrage.
La légèreté de la structure en acier mise en œuvre n’a pas nécessité de renforcement de l’ossature en béton existante. Préfabriqués en atelier, les profils du système poteaux-poutres en métal posé ont été assemblés in situ, puis levés à la grue, les planchers étant composés de bacs acier collaborants. La façade orientée à l’est et dotée d’une vue sur la ville bénéficie d’une « surépaisseur » de 2,50 m formalisée par l’ajout de balcons et loggias, extensions appréciables pour les habitations. De plus, les espaces des halls d’entrée en place, ont été agrandis, vitrés et pourvus d’ascenseurs supplémentaires. Cette surélévation redonne de l’échelle au bâtiment, tout en « inversant l’image négative des barres ».

Façades relookées et surisolées

Par ailleurs, la recherche de performance énergétique des façades est le gage d’une plus-value durable pour la qualité de vie des habitants. Elle se retrouve sur des opérations de plus petite taille et de moindre coût, où sont traitées prioritairement les enveloppes des édifices.
Ainsi, le programme Anru de 160 logements sociaux du quartier de la Noue Caillet à Bondy (93) requalifié par l’architecte Laurent Pillaud/Virtuel Architecture pour la Semidep, situé près de l’autoroute A3, souffrait de nuisances sonores. Pour y remédier, le concepteur a ajouté des batteries de loggias en façade (séjours), soit des modules 3D préfabriqués en épicéa massif contrecollé. Chaque boîte livrée in situ est levée à la grue, puis posée en partie basse sur deux voiles en béton, sans accroche sur la façade. Les autres loggias s’empilent dessus et se boulonnent entre elles. Ce système économique permet de gagner une pièce supplémentaire de 6 m 2 appropriable par les habitants. Sur le plan acoustique, ce procédé diminue de 36 dB le bruit dans les logements, accroissant de ce fait leur confort.
De même, pour le quartier Teisseire de 1 000 logements édifié à Grenoble (38) entre 1957 et 1962 et formé d’une trentaine de barres et de sept tours. Les façades ont été réhabilitées avec une isolation par l’extérieur de 1979 à 1984, et les bâtiments remis aux normes. L’autre vague de réhabilitation, menée de 1998 à 2010 par l’atelier d’architecture Panerai et associés, a réuni plusieurs édifices pour créer deux douzaines d’« unités résidentielles » traitées par plusieurs architectes (voir photo ci-dessus).
L’architecte Bernard Paris a restructuré une barre, en agrandissant les cuisines des appartements avec des loggias, en façade nord. Il a ajouté, en façade sud et sur les séjours, des balcons suspendus de 1,80 m de profondeur, enserrés dans de fines cages en ossature métallique dotées de dalles en béton préfabriqué. Un système ingénieux qui transforme littéralement l’aspect de l’ouvrage.

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