© (Doc.Didier Chatelain.)
M0, M1, M2, M3 et M4 entrent dans l’histoire. Ces fameux symboles, qui caractérisaient en France la réaction au feu des différents matériaux de construction, vont progressivement céder la place aux euroclasses, une classification européenne harmonisée qui se substituera aux classements nationaux des pays de l’Union. Explications de Pierre Ruellan, ingénieur spécialiste en sécurité incendie à la direction des techniques et des méthodes de Socotec.
Les Cahiers techniques du bâtiment : Dans quel contexte normatif apparaissent ces euroclasses ?
Pierre Ruellan : Rappelons tout d’abord que la notion de réaction au feu correspond à la qualité d’un matériau à favoriser ou non le développement d’un incendie. Par rapport à cette définition, chaque pays avait jusque-là son propre système de classement et ses propres normes d’essai. Tout a été modifié avec la directive européenne 89/106, dite directive produits de construction, adoptée en 1989. En application de cette directive, l’Union européenne a fait paraître une série de normes harmonisées, dont la norme EN 13 501-1 qui définit les caractéristiques de réaction au feu des produits de construction, ainsi que les normes d’essai correspondantes. Les textes européens ont été transcrits en droit français par l’arrêté du 21 novembre 2002.
CTB : En quoi consistent ces nouvelles euroclasses par rapport à notre ancien système des « M » ?
P. R. : En premier lieu, les textes européens repris par l’arrêté du 21 novembre 2002 distinguent deux catégories de produits :
– les produits de construction : « tout produit fabriqué en vue d’être incorporé, assemblé, utilisé ou installé de façon durable dans des ouvrages, tant de bâtiment que de génie civil » ;
– les produits d’aménagement, dont les conditions d’emploi sont prescrites par les règlements de sécurité contre l’incendie, désignés « matériaux d’aménagement » (par exemple, des estrades rapportées ou des voilages.).
Les produits de construction se distinguent eux-mêmes en deux familles : les produits autres que les revêtements de sols ; les revêtements de sols. Cette distinction vient du fait que les conditions d’emploi et d’essai ainsi que les supports sont différents. Le classement des produits de construction est donné dans l’annexe 1 de l’arrêté du 21 novembre 2002 et se définit par des lettres dans un ordre décroissant de qualité : de A à F pour les produits autres que les revêtements de sols ; de AFL à FFL pour les revêtements de sols. En outre, deux critères supplémentaires ont été ajoutés afin de prendre en compte :
– la production de gouttelettes ou particules enflammées au cours des essais. Dans l’ordre décroissant, il s’agit des critères d à d.
– la production de fumée définie dans l’ordre décroissant par les critères s à s. Il est à noter que les classements des revêtements de sols ne prennent en compte que le classement supplémentaire « s ». Les produits d’aménagement restent, quant à eux, soumis à l’ancien classement « M », car ils n’ont pas été spécifiés par les textes européens.
Par ailleurs, certains matériaux qui ne nécessitent pas d’essais préalables – tels les minéraux (pierre, argile…) – font l’objet d’un classement a priori donné dans l’annexe 3 de l’arrêté du 21 novembre 2002.
CTB : Ce changement de classement va-t-il entraîner la refonte des textes réglementaires visant la sécurité incendie ?
P. R. : Heureusement, non ! En fait, afin de simplifier le travail des prescripteurs et vérificateurs, l’annexe 4 de l’arrêté fixe la correspondance entre l’ancien classement et le nouveau, autrement dit entre le classement « M » et les euroclasses. Par conséquent, les références à l’ancien texte (arrêté du 30 juin 1983), mentionnées dans les différents règlements de sécurité, sont considérées comme établies, de par la parution de l’arrêté et notamment de ses annexes.
CTB : Et du côté des produits eux-mêmes, comment cela va-t-il se passer ?
P. R. : La justification des classements euroclasses obtenus est soit marquée sur le produit, soit sur son emballage, ou encore sur un document d’accompagnement. Il est à noter que pour « euroclasser » un produit de construction, il est nécessaire de disposer d’une norme produit ou d’un agrément technique européen. En attendant la parution des documents relatifs aux produits et des arrêtés nationaux prévus par le décret d’application, les fabricants peuvent faire classer leur produit en réaction au feu dans les mêmes conditions que pour les produits d’aménagement. La justification de ces classements doit être toutefois fournie par un laboratoire français agréé par le ministère de l’Intérieur.
CTB : En attendant la parution de ces documents, et donc les premiers euroclassements, quelle attitude peut-on adopter vis-à-vis des produits européens classés selon les règles nationales ?
P. R. : Tout dépend de l’existence ou non de règles de correspondance entre les classements nationaux et les euroclasses, analogues à l’annexe 4 de l’arrêté. Dès lors que ces correspondances (à l’initiative des pays de l’Union européenne) sont connues, il est effectivement possible de se raccorder au classement « M » français, via les euroclasses. Dans les cas contraires, la correspondance ne pourra pas être établie.