Réintégration du Bilan Bepos. Maintien d’un coefficient d’énergie primaire (CEP) à 2,58 et taux de carbone à 210. Renforcement des travaux sur l’enveloppe des bâtiments en maintenant l’indicateur Bbio. Le législateur tiendra-t-il compte des trois revendications de la pétition actuelle des professionnels de la thermique ?
La montagne de la Réglementation environnementale RE2020 serait-elle en train d’accoucher d’une souris ? C’est ce que pensent plus de 1300 thermiciens, architectes, concepteurs de bâtiment ou responsables publics, signataires d’une pétition mise en ligne le 26 novembre dernier par un groupe de 90 thermiciens. Un nombre qui s’amplifie d’heure en heure.
En préambule, ce document rédigé par Thierry Rieser, Gérant de la Scop Enertech et membre de l’association Négawatt, souligne la qualité du label E+C- censé guider le législateur et salue l’ambition de la nouvelle règlementation. Mais de l’autre il pointe une dérive de la part des rédacteurs de la future RE2020 désirant fixer a minima, dès le 15 décembre, les paramètres d'énergie primaire et de contenu carbone de l'électricité, mais aussi le choix des indicateurs à inscrire dans la méthode de calcul. « Ce que nous percevons comme une décision unilatérale qui va à l'encontre des avis exprimés par la profession pendant les réunions d'expertise et de concertation.» Certes le calage des niveaux de performance n'est pas encore fait, mais ces arbitrages qui vont structurer les calculs, inquiètent déjà les signataires.
On ne peut plus se contenter des cinq usages réglementaires
D’abord avec l’abandon des critères incitant à la conception de Bepos (Bâtiment à énergie positive). « Dans le label E+C-, le critère énergétique "phare" était le bilan Bepos, qui, pour la première fois dans l'histoire des réglementations thermiques, prenait en compte l'intégralité des consommations d'énergie du bâtiment, y compris l'électroménager et la bureautique dont les consommations sont aujourd'hui majoritaires dans le neuf, dénonce Thierry Rieser. Selon lui, on ne peut plus se contenter du bouquet des cinq usages réglementaires qui cacherait la forêt des consommations réelles. De plus, l'abandon du bilan Bepos priverait d'une définition claire du bâtiment à énergie positive.
Ensuite par le taux retenu pour le coefficient d’énergie primaire de (CEP) de l’électricité. Or son abaissement proposé, de 2,58 inscrit dans la RT2012, à 2,1 en mars 2019 avait déjà provoqué l’incompréhension des professionnels. Du coup, le législateur est remonté à un taux de 2,3. Thierry Rieser rappelle alors que ce coefficient n'est par un objet politique de négociation mais une réalité physique que les scientifiques estimeraient plutôt à 3, ce qui favoriserait les énergies renouvelables.
Puis dans le poids carbone de l'électricité utilisée pour le chauffage. Il est pris à 210 g CO2 par kW.h dans le label E+C-, mais serait ramené, selon les arbitrages actuels de la RE2020, à 80g. « Il s'agit d'une décision qui nie la réalité physique du réseau électrique français, s’insurge Thierry Rieser ; car chaque hiver, pour assurer la demande des radiateurs électriques, on doit produire ou importer de l'électricité produite par des centrales fortement carbonées ». À son avis, décarboner le chauffage des bâtiments ne peut se faire avec des radiateurs électriques mais en favorisant les pompes à chaleur (PAC), « capable de restituer au moins autant de chaleur qu'il en a fallu pour produire l'électricité. Or ce sont les PAC qu'il faut encourager dans la RE2020 et non les radiateurs électriques ».
Accentuer la pression et montrer l’engagement d’acteurs connus
En parallèle, et pour renforcer l’impact des travaux sur l’enveloppe des bâtiments, il conviendrait enfin de maintenir l’exigence Bbio (Besoin Bioclimatique) représentant une l'efficacité énergétique figurant dans le RT2012, mais actuellement oubliée dans le nouveau projet.
Le signal d’alarme est tiré. Les pouvoirs publics sont doublement saisis de cette demande des 90 thermiciens rédacteurs/signataires de la pétition. Le 26 novembre ils l’ont d’abord adressée aux responsables concernés à la Direction générale de l'Énergie et du Climat (DGEC) et la Direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (DHUP). La pétition mise en ligne en complément est le moyen d’accentuer la pression et de montrer l’engagement de nombreux acteurs de la construction, représentant des bureaux d’études, des architectes ou des maitres d’ouvrages connus dans la profession. Et qu’il ne s’agit pas d’une lubie de doux rêveurs. La balle est maintenant dans le camp des rédacteurs de la future RE2020.