Le béton connecté de la tour D2, au quartier de la Défense à Paris, a été développé par Lafarge.Le fabricant y a intégré des puces RFID encapsulées.
© Pierre-Elie de Pibrac
Après la domotique dans l'habitat, le gros œuvre entame aussi sa mue numérique avec des puces et des capteurs connectés qui vont aider à suivre le cycle de vie du bâtiment et son évolution.
En 2020, le nombre d'objets connectés pourrait atteindre ou dépasser les 50 milliards d'unités. « Une grande partie d 'entre eux va concerner la surveillance des bâtiments et des ouvrages d 'art, leur traçabilité et leur maintenance », afirme Jean-Christophe Lecosse, directeur général du centre national RFID ( radio frequency identification). Ces applications constituent un enjeu pour les fabricants de béton qui veulent apporter plus de valeur à leur offre à l'aide de puces pour tracer la vie de leurs matériaux et en suivre l'évolution. « Le béton voit ses performances se diversifier avec l ' intégration de nouveaux adjuvants chimiques, de fibres végétales, de granulats recyclés, de cendres volantes, etc. , observe Carine Lachaud, coauteur d'une étude sur le béton interactif (1) réalisée par le Centre d'études et de recherches de l'industrie du béton (Ce-rib). Grâce à des puces intégrées lors de la fabrication du béton, on peut connaître sa composition, le nom de l ' industriel, la date et l ' heure de la fabrication… Ces informations peuvent être utiles en cas d 'expertise ou de déconstruction du bâtiment. »
Parmi les fabricants en pointe dans le domaine, citons Lafarge, qui a développé des puces RFID destinées au béton. Encapsulées, elles résistent aux contraintes mécaniques, au malaxage et n'altèrent pas les propriétés intrinsèques du matériau. Ce béton connecté a été employé pour la réalisation du noyau de la tour D2, située dans le quartier de la Défense, à Paris.
Dans le sillage de Lafarge, Edycem, fabricant de béton prêt à l'emploi, vient de développer en partenariat avec l'école centrale de Nantes, un système connecté pour les chapes fluides baptisé Smartcem constitué d'une application et d'une puce. Disponible ces prochains mois, cette dernière sera déposée sur la chape à proximité du seuil de la porte. « À l 'aide de n' importe quel smartphone, l 'applicateur, le poseur de sol, mais aussi les occupants du bâtiment pourront connaître la date et lieu de production du béton, la nature du liant, la résistance mécanique du matériau, le marquage CE du procédé, etc. », indique Estelle Breillat, directrice développement d'Edycem.
Ce capteur intégré dans une puce RFID n'est pas plus grand qu'une pièce de monnaie. La puce d'Edycem est simplement posée sur la chape liquide. ©Edycem/ Ela Innovation
Des puces NFC conçues pour durer 200 ans
Le béton connecté intéresse aussi la start-up 360 SmartConnect, qui a noué un partenariat avec STMicroelectronics, producteur franco-italien de puces. Tous deux proposent depuis le début de l'année des systèmes NFC que l'on peut positionner dans des banches, dans les moules avant le coulage du béton ou sur du matériau frais.
À la différence des puces RFID, celles proposées par 360 SmartConnect sont lisibles à une distance maximale de 5 cm par la plupart des smartphones. Elles contiennent un identifiant unique et sont repérables sur un mur grâce à un logo personnalisable. La lecture par smartphone donne automatiquement accès à des applications. « Selon les droits dont dispose l 'utilisateur du smartphone, il pourra y consulter des informations et y enregistrer de nouvelles données, comme un rapport de visite », indique Rolland Melet, le président de 360 SmartConnect, la marque commerciale de l'entreprise Finao. Sa solution comprend des puces qui peuvent durer 200 ans et des applications qui peuvent s'interfacer avec des logiciels de conception BIM ou des carnets numériques.
Des nanotubes de carbone pour détecter les fissures
Les puces dans le gros œuvre ne sont pas dédiées à la seule traçabilité. Elles servent aussi à collecter les données issues des capteurs qui sont immergés dans les matériaux afin de suivre l'état des structures et des matériaux. Vingt-cinq ans après l'apparition des premiers capteurs de corrosion à fibres optiques, les technologies continuent d'évoluer afin d'en réduire le coût et la taille, mais aussi de transmettre les données vers des plates-formes sans liaison filaire. Des travaux de recherche menés notamment par l'Iffstar et le laboratoire de physique des interfaces et des couches minces de l'École polytechnique ont notamment abouti à la réalisation d'un capteur de contrainte de nanotubes de carbone couplé à une antenne RFID pour la surveillance des fissures dans le béton. Dix prototypes ont été intégrés dans une structure réelle. Une affaire à suivre !