Les différentes étapes de la maquette numérique unique (guide, collaboratif, processus, maintenance) du projet de modernisation de l'hôpital Édouard Herriot, conduit par l'Atelier d'Architecture Michel Rémon, ont été enrichies par l'apport des économistes du cabinet GBA&Co au fur et à mesure de l'avancement du projet.
© Source : Atelier Michel Rémon et Associés
Le BIM ne change rien aux missions de l'économiste, mais permet de gagner en efficacité pour tenir le budget prévu. Les économistes plaident pour être associés au plus tôt à la démarche.
« Pour l'architecte, l'ingénieur ou l'économiste, passer au BIM ne se résume pas à un choix d'outil » : selon François Bayle, économiste de la construction et codirigeant du cabinet GBA&Co, ce serait même une erreur magistrale que d'assimiler ce nouveau processus organisationnel de la construction à un simple changement de logiciel. « De fait, le BIM est un nouveau processus de travail basé sur la collaboration et l'interopérabilité, que les professionnels du bâtiment doivent acquérir et s'approprier pour ne plus travailler en silos. » Jusqu'alors le maître d'ouvrage, l'architecte ou l'ingénieur d'études élaborait ses propres états, sans forcément mutualiser son travail avec celui des autres. Dans ce scénario, l'économiste intervenait en bout de chaîne puisque ses travaux se basent sur les études architecturales et techniques de la maîtrise d'œuvre. « Or, avec le BIM, nous intervenons dès l'amont, analyse Pascal Asselin, président de l'Union nationale des économistes de la construction (Untec). Faire des simulations, changer de produits, cela a un impact sur la technique et les coûts. Notre rôle est d'optimiser les choix techniques, respecter la réglementation et calculer l'impact économique du projet. »
Concevoir à partir d'objets génériques
Un raisonnement à l'encontre de certains discours technologiques prônant une informatique « presse-bouton » qui permettrait de se passer d'économiste et d'éditer automatiquement les descriptifs produits, les cahiers des clauses techniques particulières (CCTP) et autres dossier de consultation des entreprises (DCE). Ce serait ignorer qu'avec le BIM, tout se joue dès l'avant-projet sommaire (APS), voire dès le concours, au niveau des objets composant la maquette numérique. Quand les architectes se cantonnent souvent à la modélisation 3D, l'économiste analyse les fonctions, traite et intègre les données. Son rôle consiste ainsi à limiter l'usage aux bibliothèques d'objets produits et/ ou non génériques. « Un projet n'est pas l'assemblage de produits industriels, ce sont des volumes, des f lux, des performances, plaide François Bayle. Il faut commencer par décrire les composants uniquement selon des exigences qualitatives et technico-économiques et, pour ce faire, recourir d 'abord à des objets génériques. »
Par exemple, indiquer les fonctions de sécurité, les capacités acoustiques et thermiques. Ce n'est qu'une fois les marchés de travaux passés que ces objets génériques seront remplacés par ceux des industriels choisis dans le cadre des réponses à l'appel d'offres.
Un protocole associant les économistes
Les premiers à avoir plongé dans le BIM sont incontestablement les maîtres d'ouvrage publics. Et plus particulièrement le secteur hospitalier, dont les décideurs se préoccupent autant de conception et d'exécution que d'exploitation-maintenance tout au long de la vie du bâti et de ses équipements. Le projet de modernisation de l'hôpital Édouard Herriot, à Lyon (69), conduit par l'Atelier Michel Rémon et Associés, en témoigne.
Primé au BIM d'Or 2016, il a été conçu en 2014 de façon classique avec un passage en mode BIM l'année suivante avant construction, notamment pour établir les DCE. « Nous avons alors travaillé avec les économistes de GBA&Co, note Razvan Gorcea, architecte et BIM manager du projet. C'est une bonne façon de s'organiser ensemble, en fonction des compétences propres à chaque métier. » Ce passage a été réalisé sous l'impulsion de Bouygues Bâtiment Sud-Est à travers la création d'une maquette numérique qui a servi de guide à la maîtrise d'œuvre. La finalité et les méthodologies du projet ont été définies dans un protocole cadre commun qui réunissait tous les intervenants : maître d'œuvre, maître d'ouvrage, bureaux d'études WSP France, CSD Ingénieur ainsi que l'économiste GBA&Co.
Aujourd'hui, en 2017, tous les projets de l'Atelier Rémon sont nativement développés en mode BIM, sous Revit, Naviswork et via les outils de maquette numérique d'Autodesk. À chaque fois, un protocole associant les économistes cadre et ordonne la démarche. « Le résultat est un bâtiment plus pertinent et donc plus riche, conclut François Bayle. Le BIM ne change donc pas notre travail, mais nous fait gagner en efficacité. » La mission reste la même : garantir le meilleur rapport qualité/investissement et la meilleure architecture possible. Ainsi, grâce au numérique, le statut de l'économiste pourrait fort bien passer de simple prestataire à celui d'homme-orchestre, voire de BIM manager. C'est d'ailleurs pour cette raison que François Bayle, avec son homologue Florent Pouilly, est l'un des premiers économistes à avoir suivi le mastère spécialisé BIM management de l'École des Ponts ParisTech.