Dossier

Quel rôle pour la toiture végétalisée ?

Cyrille Maury

AVIS D'EXPERT

Philippe Peiger 
Agro-écologue, paysagiste et président de Naturentoit

« La biodiversité est compétitive »« L'évolution vers la biodiversité ne s'accompagne pas d'une croissance des budgets. Les solutions de culture extensive en tapis ou en barquettes plastiques précultivés fournis-posés vont de 80 à 150 euros du mètre carré, selon l'accessibilité de la pose. De leur côté, les techniques horticoles varient de 50 à 90 €/m². Mieux et pas plus cher, d'autant que des subventions régionales peuvent atteindre 50 % du coût. Ces systèmes naturels sont plus pérennes, avec de meilleurs bilans ACV. »

EN PRATIQUE

Pour une végétalisation efficace
1. Faire appel à un concepteur paysagiste pour conseiller, si besoin, la bonne inclinaison du toit, l'orientation du bâtiment et bénéficier d'un cahier des charges précis sur les techniques horticoles, les compositions des substrats et la palette végétale.

2. Appliquer l'allotissement (art. 10 du Code des marchés publics). La végétalisation est mise en œuvre après réception de la toiture, sur un bâtiment hors d'eau et étanche. Le seul document faisant loi en tant que norme est le DTU 43. Celui-ci exige un géotextile de désolidarisation-protection, antipercement et antiracinaire, entre le bâti et la végétalisation.

3. La structure doit supporter la charge de végétalisation, y compris le surpoids de la pluie absorbée (saturé en eau). Une charge utile de 250 kg autorise 20 à 25 cm de substrats.

4. Les toitures en pente nécessitent des buttées pour éviter l'érosion, avec un risque de mauvais comportement végétatif au-delà de 30 %.

5. Prévoir un accès et une arrivée d'eau pour un arrosage lors de l'installation des plantations.

Quel rôle pour la toiture végétalisée ?

La comparaison des consommations de ce bâtiment R+1 en région parisienne sur trois années avant sa végétalisation et trois années plus tard, relève un gain de 20 %.

© Philippe Peiger

Les toitures végétalisées participent du confort thermique et de la baisse des consommations énergétiques d'un bâtiment. Reste que travailler le vivant requiert des compétences botaniques.

Si la toiture végétalisée améliore le confort thermique en faisant écran au rayonnement direct du soleil sur les matériaux de couverture ou d'étanchéité, les mesures exactes des bénéfices directs sont variables pour le bâtiment.

« Nous travaillons sur des matériaux vivants rendant presque impossible le calcul du coefficient d ' isolation R à l ' intérieur du bâtiment pour une toiture végétalisée extérieure, constate Philippe Peiger, agro-écologue et président de l'association Naturentoit. La végétation, l ' humidité, la pluviométrie, la température… tout entre en compte et change selon les saisons. » À titre d'exemple, si une toiture de type prairie, avec des graminées atteignant une hauteur de 30 cm durant l'été, apporte un bénéfice thermique intéressant, en hiver, cette même végétation réduite à quelques centimètres sera beaucoup moins efficace. À l'inverse, des petits arbustes de type crassulacées seront plus efficaces l'hiver que l'été.

La toiture de la résidence hôtelière du campus international thecamp, à Aix-en-Provence (13), qui vient d'être livré, met en œuvre un système de végétalisation semi-extensive.

Des gains de 20 % sur les consommations

L'impact sur les consommations énergétiques est, lui, plus facile à calculer. Les études réalisées, en plaine ou en montagne, sur des bâtiments avant et après la végétalisation de leur toiture relèvent un niveau d'économie de dépense énergétique aux alentours de 20 %, voire légèrement supérieur dans les régions plus chaudes l'été. Les calculs à l'échelle de l'îlot thermique de l'immeuble (l'environnement proche dans un rayon de 50 à 100 m) et de la ville sont également significatifs.

Bâle, la ville la plus verte du monde, avec près de 30 % de toits verts, et, depuis 2001, l'obligation de végétaliser toutes les toitures plates, « non utilisées » démontre que végétaliser environ 10 % des toitures de la ville diminue de 2 à 3 °C la température estivale. Cela favorise également l'isolation acoustique, car les bruits d'impact (pluie ou grêle) sont supprimés et les bruits aériens atténués (3 à 5 dB), la qualité de l'air (séquestration du carbone, des particules fines), la gestion des eaux pluviales (70 à 80 % par absorption et évaporation (substrat) ou évapo-respiration (plantes) et, enfin, la longévité du système d'étanchéité (multipliée par deux, voire plus). Accessoirement, la végétalisation contribuerait à la diminution du vandalisme et à l'augmentation de la valeur foncière.

Le végétal, élément clé de la frugalité

Dans tous les cas, le choix de la flore et les épaisseurs des substrats sont vitaux pour limiter l'entretien et l'irrigation et garantir ainsi la pérennité de la toiture végétalisée.

« Il faut absolument rechercher les solutions s'approchant le plus possible des milieux naturels comparables, tout particulièrement sur les bâtiments tertiaires et commerciaux où, compte tenu des surfaces, l' installation de systèmes demandant un arrosage régulier est difficilement soutenable en termes de développement durable, insiste Philippe Peiger. Si les normes suisses ou autrichiennes les plus qualitatives préconisent un minimum de 10 cm de substrat avec 20 à 50 variétés de plantes différentes, l'idéal est une épaisseur de 10 à 25 cm avec des compositions différentes pour cette végétalisation biodiverse des toits, mixant des matières organiques, issues de recyclage et minérales et du vivant, tels des nématodes, des insectes, des champignons ou des bactéries. » Accompagnant cette nouvelle vision, la loi sur la biodiverer mars 2017, intègre l'obligation de végétaliser en partie les toitures des bâtiments de commerce et les parkings. Un premier pas, la meilleure formule étant, pour beaucoup d'experts, des toitures bio-solaires capables de gérer le végétal, l'eau et la production d'énergie renouvelable. Une approche d'ingénierie écologique transversale qui ne peut que se développer face aux enjeux de la ville de demain.

Nous vous recommandons

Ce qu’il faut retenir de Vivatech dans le domaine de la construction

L’innovation au service du succès des projets de construction et d'ingénierie

Ce qu’il faut retenir de Vivatech dans le domaine de la construction

Plusieurs startups de la construction étaient présentes parmi les quelque 2 500 exposants du salon VivaTech afin de présenter leurs innovations. Les CTB en ont rencontré trois.Plusieurs startups ont eu la visite du ministre de...

20/06/2023 |
La géo-énergie, une EnR pour chauffer en hiver, rafraîchir en été

La géo-énergie, une EnR pour chauffer en hiver, rafraîchir en été

L'économie circulaire monte en puissance

L'économie circulaire monte en puissance

Unifier les pratiques pour massifier le réemploi

Unifier les pratiques pour massifier le réemploi

Plus d'articles