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Topographie, thermographie, modélisation 3D : les drones sont désormais installés dans quelques niches du BTP. Et leurs applications pourraient se multiplier grâce aux progrès technologiques.
Inspecter une toiture, mesurer l'avancement d'un chantier par une vue d'ensemble, faire des relevés topographiques… Ces besoins des architectes, géomètres et autres professionnels de la construction requièrent parfois des moyens lourds en termes d'installations et de temps. Et si ce travail pouvait être effectué plus rapidement et à moindre coût par des drones ? Ces aéronefs télépilotés, munis de caméras haute résolution et de capteurs, offrent en effet de solides arguments de praticité. L'idée a fait son chemin et plusieurs spécialistes de drones ont structuré leur offre dans le BTP. Le poids lourd français du drone domestique, Parrot, annonçait ainsi, en octobre 2016, la création de sa filiale dédiée Parrot Air Support. Ce concurrent vient s'ajouter à une offre déjà pléthorique dans le secteur : Azurdrone, Airware (anciennement Redbird), StudioFly Technologies… Et les entreprises s'y mettent : « Depuis le début de l'année, différentes prestations, que nous avons validées dans des cas d 'usages précis, sont accessibles à nos chefs de chantiers », confirme Christian Coutenceau, directeur de l'innovation chez Léon Grosse.
Des techniques maîtrisées
Cas d'usage le plus mature : la thermographie infrarouge. Destinée à traquer les pertes thermiques en vue d'une opération de rénovation, elle implique souvent un diagnostic humain. Seulement, façades et toiture sont rarement accessibles. Certains prestataires proposent donc, pour le diagnostic, une reconstitution en 3D de l'enveloppe combinant les photographies HD et les clichés thermographiques pris par le drone. Le drone est également privilégié à l'échelle d'un quartier, en survol de toiture, pour repérer les « passoires thermiques » et prioriser les travaux. Plus généralement, l'inspection de bâtiments peu accessibles prend de l'ampleur. Sur la piscine Aqua-sud, à Agen, Apave a, par exemple, utilisé un drone pour contrôler les soudures de la charpente métallique. L'appareil a réalisé des prises de vue (visible, infrarouge) de 24 soudures des quatre arches porteuses de la verrière de la piscine. Résultat : une intervention de cinq heures de vol pour un cinquième du coût de la location d'une nacelle.
Le drone est aussi en passe de s'imposer comme l'assistant - mais peut-être aussi le concurrent -des géomètres. Grâce au traitement des prises de vue, les prestataires peuvent actuellement réaliser des cotes avec une tolérance de mesure de l'ordre de 1 à 5 cm, et parfois en dessous du centimètre pour des zones très localisées. Autre limite : la végétation, et plus généralement l'encombrement de certains sites, qui peut parasiter les prises de vue. « L'analyse des images est également primordiale. En termes de précision du rendu, c'est le jour et la nuit entre les opérateurs », avertit Christian Coutenceau, de Léon Grosse. Aujourd'hui, les niveaux de précision suffisent pour certains cas d'usages comme le cubage (mesure volumétrique des matériaux), les relevés topographiques pour le terrassement et l'estimation des différentes hauteurs et pentes. Sur ce créneau, l'opérateur français Airware a, par exemple, établi en 2016 un partenariat avec Caterpillar, pour détecter les quantités de terre soulevées et optimiser l'utilisation des véhicules de chantier.
Vers la cartographie intérieure
La reconstitution 3D de bâtiments existants à partir des clichés, appelée photogrammétrie, ouvre également des perspectives. L'avancement des travaux peut ainsi être mis en regard de la maquette BIM. « Mais cette technologie pose encore des problèmes de précision. Sur un de nos chantiers tests, des pieux de fondation ont été confondus avec des outils de chantiers laissés sur place. D'autant que d'autres technologies, comme la réalité augmentée avec tablette, pourraient s'imposer pour le suivi de chantier », nuance Christian Coutenceau. Même si l'usage se développe, les drones sont donc encore cantonnés à des marchés de niche. Pourtant, la technologie progresse à grands pas. Des outils de mesure ultra-précis comme le lidar, déjà utilisé en météorologie et basé sur le laser, sont déjà embarqués et testés en R & D. « Les technologies issues de la voiture autonome, comme la vue stéréoscopique ou l'évitement d'obstacle, permettent également d'envisager des drones cartographiant l'intérieur des bâtiments », prévoit Thai-Binh Phan, directeur général de Parrot Air Support.
À moyen terme, les drones équipés de bras robotisés ou d'outils pourraient conquérir des marchés au-delà du diagnostic. Les drones nettoyeurs de la société Drone Volt en sont l'illustration. Grâce à une pulvérisation par spray sur des surfaces difficiles d'accès ou contaminées, ces appareils accomplissent des tâches comme le démoussage de toitures ou le recouvrement de tags sur les façades. De là à imaginer des drones peintres en bâtiment, il n'y a qu'un pas.