Dernier vestige médiéval des remparts d'Honfleur (14), le bâtiment de La Lieutenance a été réhabilité en juin 2015 par l'entreprise Lefèvre. Initialement, ce spécialiste de la rénovation avait prévu une reprise par micropieux. Il a finalement choisi la technique d'injection de résine Uretek en raison de sa rapidité et facilité de mise en œuvre sur un chantier à l'accessibilité complexe et en zone humide. (photo : Thierry Favatier)
L'injection a désormais pris place dans les techniques de soutènement. Pour autant, est-elle aussi performante, voire plus économique, que les techniques classiques de pieux ou de micropieux ?
Même si la comparaison financière est parfois difficile, nombre de chantiers de fondation recourent désormais à l'injection de résine. Un procédé particulièrement en concurrence avec les micropieux. Pourquoi ? « Le pieu classique nécessite un appareil de forage encombrant, hiérarchise Jérôme Mazenc, ingénieur chez Eurosol Fondations. Il ne peut être utilisé que pour des chantiers ouverts et facilement accessibles, contrairement à la foreuse de micropieu, plus petite et adaptable à des configurations complexes. »
Pieux ou micropieux s'accommodent pourtant de tous les sols : sableux, argileux, calcaires, granitiques, remblais. Il n'y a donc pas de raisons géotechniques à privilégier l'un ou l'autre. Le choix s'opérera alors selon la configuration du chantier.
« P our des raisons économiques, on privilégiera toujours les pieu x, poursuit l'ingénieur. Leur coût est toujours moindre pour peu que l'on doive en réaliser une dizaine au minimum. » Mieux encore : à l'unité, le forage d'un seul micropieu s'avère généralement plus onéreux qu'un pieu classique, car il mobilise davantage de personnel et de temps. Enfin, le micropieu a une moindre portance, puisque les calculs tiennent compte du fait qu'il ne travaille qu'en frottement, alors que le pieu travaille aussi en pointe. Résultat : comme il faut plusieurs micropieux à charge équivalente, le prix d'un chantier d'ouvrage neuf sera alors 3 à 5 fois plus élevé qu'avec des pieux classiques.
« En revanche, pour la réhabilitation, les chantiers occupés et/ ou contraints, la reprise de charges existantes, le recours aux micropieux ou à l'injection est alors plus approprié » , met en avant Nicolas Faure, responsable technique chez Uretek France. Reste à faire son choix.
La portance peut être multipliée par deux à trois
Dans la pratique deux techniques permettent d'imprégner ou de « claquer » - en fait fracturer -un sol. L'injection traditionnelle avec un coulis de ciment minéral, d'abord, réclame un microforage classique. Efficace pour certains traitements de surface, elle peut aussi être pratiquée dans le neuf dans le cas de sols altérés ou pour des remblais dont il est nécessaire d'améliorer la portance. Parfois difficile à maîtriser, son coût varie selon le niveau de risque des anomalies non décelées lors des reconnaissances géotechniques.
L'injection de résine expansive de polyuréthane thermodurci, ensuite, est proposée par quelques spécialistes, comme Solinjection, Geonovatek ou le leader, Uretek. « C'est très efficace pour des travaux sur des ouvrages existants, reprendre des charges, retrouver une portance, assurer une réhabilitation ou pour une surélévation apportant des surcharges » , assure Nicolas Faure.
L'injection imprègne le sol pour des traitements localisés ou partiels, sans créer de points durs, voire pour remonter des sols affaissés. La résine gonfle jusqu'à 30 fois son volume initial. Selon la perméabilité du sol, « l'argile claquer a, alors que pour le sable, cela dépendra de sa finesse. Au final, la portance peut être multipliée par un facteur deux à tr ois » , estime-t-il.
Deux fois moins coûteux que les micropieux
À ce titre, l'amélioration de sols par injections de résine expansive est une alternative sérieuse aux micropieux. Elle reste moins coûteuse pour des traitements localisés, peu profonds, sans accès direct. Comme pour la consolidation des fondations de la Lieutenance d'Honfleur (14) ou de l'institut pour polyhandicapés Handas, de Chartres-de-Bretagne (35), où cette solution était deux fois moins chère que celle par micropieux, évaluée à plus d'un million d'euros.
Autre argument : la résine ne se dégrade pas plus que le ciment ou le béton. Des études indiquent une durée de vie d'au moins cinquante ans. Enfin, elle est pratiquée depuis vingt-cinq ans sur tous types d'ouvrages (maison, immeuble, ouvrage d'art, infrastructure routière, monument historique, bâtiment industriel… ), sans problème.
« Mais l'injection de résine a aussi des limites que n'ont pas les micropieux, modère Thibaud Péron, ingénieur d'études chez Plée TDP. Pour certains terrains argileux, notamment, le polyuréthane qui est un matériau noble et cher, se répand mal. Il peut aussi rigidifier un terrain en réduisant sa plasticité, ce qui peut l'amener à la rupture. »
Dans la pratique, chaque cas est différent. C'est au géotechnicien de décider. Généralement, il préfère jouer l'habitude et faire ou refaire des fondations propres avec des micropieux. Mais la résine est une alternative intéressante qu'il devrait étudier plus finement pour certains types de sols, des chantiers très enclavés, sensibles aux vibrations des foreuses, ou pour supporter des structures simples de type maison individuelle. Sa mise en œuvre aisée et rapide est alors son meilleur atout.