Les écoles et lieux d'accueil de la petite enfance sont les premiers ERP à devoir faire l'objet d'une évaluation des moyens d'aération et des mesures de quelques polluants chimiques.
© CSTB-OQAI
La qualité de l'air intérieur est liée aux matériaux de construction et aux usages. De nouvelles campagnes d'études vont permettre d'améliorer les connaissances sur les divers polluants présents dans les lieux de vie.
Alors que l'évolution des modes de vie nous conduit à passer jusqu'à 90 % de notre temps dans des espaces clos, logements, bureaux ou lieux publics, la qualité de l'air intérieur soulève nombre d'interrogations. Les préoccupations sont récentes par rapport à celles touchant à l'air extérieur, qui mobilisaient jusqu'au début des années 2000 tous les moyens financiers de surveillance. Une meilleure prise en compte des rejets industriels, de l'incinération des déchets et du transport a permis à la problématique sur l'air intérieur d'éclore. En 2001 a été créé l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI), dont les études ont permis d'identifier trois grandes sources de pollution : le bâtiment lui-même, avec ses matériaux, ses équipements et son aménagement ; les occupants via leurs activités ménagères ; l'environnement extérieur, que ce soit l'air ou le sol.
Un système de ventilation efficient est l'un des piliers de la qualité de l'air intérieur.Sur la nouvelle médiathèque de Baud (56), conçue par le Studio 02, il consiste en un soufflage double flux.
La première photographie réalisée sur un échantillon représentatif de logements en France est sans appel. « L 'air intérieur est souvent plus pollué que l 'air extérieur du fait des transferts qui se font de l 'extérieur vers l ' intérieur, résume Souad Bouallala, ingénieur au service évaluation de la qualité de l'air de l'Ademe. La pollution a un impact sanitaire sur la population, jouant un rôle dans la hausse des cas d 'asthmes et autres affections respiratoires. Son coût minimal a été évalué par l 'Anses et l 'OQA I à 19 milliards d 'euros par an. »
Des enveloppes plus performantes, mais un mauvais renouvellement de l'air
Cette situation tient à plusieurs phénomènes. Comme le souligne Pierre Deroubaix, ingénieur au service bâtiment de l'Ademe : « Nous avons assisté ces dernières années à une introduction massive de produits chimiques dans les bâtiments, notamment au travers de matériaux de construction de plus en plus élaborés ( à séchage rapide, antifongique… ), de produits d 'ameublement à base de panneaux de particules plutôt que de bois massif, etc. Dans le même temps, au fur et à mesure des réglementations thermiques, l 'enveloppe des bâtiments a été rendue plus performante énergétiquement. Mais il y a eu un déséquilibre entre les moyens mis en œuvre pour garantir l ' étanchéité à l 'air et le peu qui a été fait pour s'assurer du bon renouvellement d 'air, lequel s'avère pourtant être le poumon du bâtiment. »
Résultat, des règles de ventilation souvent mal respectées dans le neuf et la rénovation, qui contribuent à la dégradation de l'air intérieur. Les retours des contrôles réglementaires effectués par les Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) sur des échantillons réduits et aléatoires font état de 68 % de non-conformité liée à la ventilation dans les maisons individuelles neuves, à la livraison, et de 44 % dans le collectif.
Des sources de pollution variées
Les moisissures présentes dans le bâtiment se mesurent par l'indice de contamination fongique déterminé à partir des COV émis par leur développement.
Parmi les polluants mis en évidence, figurent les moisissures, le formaldéhyde, le benzène et autres composés organiques volatils (COV), les particules fines, le CO , le radon (un gaz naturel), mais également des substances plus récentes, moins bien connues et plus difficiles à mesurer, comme les perturbateurs endocriniens ou les nanoparticules.
Les moisissures touchent 15 à 30 % du parc de logements français selon une étude réalisée en 2016 par l'Anses. Leur présence, qui se mesure par l'indice de contamination fongique déterminé à partir des COV émis par leur développement, est le signe d'un renouvellement d'air insuffisant et d'un excès d'humidité. Celle-ci est souvent liée à l'occupation des locaux, mais peut également être la conséquence d'infiltrations d'eau, de remontées capillaires ou de chantiers qui n'ont pas respecté les conditions d'entreposage et de séchage des matériaux (lire p. 40).
Le formaldéhyde appartient quant à lui à la famille des COV. Il peut être émis par les matériaux de construction ou de décoration, les peintures ou les colles… Son classement « cancérogène certain » par l'OMS en 2004 participe aujourd'hui à son recul. Dans le domaine de la filière bois notamment, de gros efforts ont été entrepris pour lui substituer des substances moins dangereuses. « La baisse a été significative sur les panneaux, qui utilisent désormais des colles phénoliques ou iso-cyanates, mais aussi sur les produits adjuvantés et les revêtements, majoritairement en phase aqueuse, précise Christophe Yrieix, responsable technique qualité de l'air au FCBA. Des recherches ont par ailleurs été lancées sur des colles biosourcées et des produits de construction ayant une durabilité accrue afin d ' éviter l 'application de produits de traitement. »
Souvent pointé du doigt, le dioxyde de carbone n'est pas toxique aux concentrations mesurées, contrairement au monoxyde de carbone, un gaz mortel émis lors d'une mauvaise combustion des appareils de chauffage qui fait encore 200 à 300 morts par an en France. Pouvant atteindre des niveaux élevés dans les locaux confinés à forte occupation (salles de classe), le CO est cependant associé à une diminution de l'attention et donc à une baisse des capacités d'apprentissage.
Réglementer et surveiller
Les premières données sur l'air intérieur ont servi de base à une série de mesures réglementaires pour limiter les risques sur la santé. Parmi elles, « l' étiquetage réglementaire des matériaux de construction et des produits de décoration ( de A+ à C selon leur niveau d ' émissions) est une avancée majeure dans le domaine, note Corinne Mandin, de l'OQAI. Lorsque l 'on construit une école ou une crèche, que l 'on rénove, il est possible d ' imposer dans un cahier des charges d 'avoir des produits moins émissifs. » Parallèlement, une surveillance obligatoire de la qualité de l'air dans les ERP a été programmée dans le temps. Aujourd'hui, ce sont les écoles et les lieux d'accueil de la petite enfance qui sont concernés par une évaluation des moyens d'aération et des mesures de quelques polluants chimiques. Demain, ce sera au tour des collèges et lycées, puis en 2023, celui des piscines et établissements accueillant des seniors et des personnes handicapées.
À côté de cela, de nouveaux outils sont développés pour accompagner les professionnels et permettre une meilleure prise en compte de la qualité de l'air intérieur à toutes les étapes de l'acte de construire.
Il s'agit notamment de la méthode de management de la qualité de l'air Manag'R, mise au point par l'Ademe et en cours d'évaluation sur une dizaine d'opérations variées, ou du nouveau label Intairieur, lancé par Immolab, pour valoriser la qualité intérieure dans le logement neuf.
L'étiquetage obligatoire des émissions de COV constitue une avancée dans la prise en compte de la qualité de l'air intérieur. Il couvre l'ensemble des matériaux de construction et de décoration intérieurs.