© Doc. Benevello
L’enjeu sanitaire que représente la qualité de l’air que nous respirons dans les bâtiments n’est aujourd’hui plus discuté. Les conséquences économiques ont même été chiffrées à plusieurs milliards d’euros annuellement pour la France, pour seulement six polluants. Cependant, compte tenu du nombre de sources possibles de substances chimiques du fait de la diversité des constructions, des produits et des usages, comment identifier de façon la plus exhaustive possible celles auxquelles sont exposés les occupants, afin d’orienter l’action et la prévention ?
Dès sa création en 2001, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur [OQAI] a engagé une hiérarchisation des polluants pouvant être présents dans les logements. Ce travail a abouti à dresser une première liste de polluants prioritaires. Des connaissances nouvelles ont ensuite permis d’y ajouter d’autres substances, notamment les composés organiques semi-volatils (COSV). De par leurs propriétés physicochimiques, ces substances non seulement s’évaporent dans l’air, mais se déposent sur les surfaces, dont la peau humaine. Parmi elles, on peut citer les phtalates, utilisés dans les matériaux plastiques, des composés à base de brome utilisés comme retardateurs de flamme dans le mobilier rembourré, les textiles et les appareils électroniques ; ou encore le bisphénol-A, plus connu pour sa présence dans les biberons et boîtes de conserve. Même si certains COSV sont aujourd’hui interdits, ils peuvent encore être présents dans les bâtiments. C’est le cas des polychlorobiphényles, composant les joints d’étanchéité dans les années 1970, et du lindane, largement utilisé pour le traitement des charpentes en bois.
Fort de la connaissance de ces molécules, de leurs usages possibles dans les bâtiments et des effets toxiques de la plupart d’entre elles, l’OQAI a analysé des prélèvements d’air réalisés dans un échantillon représentatif de logements, avec l’appui de l’École des hautes études en santé publique. Les résultats ont été rendus publics en juin. Ils montrent que sur les 66 substances recherchées, plus de la moitié - 35 exactement - sont présentes dans l’air d’au moins un logement français sur deux. Certaines, comme les phtalates, sont détectées dans presque tous les logements. Les concentrations sont faibles, voire très faibles. Cependant, des expositions chroniques à de très faibles doses peuvent entraîner le développement à long terme de maladies comme le cancer. Ces résultats appellent donc à la poursuite des recherches.
Dès lors, comment identifier les substances à rechercher ? Du fait de leur toxicité, certaines de celles mesurées par l’OQAI ont été remplacées par d’autres par les fabricants. En l’absence d’informations sur les substances entrant dans la composition des matériaux et produits, il est impossible d’anticiper les émissions potentielles et les concentrations qui en résultent dans l’air des bâtiments. La réglementation européenne sur les substances chimiques est très poussée, mais le recensement des utilisations et de l’exposition des populations n’est pas exhaustif. La mesure des concentrations dans l’air des bâtiments reste donc indispensable. Encore faut-il que les substances à rechercher soient identifiées pour pouvoir être analysées…
La qualité sanitaire est une composante de toutes les certifications environnementales des bâtiments dans le monde. Pour qu’elle prenne une dimension à la mesure des enjeux, des progrès restent à faire en matière de traçabilité des contenus des produits intégrés ou utilisés dans les bâtiments. D’autant que des outils existent, comme la maquette numérique qui devrait permettre de rassembler l’information relative aux produits de construction. Et ainsi participer à la prévention des crises sanitaires dans les espaces de vie.