La société américaine des architectes paysagistes (Asla - American Society of Landscaping Architects) se fait le promoteur de la toiture végétalisée extensive : la terrasse de son propre siège à Washington a été rénovée avec ce système.
L’intérêt d’une toiture végétalisée de type extensif s’apprécie dans trois registres : pour le bâtiment lui-même, pour l’environnement immédiat du bâtiment équipé et par rapport à plusieurs réglementations ou labels, dont la certification HQE.
Les toitures végétalisées sont généralement présentées comme une technique entièrement bénéfique, capable d’apporter simultanément des réponses positives à plusieurs problèmes. Mais la réalité est plus mesurée. Tout d’abord, l’investissement pour ce type de couverture est plus élevé que dans le cas d’une couverture non-végétalisée. Si les organisations françaises demeurent discrètes à ce propos, le DDV (Deutscher Darchgärtner Verband), syndicat allemand des toitures végétalisées, affiche moins de réticences. Il estime que pour une toiture-terrasse équipée d’un jardin, le surcoût varie de 100 à 160 e/m², mais qu’il n’est que de 50 à 100 e/m² pour une toiture-terrasse ou d’une pente inférieure à 30 % (17°), dans le cas d’une végétation extensive inaccessible. Au-delà du coût, la toiture végétalisée, en raison du renouvellement de la végétation et de la floraison, offre un aspect esthétique séduisant.
La végétalisation constitue une protection efficace de la toiture, de son isolation thermique et de son étanchéité. Elle remplace le lit de gravillons que l’on trouve sur de nombreuses toitures-terrasses. Selon ses promoteurs, une toiture végétalisée contribue à l’isolation thermique du bâtiment. Cet effet direct d’amélioration dépend en effet du taux d’humidité de la couche végétale et de son substrat. Il est vrai qu’en rénovation, la pose d’une toiture végétalisée extensive améliore le bilan thermique, aussi parce que la toiture a été isolée. Un autre effet est souvent mis en avant à propos du confort d’été : en période chaude, le végétal évapore de l’humidité. Ce qui agirait positivement sur le rafraîchissement du bâtiment, comme la transpiration pour le corps humain. Comme l’isolation thermique est placée sous la végétation et sous la couche d’étanchéité, la portée de ce mécanisme est à relativiser. Aucun fabricant ne s’aventure encore à avancer des chiffres.
Des avantages pour l’environnement proche
Cet effet d’évaporation joue plus sûrement, ainsi que l’atténuation acoustique, en faveur de l’environnement proche du bâtiment équipé. Dans la mesure où la toiture est humide, cette évaporation contribue à diminuer la température ambiante autour de l’édifice. La multiplication des couvertures irriguées aurait sans aucun doute un effet positif sur le confort d’été en milieu urbain. La présence d’un matelas végétal a d’autre part une action acoustique indéniable. Les bruits sont en partie absorbés par ce matelas, alors qu’ils sont réfléchis par une couverture minérale rigide. Là encore, cet effet contribue nettement à la réduction du niveau sonore ambiant aux alentours du bâtiment, davantage qu’à l’isolation phonique de celui-ci.
Certaines études allemandes portent sur des variétés de mousses particulières et sur leurs possibilités d’absorption et de transformation des polluants issus des moteurs automobiles. Les premiers résultats, très encourageants, ont conduit à envisager d’équiper la bande de séparation des autoroutes urbaines autour de Bonn d’un tapis de mousses spécifiques. Les chercheurs estiment que leur emploi, en guise de tapis végétal sur des toitures légères irriguées, pourrait contribuer très significativement à la réduction de la pollution urbaine issue des moteurs à combustion. Le principal bénéfice mis en avant à propos des toitures végétalisées extensive est leur faculté importante de rétention d’eau, qui éviterait une surcharge des réseaux d’évacuation urbains en cas de fortes pluies.
De 2002 à 2004, le Centre scientifique et technique de la construction en Belgique (Cstc), a étudié les performances de neuf « toitures vertes », disponibles sur le marché belge. Les points étudiés portaient notamment sur leurs capacités de rétention d’eau sur de longues périodes, leur effet retardateur lors d’averses intenses et sur la qualité des eaux rejetées. Les différences observées, à partir de toitures testées grandeur nature, sont attribuables à la composition et à l’épaisseur des couches de drainage, à la densité des filtres, à la nature des substrats et des couches de végétation. Cette étude a débouché sur trois conclusions. Premièrement, les toitures végétalisées rejettent en effet nettement moins d’eau que les toitures traditionnelles. Deuxièmement, la qualité des eaux rejetées est suffisamment bonne pour qu’elles puissent être utilisées pour l’arrosage, le lavage des véhicules et les réservoirs de chasses d’eau. Il sera donc à la fois possible et judicieux de combiner toitures végétalisées et réutilisation des eaux de pluie. Troisièmement, plus le substrat est épais, plus importante est la rétention. Cependant, la combinaison d’un substrat moins épais et d’une couche drainante suffisante permet également d’optimiser la rétention d’eau. Quant à l’effet de retard des écoulements en cas de pluies intenses, l’étude du Cstc a montré que les toitures végétalisées extensives à substrat inférieur ou égal à 100 mm réduisaient le débit d’eau de 30 à 50 % et qu’elles décalaient de 5 à 10 minutes le point culminant des écoulements après des averses intenses.
En cas de sécheresse du toit
À l’inverse, que se passe-t-il si un toit végétalisé est sec ? Comme la majorité d’entre elles réalisées en France ne sont pas irriguées et que le pays peut connaître des épisodes d’intense sécheresse, la question devient légitime. Dieter Scherer, climatologue à l’Université technique de Berlin (TUB), l’a étudiée en détail. D’une manière générale, il estime qu’à cause des capacités de stockage de chaleur de la pierre, du béton et des toàitures, dans les situations extrêmes, il peut faire, au centre ville, jusqu’à 8 °C de plus qu’en périphérie. À l’inverse, les parcs, les espaces verts et les toitures végétalisées ne stockent que peu de chaleur et humidifient l’atmosphère grâce à une évaporation importante, réduisant ainsi fortement la température ambiante dans la ville. Avec toutefois une réserve, lorsque les toitures végétalisées sont sèches, elles deviennent de véritables pièges à énergie solaire et redistribuent davantage de chaleur à l’air ambiant que la même surface en béton. Les espaces verts permettent donc de refroidir les nuits urbaines, tant qu’ils sont suffisamment irrigués. Cette fraîcheur ne peut être transmise que dans un rayon de 300 m. Il apparaît donc clairement que davantage d’habitations pourraient profiter de cet effet, si l’on multipliait les petits espaces verts, dont les toitures végétalisées arrosées, plutôt que les grands parcs.