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Une tribune de Laëtitia Boucher, directrice développement durable de l’entreprise Interface.
« Le secteur de la construction représente à lui seul plus d’un tiers des émissions de GES du territoire, dont 25 % sont liées aux dépenses énergétiques des bâtiments. Un budget prévisionnel de 6,5 milliards d’euros prévu par le Plan Relance sera alloué à la rénovation énergétique des bâtiments publics et privés. C’est une occasion historique de rattraper le retard pris sur les objectifs fixés par la Stratégie Nationale Bas Carbone en 2015. Cependant, le secteur ne doit pas s’orienter uniquement vers les énergies décarbonées et concentrer ses efforts sur la seule réduction des consommations énergétiques. Pour réussir sa mutation vers la neutralité carbone, il faut repenser l’urbanisation et étudier l’emplacement des constructions en fonction d’une multitude de paramètres géographiques et géologiques, pour éviter l’artificialisation excessive des sols, préserver la biodiversité et favoriser les mobilités douces. Outre l’environnement dans lequel le bâtiment s’inscrit, une réflexion sur l’extension de sa durée de vie, sa flexibilité d’usage, la sobriété de ses matériaux et leur circularité, ainsi que sa déconstruction doit être menée au moment de sa conception. Il faut également privilégier une réhabilitation ou une rénovation, même lourde, à une construction neuve, dont la réalisation est deux fois plus émettrice de GES.
Les décisions concernant la performance environnementale d’un immeuble, voire même d’un quartier, doivent être prises dès la phase amont d’un projet en s’appuyant sur l’écoconception, l’ACV et la préservation des écosystèmes. La future RE2020 avec la certification E+C- est un outil idéal pour la décarbonation des constructions neuves, qu’il faudrait étendre à la rénovation. En effet, elle prend en compte à la fois les émissions de carbone opérationnel et celles de carbone incorporé dans le calcul du cycle de vie des bâtiments. Le secteur a souvent tendance à ignorer la place prépondérante du carbone incorporé dans les matériaux (49% des émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment). Enfin, le développement de l’offre de matériaux de réemploi et l’émergence de produits de plus en plus sobres en carbone, grâce aux matières recyclées et aux performances des matériaux biosourcés contribueront activement à la décarbonation. Le secteur peut atteindre la neutralité carbone, à condition de mettre en place une démarche de réduction carbone sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Cette réussite ne se fera pas sans la sensibilisation, la formation et la mobilisation des individus pour faire évoluer les pratiques professionnelles, les modes d’usage et le comportement des utilisateurs. »