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Priorité à la mise en valeur des œuvres

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Priorité à la mise en valeur des œuvres

BENOIT BALENGHIEN travaille au sein de la division architecture - muséographie - technique du musée du Louvre à Paris. Chef du service électricité et éclairage, il prépare les expositions en concertation avec Anne de Wallens, déléguée à la conservation préventive et à la coordination des régies et collabore avec Agnès Alfandari, chef du service multimédia.

Actuellement, environ 35 000 œuvres sont exposées au musée du Louvre, sur un total de 400 000. Les autres objets sont dans les réserves et classés en fonction des huit départements du musée. Environ 2 200 personnes y travaillent et exercent des fonctions spécifiques afin d'accueillir 8 millions de visiteurs/an à travers 61 000 m2 d'exposition. Tous poursuivent un objectif commun : rendre accessibles les œuvres au plus grand nombre.

CONSERVATION

Quels sont les enjeux ?

Anne de Wallens : Comme les êtres vivants, les œuvres, qu'elles soient organiques, inorganiques ou composites ont une durée de vie limitée. Notre but est de la prolonger le plus possible en prévenant les facteurs d'altération comme la poussière, la chaleur, l'humidité, la lumière ou les gestes répétés de visiteurs qui touchent les œuvres. Les facteurs environnementaux peuvent également favoriser le développement de micro-organismes (champignons, ou insectes type vrillettes, mites.) Le meilleur moyen de les éviter reste la surveillance et l'observation. La prévention consiste à supprimer les facteurs qui facilitent leur développement, comme la conjonction humidité/chaleur.

Le Louvre dispose donc d'un éventail de solutions, résultats de compromis entre les techniques disponibles et l'aspect palatial du musée, que nous prenons systématiquement en compte. La plupart des salles sont climatisées, afin de contrôler la température et l'hygrométrie de l'air. Nous utilisons également l'inertie du bâtiment pour garantir une stabilité environnementale aux œuvres. Autre exemple, les verrières de l'aile Sully sont équipées de volets articulés grâce auxquels nous limitons l'intensité lumineuse, en fonction des saisons. Enfin, contre les vols ou la dégradation, nous utilisons des protections mécaniques telles que des modes d'accrochage ou de soclages antivol. Le musée est équipé de caméras de vidéosurveillance et de rayons infrarouges. L'ensemble est complété par une surveillance humaine qui reste fondamentale.

LUMIERE NATURELLE

Comment en tirer le meilleur pour les œuvres ?

Benoît Balenghien : Le choix entre éclairage naturel et artificiel dépend des œuvres. Les sculptures et les peintures à l'huile peuvent facilement s'exposer à la lumière naturelle. L'éclairage artificiel est donc réservé aux objets utilisant des pigments naturels, tels que dessins au fusain ou tapisseries sur lesquelles la lumière a une action destructive. Ainsi, la plupart des peintures à l'huile sont installées au second étage, où se trouvent les verrières. Plus les œuvres sont fragiles et plus elles sont placées dans les étages inférieurs et les sous-sols, où il est plus facile de les protéger. Le temps d'exposition des objets fragiles est limité entre trois mois et un an, en fonction des œuvres. L'autre possibilité est de les installer dans une salle où l'éclairage est limité à 50 lux, un seuil en deçà duquel la dégradation des œuvres est moindre. Quoiqu'il en soit, l'éclairage naturel dépend des salles, des saisons et de la luminosité. Il est donc toujours nécessaire de prévoir un complément avec des sources adaptées en termes de couleur de lumière et de maintenance.

ÉCLAIRAGE ARTIFICIEL

Quels sont les objectifs ?

B. B. : Notre priorité est toujours de mettre en valeur l'œuvre, sans créer d'éblouissement, ni d'ombre portée, ce qui empêche d'installer les sources juste au-dessus d'une œuvre. L'autre règle incontournable en muséographie est de faire disparaître les sources. L'exemple de La Joconde est particulièrement intéressant. Un prototype de leds RVB a été développé en collaboration avec des laboratoires français, russe et ukrainiens. Ce dispositif éclaire parfaitement le tableau, sans éblouissement, et avec un faisceau spécial qui tient compte de la distance importante entre le spot et la peinture de Léonard de Vinci. Les couleurs des leds sont réglées de manière à tenir compte de la vitre antiballes qui protège le tableau et restituer correctement les couleurs de la toile. De même, pour la Vénus de Milo, des gobos ont été mis en place pour adapter l'éclairage à la statue. Le public circule autour sans être ébloui et le flux tombe exactement sur les formes de la sculpture. L'éclairage participe ainsi activement à sa mise en valeur.

La problématique est encore différente pour les vitrines. Les sources sont en général situées à l'intérieur, afin d'éviter les ombres projetées sur les armatures. Nous venons de remplacer l'éclairage des vitrines Charles x, qui renferment des objets égyptiens aux pigments organiques. Des leds ont succédé aux tubes fluos et halogènes qui chauffaient et pouvait provoquer une certaine dégradation. Grâce à elles, la température de couleur peut varier en fonction des objets et il y a moins de dégagement de chaleur. Ce système réduit les opérations de maintenance. Un avantage d'autant plus important que toute intervention à proximité des œuvres nécessite la présence de leur conservateur, pour des raisons de sécurité. Or, il s'agit de personnes très sollicitées, qui peuvent être en déplacement sur de longues périodes.

Travailler dans un monument historique complique aussi les installations, le passage de câbles, etc. Nous profitons de trois niveaux de sous-sols depuis l'aménagement de la pyramide en 1983 : le couloir des ateliers, la voie de desserte interne d'environ 2 km et le radier dévolu à la circulation du réseau fluide. L'ensemble est complété par des colonnes techniques toujours dissimulées, dans lesquelles passent la plupart des réseaux. Dans les salles d'expositions, les cimaises dissimulent le passage des câbles.

Enfin, une question spécifique au Louvre concerne les escaliers. Le musée en compte une quarantaine, dont la majorité sont des escaliers historiques monumentaux. Notre objectif est de prévenir les chutes de visiteurs, sans les éblouir. Les sources sont installées à des hauteurs de 10 à 12 m, des hauteurs où l'intervention est malaisée. Nous avons donc choisi de surdimensionner les installations d'éclairage, afin d'espacer les opérations de maintenance.

MULTIMEDIA

Comment sont utilisées ces installations ?

Agnès Alfandari : Grâce au multimédia, nous allons vers une plus grande accessibilité et démocratisation du patrimoine. C'est l'objectif avec les audioguides qui facilitent la scénarisation des parcours pour enfants. Mais c'est surtout le cas du Museum Lab, un projet développé en ce moment en partenariat avec Dai Nippon Printing (DNP) qui vise à utiliser les nouvelles technologies pour l'appréhension et la compréhension des œuvres d'art. La boîte immersive a été expérimentée avec le tableau de Titien, « La vierge au lapin ». Le visiteur qui n'a besoin d'aucun pré-requis culturel éprouve la sensation de pénétrer dans l'œuvre. Un dispositif de loupe s'arrête sur les détails. Le Museum Lab propose un nouveau type d'exposition, où sont présentées une œuvre ou un petit groupe d'œuvres accompagné d'une dizaine de dispositifs multimédia. Six présentations ont déjà eu lieu allant du simple écran tactile à des espaces immersifs faisant appel à des technologies variées : réalité augmentée, capteurs sensoriels, RFID, projection, 3D. Le Museum Lab pourrait être une réponse aux défis que constitue la gestion d'un flux important de visiteurs, la nécessité du multilinguisme et l'accessibilité intellectuelle et physique. Le multimédia est aujourd'hui intégré de fait, dès qu'il s'agit de repenser un espace du musée. De grands projets sont ainsi à l'étude pour les futures salles des arts de l'Islam et les salles des objets d'arts du xviiie siècle.

DEVELOPPEMENT DURABLE

Comment faire des économies d'énergie ?

B. B. : Les économies d'énergie sont basées sur la gestion technique centralisée du bâtiment. Comme pour la plupart des musées, nous devons travailler avec les systèmes existants, parfois datés d'une trentaine ­d'années et réalisés à base d'horloges et de dispositifs propriétaires pour lesquels nous n'avons plus de maintenance. Nous avons donc commencé à homogénéiser ces installations, zone par zone. Une GTC fonctionne déjà dans la zone Richelieu, d'autres sont à l'étude pour les zones Napoléon, Denon et Sully. L'objectif est de couvrir la totalité de l'édifice en 2012. Notre système de pilotage fonctionne avec le logiciel « Panorama », qui collecte et envoie des informations via un réseau éthernet. Nous réalisons des programmations basées sur les horaires d'ouverture au public. Pour certaines œuvres fragiles, nous modulons l'éclairage en fonction de la lumière extérieure. Si elle est trop forte, des sondes commandent la fermeture des stores. À l'inverse, à la tombée de la nuit, l'allumage des tubes fluo s'effectue progressivement, de telle sorte que l'éclairage reste toujours uniforme et dans une température de couleur proche de celle de la lumière du jour. S'il est difficile de comparer les anciens systèmes avec la GTC récemment installée, nous estimons les économies à plus de 10 000 P/an.

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