Des solutions de ventilation sont de plus en plus associées à des composants de l’enveloppe. Ici, la toiture composée d’éléments creux sert au préchauffage de l’air.
FRéDéRIC DE BLAY est pneumologue et praticien hospitalier à l’hôpital universitaire de Strasbourg. Également professeur des universités, il préside la Société française d’allergologie. Pour lui, la qualité de l’air intérieur joue un rôle important dans le traitement des allergies. Il travaille avec une conseillère qui intervient chez les personnes allergiques, pour éliminer les polluants.
La qualité de l’air à l’intérieur des bâtiments commence à être prise en compte. Elle est pourtant au cœur de nombreuses problématiques, qu’il s’agisse de la santé des personnes ou de la pérennité du bâti. En effet, un air intérieur vicié et fortement chargé en humidité va condenser sur les parois les plus froides de la construction et les dégrader peu à peu. Une action qui a aussi des conséquences sur les consommations d’énergie de l’édifice. Un air intérieur de mauvaise qualité entraînera aussi des problèmes de santé chez les occupants avec une augmentation des sensibilisations aux allergènes et des symptômes d’allergies. Dans ce contexte, connaître les différents polluants et les moyens de les réduire s’impose. Des problèmes qui sont fortement liés à la conception des bâtiments et des réseaux de ventilation, mais aussi à leur entretien et au mode d’habiter aujourd’hui.
TYPOLOGIE Quels sont les principaux polluants de l’air intérieur ?
Frédéric de Blay : Les polluants de l’air intérieur sont spécifiques et beaucoup moins médiatisés que ceux de l’air extérieur. Les études réalisées par l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (Oqai) ont mis en évidence la présence à l’intérieur des constructions de nombreux polluants particuliers. Ils se classent en deux catégories, les organiques et les chimiques. Les premiers regroupent les acariens, dont le développement optimal s’effectue à une température comprise entre 15 et 25 °C avec une humidité relative comprise entre 65 et 80 %. Ils comprennent également les allergènes d’animaux domestiques, de blattes ou de plantes. Soit des substances étrangères capables de déclencher une réaction allergique lorsqu’elles sont en contact avec le système immunitaire. Les endotoxines se classent également parmi les polluants organiques. Elles constituent la paroi de certaines bactéries et sont susceptibles de générer des inflammations bronchiques. Enfin, les moisissures d’origine environnementale sont introduites dans les logements, sous forme de spores, par les occupants, la poussière et les matériaux contaminés. Les pièces humides ou mal ventilées, des zones mal isolées ou comportant des ponts thermiques constituent ensuite des lieux propices à leur développement. Ces champignons microscopiques sont capables de coloniser toutes sortes de supports, qu’il s’agisse de bois, tissus, papier, produits alimentaires, etc. à condition d’y trouver suffisamment d’humidité et de nutriments. Elles peuvent libérer dans l’air des spores en grande quantité et/ou des substances odorantes, voire toxiques tels que mycotoxines ou composés organiques volatils. D’où la nécessité d’empêcher également les trop fortes concentrations d’humidité dans les constructions. Les polluants chimiques comprennent les composés organiques volatils (COV), dont le plus connu est le formaldéhyde. Il est présent dans de très nombreux produits d’usage courant, tels que colles, mousses isolantes, laques, vernis, encres, résines, la plupart des bois agglomérés et contreplaqués etc. Les COV comprennent également les produits des familles des benzènes, des toluènes et des xylènes, dont le tétrachloroéthylène, présent dans les moquettes et les tapis. Parmi les polluants chimiques, il y a également les oxydes d’azote (NO), souvent issus des appareils fonctionnant au gaz et, enfin, le principal polluant : la fumée de cigarette.
DÉFINITION Sur quels critères affirmer que l’air intérieur d’un bâtiment est sain ?
F. D. B. : Il s’agit à chaque fois d’un équilibre entre un environnement et un hôte donné. Dans certains cas, l’hôte est une personne allergique, qui présente des signes cliniques en présence de certains allergènes : irritations des muqueuses, asthme, etc. L’air est considéré comme sain lorsque ce patient n’a pas de réaction allergique. L’allergie est un phénomène qui concerne potentiellement 30 % de la population française.
Dans les autres cas, un air est jugé sain si des personnes non-allergiques ne sont pas mises en contact avec des polluants susceptibles de provoquer une réaction toxique. La plupart des polluants de l’air intérieur ne sont pas soumis à des seuils de concentration maximum.
C’est le cas pour la plupart des polluants organiques, à l’exception des acariens pour lesquels une limite a été proposée à 2 µ/g d’allergène majeur par gramme de poussière. En matière de polluants chimiques, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fixe des seuils pour le formaldéhyde, qui est limité à 0,1 mg/m3 pour une exposition de 30 minutes.
Pour la même durée, le seuil de monoxyde de carbone est fixé à 60 mg/m3.
MéTHODOLOGIE Comment améliorer la qualité de l’air intérieur ?
F. D. B. : Plusieurs solutions sont possibles en fonction du bâtiment, à construire ou existant, et des modes de vie des habitants. Dans le cas d’une construction neuve, il est possible de choisir des matériaux de construction, des équipements, des produits de finition et d’ameublement qui n’émettent pas ou peu de COV. La conception, l’isolation et l’étanchéité de la toiture comme du sous-sol sont des éléments clés. En matière de finition, le carrelage est un revêtement de sol totalement inerte, les planchers massifs peuvent être vitrifiés avec des solvants en phase aqueuse. Les labels environnementaux, comme le « NF Européen », l’Eco label ou les produits certifiés « Blauer Angel » (ange bleu), en Allemagne, sont des gages de qualité. Les pictogrammes facilement identifiables facilitent leur choix. Enfin, nous recommandons d’utiliser les fiches de données de sécurité (FDS). Ces formulaires contiennent les données relatives aux propriétés physiques, à la toxicité, aux effets sur la santé, etc. d’une substance chimique. Leur conception est régie par la Directive européenne Reach (Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques). Les fabricants ou les distributeurs de ces produits ont l’obligation de les tenir à disposition des clients. Construire toute une maison en utilisant des produits neutres chimiquement ou peu émissif est donc possible.
Dans une construction existante, la réduction des polluants dans l’air intérieur passe davantage par l’aération, la ventilation et l’entretien des VMC quand elles existent. Elles sont parfois installées par les occupants eux-mêmes sans respect des conditions de pose ou des pré-requis comme le vide sous les portes pour la circulation de l’air. Aujourd’hui, la question de la ventilation est étroitement liée aux dépenses énergétiques. Augmenter la température de 1 °C signifie augmenter la facture énergétique de 7 %, d’où l’importance de trouver le bon équilibre entre les différents paramètres. La ventilation sert également à évacuer le radon dans les régions où ce gaz radioactif inodore et incolore est naturellement présent. À l’extérieur, les niveaux de radon sont généralement faibles en raison de sa dilution dans l’air. L’exposition survient surtout à l’intérieur des bâtiments en raison du confinement. Dans les régions concernées comme la Bretagne, la Corse, le Massif central et les Vosges, des mesures simples suffisent, comme une bonne étanchéité entre le sol et le bâtiment et un renouvellement correct de l’air intérieur.
ÉVICTION Quelle est la démarche à suivre pour les personnes allergiques ?
F. D. B. : L’enjeu pour les allergiques est différent. Déjà sensibilisés, ces patients ont besoin de vivre dans l’ambiance la plus saine possible. La première étape consiste à identifier les polluants et à mesurer le niveau d’exposition. Pour que cette démarche soit réellement efficace, je travaille depuis 1991 avec Mme Martine Ott, conseillère médicale en environnement intérieur (CMEI). Elle intervient sur prescription médicale et mène une véritable enquête au domicile et sur le lieu de travail des patients afin d’identifier les polluants. Elle propose ensuite des mesures d’éviction adaptées au patient et à son mode de vie. Par exemple, si l’allergène provient des moisissures, elle recherche leur origine (remontées capillaires, infiltrations, condensation ou manque d’aération) et propose ensuite un protocole adapté. Comme tous les CMEI, Mme Ott a suivi le cursus universitaire mis en place à Strasbourg. La France compte 65 diplômés de cette licence professionnelle unique, dont les trois quarts travaillent avec des médecins. L’efficacité et l’utilité de leur travail ont été validées par deux études scientifiques qui mettent en lumière l’amélioration nette de la vie des patients.
Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, j’ai proposé que chaque département emploie deux CMEI. Cette mesure simple permettrait d’améliorer de façon significative le travail des médecins, qu’ils soient généralistes ou allergologues, et la qualité de vie des personnes allergiques.