Permis d'expérimenter : le projet d’ordonnance mis en consultation publique

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Permis d'expérimenter : le projet d’ordonnance mis en consultation publique

Prévue par la loi Confiance du 10 août dernier, l’ordonnance permettra aux maîtres d’ouvrage de déroger à de nombreuses normes de construction. La mouture soumise par le gouvernement à l'avis du public est très proche du projet que « Le Moniteur » dévoilait cet été. (Un article de nos confrères du Moniteur)

Si le BTP ne devait retenir qu’une mesure de la loi pour un Etat au service d’une société de confiance publiée le 11 août, ce serait sans aucun doute celle-ci : l’habilitation du gouvernement à libéraliser, par ordonnances, l’application des règles constructives. Le dispositif prévu par l’article 49 de la loi est à double détente. Une première ordonnance doit intervenir avant le 11 novembre pour autoriser des dérogations à certaines normes. Une seconde viendra, d’ici à début 2020, généraliser le droit de déroger et réécrire, dans cette optique, toute une partie du Code de la construction et de l’habitation.

C’est cette première ordonnance dont le ministère de la Transition écologique et solidaire soumet, du 21 septembre au 11 octobre, le projet à consultation. « Le Moniteur » vous en dévoilait les grandes lignes dès le 16 août. Le texte a peu évolué entretemps. Deux grandes différences à noter cependant par rapport à la version provisoire divulguée cet été : le dispositif, alors désigné sous l’expression « permis d’expérimenter », est finalement débaptisé dans le projet final. Reste à voir si la pratique utilisera néanmoins cette appellation, ou une autre telle que permis d’innover ou permis de déroger…

Insectes xylophages et prévention du risque sismique

Seconde différence : la liste des normes auxquelles il sera possible de déroger a sensiblement changé. Si les dispositions constructives relatives à l’amiante, le plomb, la qualité de l’eau ou encore la décence ne figurent plus dans le projet, celles relatives à la protection contre les insectes xylophages ou à la prévention du risque sismique ou cyclonique y font leur apparition.

Voici ce qu’il faut retenir de cette future "ordonnance visant à favoriser l'innovation technique et architecturale", qui abrogera l’article 88, I de la loi LCAP du 7 juillet 2016 créant le permis de faire (celui-ci cédant la place à ce nouveau dispositif).

Un champ d’application vaste


Le champ d’application du permis d’expérimenter se veut très large. Aux termes du projet de texte (articles 1 et 2), il pourra être utilisé par tout maître d’ouvrage d’une opération de construction nécessitant une autorisation d’urbanisme (permis de construire, d’aménager ou de démolir, déclaration préalable), ou une autorisation spécifique aux ERP ou aux monuments historiques.

Champ large également, du point de vue des dispositions constructives concernées (art. 3), qui porteront sur :
* la sécurité et la protection contre l’incendie (en ce qui concerne la résistance au feu et au désenfumage, et seulement pour les bâtiments d’habitation et les établissements recevant des travailleurs) ;
* l’aération des bâtiments d’habitation ;
* l’accessibilité du cadre bâti ;
* la performance énergétique et environnementale ;
* les caractéristiques acoustiques ;
* la construction à proximité de forêts ;
* la protection contre les insectes xylophages ;
* la prévention du risque sismique ou cyclonique ;
* les matériaux et leur réemploi ;
* et enfin, les dispositions relatives à la plupart des territoires ultramarins.

Dernière précision, le recours au permis d’expérimenter supposera, comme le prévoit la loi Confiance, la mise en œuvre de moyens « présentant un caractère innovant ». Le projet d’ordonnance (art. 1er) précisant qu’est considéré comme tel « tout moyen dont la mise en œuvre n’est pas prévue par les dispositions constructives législatives et réglementaires applicables à l’opération ». Soit une définition de l’innovation large, elle aussi !

Une mission d’ «attestation d’effet équivalent» confiée à une liste de personnes habilitées


Les maîtres d’ouvrage souhaitant profiter du permis d’expérimenter devront, selon la future ordonnance, obtenir une « attestation d’effet équivalent ». Ce document établira que la « solution d’effet équivalent » qui sera mise en œuvre permettra d’obtenir des « résultats équivalents à ceux découlant de l’application des dispositions constructives auxquelles il est dérogé » (art. 1 et 4).

Les personnes habilitées à délivrer cette attestation, et qui devront être assurées en responsabilité civile pour ce faire, sont désignées par l’article 5 du texte. Elles diffèrent selon les normes desquelles on souhaite s’écarter.
Ainsi, concernant la sécurité et la protection contre l’incendie, sont visés les laboratoires agréés et organismes reconnus compétents en la matière.
Pour toutes les autres normes, le maître d’ouvrage pourra se tourner vers le CSTB, le Cerema, ou un contrôleur technique agréé dans le domaine touché par la solution d’effet équivalent. En sus, pour les règles relatives à l’aération, l’accessibilité, la performance énergétique, l’acoustique et celles applicables outre-mer, les attestations peuvent aussi être obtenues auprès du détenteur d’un certificat de qualification en matière de maîtrise d’œuvre dans le domaine visé.
Dans tous les cas, l’indépendance et l’impartialité de l’organisme à l’égard des acteurs du projet (maître d’ouvrage, maître d’œuvre, entreprises…) devront être garanties.

Un dossier complet à fournir

La demande d’attestation d’effet équivalent se fera par le biais d’un dossier dont les pièces sont listées à l’article 6 du projet. Certaines permettront de décrire le projet de construction et de justifier du caractère innovant de la solution proposée. D’autres se rapportent aux conditions de réalisation dudit projet : normes pour lesquelles une dérogation est demandée, résultats attendus, preuve de ce que la solution permettra d’atteindre ces objectifs, ou encore « démonstration selon laquelle la solution proposée ne porte pas atteinte au respect des autres dispositions applicables à l’opération, notamment celles relatives à la santé et à la sécurité ».
Enfin, devront figurer au dossier les pièces relatives aux modalités de contrôle, le maître d’ouvrage étant tenu d’arrêter un protocole pour vérifier tout au long de l’opération que les moyens promis sont effectivement mis en œuvre.

L’organisme choisi dans la liste des personnes compétentes produira sur la base de ce dossier un rapport d’analyse, et, s’il valide les moyens proposés par le maître d’ouvrage, une attestation d’effet équivalent (art. 7). Ces documents, ainsi que le dossier lui-même, devront être tenus à la disposition de l’administration pendant les dix ans suivant la réception des travaux.

Une fois doté de son attestation, le maître d’ouvrage devra la joindre à sa demande d’autorisation d’urbanisme (ou demande ERP ou monuments historiques). Le projet d’ordonnance (art. 4) dispose alors que l’autorité compétente ne pourra en principe opposer un refus ou un sursis à statuer qui serait fondé sur les solutions d’effet équivalent proposées.

Un contrôle jusqu’à l’achèvement… voire trois ans après


La confiance n’excluant pas le contrôle, la loi du même nom a imposé au gouvernement de prévoir dans son ordonnance des modalités de vérification de la bonne réalisation des opérations. Le projet (art. 9) confie donc au contrôleur technique une mission de contrôle de la mise en œuvre des solutions innovantes proposées jusqu’à l’achèvement des travaux. Cela donnera lieu à une attestation, à annexer à la déclaration d’achèvement des travaux.

En outre, le respect du permis d’expérimenter pourra être vérifié au travers du contrôle des règles de la construction prévu à l’article L. 151-1 du Code de la construction et de l’habitation. Selon cette disposition, les autorités compétentes (préfet, maire…) peuvent (mais cela n’est pas systématique), pendant la réalisation d’un projet et les trois années suivant son achèvement, visiter l’opération, procéder aux vérifications qu'ils jugent utiles et se faire communiquer tous documents techniques.

Entrée en vigueur immédiate, pour dix-huit mois

Les intéressés sont à présent invités à faire connaître leurs observations sur ce projet d’ordonnance d’ici au 11 octobre. Une fois le texte publié au "JO", il entrera en vigueur immédiatement pour les nouvelles demandes de permis et autres autorisations. Un décret viendra compléter cet édifice en précisant les « modalités relatives à la capitalisation et à la transmission des données des opérations ayant eu recours à une solution d’effet équivalent ».

Cela permettra d’évaluer le succès et la mise en œuvre de ce dispositif, qui constitue une sorte de galop d’essai, puisqu’il s’effacera en 2020 devant le droit à déroger généralisé, objet de la seconde ordonnance.

Sophie d'Auzon

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