Paroi moulée, une technique de soutènement multi-usage

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Paroi moulée, une technique de soutènement multi-usage

Infrastructure de soutènement, tenue des terres, sécurisation des immeubles mitoyens... la technique des parois moulées s’est développée avec la densification des villes et la multiplication des infrastructures souterraines. Le point sur une technique mature sans grande limite d’emploi.

La paroi moulée est utilisée principalement pour construire des enceintes souterraines relativement étanches - type parking, fosse, bassin de stockage - situées sous le niveau de la nappe phréatique. Mais aussi pour la réalisation de structures de soutènement de hauteur importante, nécessitant une grande inertie.

Dans cette seconde configuration, la paroi moulée reprend la poussée des terres et de l’eau, en limitant les venues d’eau par le fond de fouille. Elle s’emploie également dans les cas de fortes contraintes environnementales, afin de sécuriser des bâtiments mitoyens ou à proximité d’ouvrages sensibles, à l’instar de voies ferroviaires ou de collecteurs. La technologie permet, par ailleurs, de réaliser des barrettes de fondation à l’exemple des tours jumelles Petronas à Kuala Lumpur (Malaisie). « La géologie était caractérisée par la présence de zones karstiques, et il fallait donc aller au-delà de ces terrains, explique Stéphane Monleau, directeur marketing de Solétanche-Bachy. Pour ce faire, nous avons réalisé 208 barrettes de 120 cm d’épaisseur, descendant jusqu’à 126,50 m de profondeur, sur lesquelles sont fondés les deux bâtiments de 452 m de hauteur. »

Bennes, rotoforeuse, cutter et autre hydrofraise

La méthode de la paroi moulée consiste à réaliser des panneaux de grande hauteur (voir encadré), en béton armé coulé dans le sol, le maintien de l’excavation étant assuré, durant le forage, par une boue thixotropique de type bentonite ciment (mélange d’argile traitée et d’eau). Le forage de ces panneaux, dont l’épaisseur varie couramment de 52 à 152 cm s’effectue par extraction du terrain, par l’intermédiaire de deux types de machines :
1. Les bennes à câble ou hydraulique : avec ces machines, les terrains durs ou les obstacles sont fracturés au moyen d’un trépan lourd suspendu à l’un des deux câbles de forage. Les déblais sont ensuite versés dans des camions, puis transportés jusqu’à une fosse de décantation. Le forage progresse par séquences, au cours desquelles l’outil est alternativement descendu puis remonté.
2. Des machines à roues dentées : chaque fabricant a développé son propre engin qui s’appelle au choix « hydrofraise » chez Solétanche-Bachy, « rotoforeuse » chez Spie Fondations ou encore « cutter » chez Sefi-Intrafor. Dans ce cas, le terrain est découpé et broyé, puis aspiré, en continu (contrairement à la benne). Les « cuttings » sont mélangés à la boue au moyen des pompes situées à la base des outils. Le mélange résultant est ensuite refoulé vers une unité de recyclage. Sa fonction est de régénérer la boue chargée, en éliminant de celle-ci les particules de terrain et les fines. Les installations les plus performantes permettent de les traiter jusqu’à une taille de 50 microns.
Dans les deux cas il faut, une fois le panneau excavé et avant bétonnage, substituer de la boue « propre » à la boue salie, « afin d’éviter tout risque de voir les particules de terrain se mélanger au béton, et donc de le polluer », explique Olivier de Vriendt, chef de service Parois moulées chez Spie Fondations.
Première grosse différence donc entre bennes et machines de forage type fraise : des installations beaucoup plus lourdes et complexes pour les secondes, et donc plus onéreuses, puisque c’est l’ensemble des déblais qui revient à la centrale et non pas seulement la boue. « Même en faisant abstraction du coût supérieur des centrales, l’utilisation de la fraise se révèle toujours plus onéreuse », poursuit Olivier de Vriendt.

La fraise pour les environnements difficiles

Le recours à cette solution est donc réservé au cas des terrains durs, ne pouvant être franchis en trépanant, ou situés dans des environnements sensibles, comme en zone urbaine (voir encadré). Dans ce cas, la présence de bâtiments mitoyens, par exemple, interdit toute vibration.
Quelle que soit la méthode, le mode opératoire débute par la réalisation de murettes-guides, ouvrages en béton parallèles qui font environ 20 cm d’épaisseur et 80 cm de hauteur. Comme leur nom l’indique : « Ceux-ci servent à guider l’outil au démarrage, explique Frédéric Lamotte, responsable du secteur parois moulées de Sefi-Intrafor. Mais aussi à matérialiser l’implantation de la paroi, et donc à garantir le bon alignement des panneaux. Enfin, ils constituent un appui stable pour les opérations délicates comme le maintien des cages d’armatures. » Pour un panneau classique qui mesure entre 6,20 et 7,20 m de profondeur, le forage s’effectue en deux passes de 2,80 m avec un merlon central variant de 0,60 à 1,60 m. Quand l’excavation du panneau est achevée, particulièrement lorsque celui-ci est assez large, « Nous sommes en présence d’une fouille ouverte qui peut être source de problèmes de sécurité pour le personnel, commente Olivier de Vriendt. C’est pourquoi nous avons récemment mis au point un outil d’utilisation simple qui ne nuit aucunement à la productivité. Il s’agit d’un platelage métallique, muni de barrières, qui permet de sécuriser la zone et d’éviter tout risque de chute dans la fouille ». Un coffrage métallique provisoire, sorte de palplanche portant dans sa gorge un joint d’étanchéité Waterstop (positionné côté intérieur au panneau excavé dit « primaire »), est ensuite installé à chaque extrémité.

Une paroi parfaitement continue

Les cages d’armature sont ensuite installées et calées à l’aide des murettes-guides, à l’intérieur de l’excavation. Elles peuvent être équipées de tubes de réservation attachés aux aciers et susceptibles de servir pour des auscultations non-destructives du béton, ou pour effectuer des forages et injections en pied de paroi. Ces cages sont mises en place en une ou plusieurs parties, à l’aide d’une grue de manutention. Leur assemblage peut s’effectuer in situ, si l’espace est suffisant, ou en atelier. Le bétonnage du panneau s’effectue ensuite par l’intermédiaire de tubes plongeurs, descendus jusqu’au fond du forage et équipés d’entonnoirs dans lesquels les toupies déversent directement le béton. Au fur et à mesure de la montée du béton, la boue bentonitique est évacuée par pompage vers la centrale à boue, afin d’y être recyclée. Soit le béton est remonté jusqu’au niveau des murettes guides, dans ce cas on peut le laisser déborder pour enlever la partie supérieure polluée par la remontée dans le forage. Soit le bétonnage est arrêté plus bas, en arase basse, et il faudra alors recéper ultérieurement le haut du panneau. Le contrôle de la qualité du bétonnage peut être réalisé à l’aide d’essais soniques.
Le panneau secondaire, situé entre deux panneaux primaires consécutifs, est ensuite excavé selon les mêmes méthodes. Lors de l’excavation, l’outil de forage (benne ou fraise) glisse le long des coffrages d’about précédemment mis en œuvre, ceux-ci jouant donc le rôle de guide garantissant la continuité d’un élément sur l’autre. Il le décolle également du panneau primaire - le joint d’étanchéité restant ainsi prisonnier de ce dernier - par l’intermédiaire de crochets, au fur et à mesure de sa progression. « Nous avons conçu notre propre dispositif breveté qui évite ce procédé d’arrachage, commente Olivier de Vriendt. Le décoffrage s’effectue à l’aide de vérins incorporés à la palplanche, ce qui permet de les décoffrer de façon uniforme, et donc d’éviter tout risque d’endommagement du joint d’étanchéité. »

Un soutènement presque obligatoire

En effet, avec ce système le coffrage n’est pas « arraché », mais écarté du béton par l’intermédiaire de petits vérins hydrauliques. Les terrassements de la fouille, à l’intérieur de la boîte formée par la paroi moulée, peuvent ensuite démarrer après bétonnage d’une poutre de couronnement liaisonnant l’ensemble de la structure. Ces travaux nécessitent, le plus souvent, la mise en œuvre de soutènements provisoires, afin d’assurer la stabilité de la paroi, les seules configurations où celle-ci se révèle autostable étant le cas des fouilles peu profondes ou circulaires.
1. Le soutènement peut s’opérer au moyen de butons (poutres ou tubes) métalliques, horizontaux ou inclinés, mis en place au fur et à mesure de l’avancement.
Ils présentent l’avantage de rester à l’intérieur de l’emprise du chantier, « Mais peuvent rapidement s’avérer très pénalisants en raison, d’une part, des contraintes liées au phasage et, d’autre part, des problèmes de gêne liés à leur encombrement », souligne Frédéric Lamotte.
2. D’où l’intérêt de la seconde technique qui consiste à mettre en place des tirants d’ancrage, derrière la paroi, à condition de disposer d’assez d’espace libre à l’extérieur de la fouille, des autorisations correspondantes, mais aussi de terrains offrant les caractéristiques mécaniques suffisantes pour permettre ce type de solution. Dans la pratique il s’agit d’une barre unique ou d’un faisceau de câbles précontraints, dont une extrémité est scellée au terrain, l’autre comportant une tête d’ancrage qui transmet les forces de traction de l’armature à la paroi. « Ces tirants d’ancrage sont le plus souvent provisoires, poursuit Frédéric Lamotte. Puisque le maintien de la paroi est ensuite assuré par les planchers horizontaux en phase définitive. » Mais pour des ouvrages qui comportent de grandes hauteurs sans planchers (salles de spectacles souterraines, stations ferroviaires enterrées ou des trémies SNCF ou routières) ces tirants sont laissés en place.
3. Autre option, très intéressante en termes de gains de délais : la construction dite « en taupe » ou « Top and Down ». Les éléments butonnants de l’infrastructure définitive sont alors réalisés en descendant, au fur et à mesure des terrassements. Les planchers sont donc coulés du haut vers le bas concomitamment aux travaux d’exécution de la paroi moulée, en venant s’accrocher à des poteaux « préfondés » coulés précédemment. Difficulté principale : des exigences de verticalité très fortes lors de l’exécution de ces poteaux.
4. Lorsque ces méthodes ne sont pas applicables, il est possible d’accroître l’inertie de la paroi, en augmentant l’épaisseur des panneaux dans la limite des possibilités techniques et économiques. « On peut aussi avoir recours à des parois en T, explique Stéphane Monleau. La paroi comporte alors, côté fouille, une face plane à laquelle vient se liaisonner, perpendiculairement, une barrette. » Cette solution est intéressante dans le cas d’ouvrages de grandes hauteurs sans appuis intermédiaires. Une fois la fouille terrassée, la paroi moulée est rabotée, afin d’éliminer les plus gros défauts. D’autres travaux de finition (désactivation des tirants et cachetage des réservations) peuvent également s’avérer nécessaires.

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