Le volume imposant du hall d’entrée, positionné centralement, dessert les zones de cure et hors-cure. (Doc. Erick Saillet.)
La nouvelle répartition spatiale de l’établissement thermal d’Aix-les-Bains est basée sur des unités de soins compactes, desservies par des galeries. Cet exemple montre comment optimiser le parcours de chaque curiste, en fonction d’un programme de soins personnalisé.
La station thermale d’Aix-les-Bains (Savoie), déjà connue des Gallo-Romains pour la vertu de ses eaux soufrées, a la particularité de soigner les affections rhumatismales (douleurs des os et des articulations). Au xviiie siècle, l’agencement architectural conçu par Victor-Amédée III, se calque sur les fameux thermes de Caracalla de Rome, en version réduite. À côté des Anciens thermes, devenus vétustes, les nouveaux thermes de Chevalley (1) font l’objet d’une restructuration en complément. Dominé par le mont Revard, l’édifice s’étage sur la colline, pour mieux dominer la ville et le lac du Bourget. Implanté parallèlement à la pente du terrain, le plan s’organise suivant trois plateaux, d’environ 20 m de large, desservis par trois galeries transversales de 125 m de longueur qui se développent sous un faux plafond en staff. Orientées est-ouest, ces galeries sont fortement ponctuées par une succession de neuf édicules identiques, disposés tous les 10 m. La structure de ces éléments marquants est constituée de tabourets cubiques en béton armé, de 4 m de côté, composés de quatre poteaux reliés en tête par des poutres coulés sur place d’un seul tenant. Couverts d’une dalle, ils sont chapeautés par des lanterneaux vitrés, bien repérables en partie supérieure. En façade, des hublots circulaires ménagent des percées visuelles ponctuelles sur le panorama en contrebas.
Longeant la façade principale, une première galerie s’ouvre sur un immense parvis minéral traité en béton blanc. Elle permet l’accès au premier plateau par le hall d’accueil, volume sur une double hauteur situé en position centrale servant d’espace de transition entre l’extérieur et l’intérieur. Le hall dessert, en partie sud, une zone « hors cure » – destinée aussi bien aux curistes qu’au public – composée de deux piscines de détente (dont une s’ouvrant sur l’extérieur), d’un gymnase et d’un bar. Deux hammams et un sauna sont glissés sous cet espace. Au regard du succès que rencontrent ces équipements publics, il a été envisagé de créer un pôle de « bien-être », non médicalisé, qui pourrait se gérer indépendamment du reste de l’établissement. Des liaisons verticales avec l’une des unités de soins permettraient d’offrir aux clients intéressés quelques soins traitants, hors périodes de cures intensives. De l’autre côté du hall, au nord, un corps de bâtiment, un peu à part, abrite les différents services de l’administration : bureaux, salles de réunion, laboratoires, sanitaires.
Pour chaque curiste, un circuit compact et simplifié
En terme de flux, le grand changement dans la conception globale du projet porte sur un regroupement des soins, au sein de chaque unité de soins. Auparavant, ceux-ci étaient dispersés dans tout l’établissement, ce qui entraînait une gêne pour les curistes, obligés de parcourir de longues distances. L’édifice centralise trois unités de soins complètement symétriques, par rapport à un axe de composition : sachant qu’une quatrième unité, située sur la partie supérieure sud-ouest, doit être construite prochainement. Chaque unité occupe la moitié des deux plateaux supérieurs, soit les premier et troisième niveaux. Glissé sous chaque unité de soins, un étage technique accueille la multitude d’évacuations et de branchements indispensables à ces locaux. La présence des 3 patios (1 central et 2 petits), à traitement végétal ou minéral, apporte une lumière et une respiration, indispensables aux divers espaces de cure. Chacun des 2 400 curistes que peut accueillir l’établissement thermal est affecté à sa propre unité de soins pour toute la durée de son séjour. Son cheminement est presque toujours identique. Il pénètre dans le hall d’entrée, emprunte un escalier et se dirige vers la seconde galerie pour entrer dans un vestiaire et y enfiler un peignoir. Ensuite, il accède à la troisième galerie et s’arrête à la banque d’accueil où il est orienté pour le programme journalier des soins. Pour effectuer son premier soin, il gagne le troisième plateau du « quartier des boues » et s’installe pour y subir une application d’argile dans une cabine dotée d’un lit et d’une douche. Il peut aussi entrer dans une autre cabine équipée de jets d’eau et de vapeur, pour un soin spécifique des mains et des pieds. Le « Berthollaix » dispense d’autres soins, avec la production d’une brume saturée chaude utilisée pour des applications locales. Il y a également des baignoires bouillonnantes d’eau chaude et des douches d’hydro-massage où le patient, allongé sur une table reçoit des jets d’eau, pendant qu’un kinésithérapeute pratique un massage. Puis, le curiste se dirige vers le second plateau qui réunit trois piscines de soin, à immersion. Un premier bassin permet d’y pratiquer de la gymnastique dans l’eau. Un autre, plus petit, dispense des soins d’hydro-massage. Un troisième bassin de rééducation offre un massage de la voûte plantaire, suivant un certain parcours de marche. La dernière zone spécifique se compose d’une batterie de saunas en cabines individuelles équipées de lits de repos. Très pure, sulfurée et calcique, l’eau de cure utilisée est puisée à des profondeurs importantes de 1 100 m et 2 200 m.
Pour une eau minérale naturelle, des règles d’hygiène draconiennes
La particularité de l’activité thermale est de distribuer une eau minérale naturelle aux postes de soins. Aucun traitement bactéricide n’est autorisé pendant son transport et la réglementation, draconienne en matière d’hygiène, impose des contrôles bactériologiques, tous les mois, sur les divers postes de soins. Le respect de ces règles, doublé de l’impossibilité de traiter l’eau minérale, ont conduit à la mise en œuvre d’une gestion sanitaire très sophistiquée des réseaux. Son principe repose sur le fait que, une fois les soins terminés, de l’eau de ville chauffée à 80° C est injectée dans les réseaux et remplace l’eau minérale. Cela permet une pasteurisation, durant environ une heure. Dans les postes de soins, qui ne supportent pas la chaleur, des produits bactéricides sont ajoutés pour assurer leur désinfection. Après traitement, l’eau de ville, chaude, ayant servi à la montée en température des réseaux, ainsi que les produits bactéricides, ayant permis le traitement des postes de soins, sont évacués et remplacés par de l’eau minérale naturelle. Les cycles de soins peuvent ainsi recommencer le lendemain. La mise en œuvre de la procédure de désinfection est gérée par l’administration, avec la participation du personnel, pour pouvoir obtenir le maximum de garanties sanitaires.