Entretien

« Nous formons nos équipes au BIM au fur et à mesure que nos chantiers avancent » Alain Méjane, directeur général adjoint de Bureau Veritas Construction

Stéphanie Obadia

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« Nous formons nos équipes au BIM au fur et à mesure que nos chantiers avancent » Alain Méjane, directeur général adjoint de Bureau Veritas Construction

Après avoir signé un contrat mondial avec Microsoft sur l’intelligence artificielle, Bureau Veritas, spécialiste des essais, de l’inspection et de la certification, s’ancre toujours un peu plus dans la transformation digitale et entend saisir les nombreuses opportunités qui lui sont offertes.

En quoi les avancées réglementaires liées à la construction font-elles évoluer les missions du bureau de contrôle ?

La loi Essoc permet aux maîtres d’ouvrage de déroger à la réglementation dans un certain nombre de domaines, dont le réemploi. Dans un premier temps, la solution technique envisagée doit avoir fait l’objet d’une étude d’impact et d’une attestation d’effet équivalent (ASE) aux objectifs de la réglementation. Ensuite et dans ce cadre, cela ouvre une mission de vérificateur – complémentaire et distincte de celle de contrôleur technique – qui doit s’assurer que les moyens prévus pour accompagner cette dérogation sont mis en œuvre tout au long du processus de construction et que le protocole de contrôle prévu est bien pris en compte. Le vérificateur remet, en fin d’opération, l’attestation de mise en œuvre de solution d’effet équivalent (Amose), c’est-à-dire la bonne mise en œuvre des moyens utilisés par le maître d’ouvrage. Une opportunité pour les bureaux de contrôle qui sauront s’adapter, même si, pour l’instant, le marché reste à bien définir… Très peu de projets dérivent pour l’heure de la loi Essoc.

Et concernant l’instruction du permis de construire ?

Avec le décret d’application de la loi Élan signé le 21 mai 2019, un maire peut confier, s’il le souhaite, l’instruction du permis de construire et d’autres demandes d’autorisations d’urbanisme à un organisme externe. Nous saisissons effectivement, tout comme les autres entreprises de la Coprec, cette opportunité de proposer notre expertise technique aux collectivités et à ceux qu’elles représentent. Notre ambition est d’obtenir et de collecter les accords de chacun et d’instruire le permis de construire sur une plate-forme digitale ad hoc afin de fluidifier la délivrance des permis, qui restera néanmoins l’apanage des pouvoirs publics.

Certains redoutent de possibles conflits d’intérêts. Que répondez-vous ?

Nous sommes une entreprise indépendante. La confiance, l’intégrité, le service font partie de notre ADN. Et ce, depuis plus de cent quatre-vingt-dix ans.

Est-ce que d’autres missions sont également envisagées ?

Il est effectivement question de certifier les compétences des BIM modeleurs ou encore les maquettes numériques une fois le bâtiment achevé. La plupart du temps, les maquettes étaient laissées de côté tandis que le bâtiment prenait forme. Et les modifications n’étaient que partiellement réintroduites dans la maquette a posteriori. Nous aurons donc, à l’automne, les premiers certificats BIM « as built », c’est-à-dire « tel que construit », qui permettront de remettre la maquette au centre du jeu. Ceci sera un atout précieux pour tous les acteurs concernés par l’exploitation du bâtiment.

Le métier de contrôleur technique évolue aussi avec l’avancée du numérique….

Le numérique fait, en effet, évoluer toute la chaîne du bâtiment et l’acte de construire dans son ensemble. Prenons l’exemple de la dématérialisation, qui se généralise progressivement, même pour les petits chantiers. En interne, nous formons nos équipes au travail en mode dématérialisé depuis des années et maintenant au BIM au fur et à mesure que les chantiers se déploient avec cette technologie. Les projets BIM restent encore minoritaires : sur une centaine d’opérations, nous en avons une quarantaine en BIM, généralement de niveau 2. Et peu d’opérations en full BIM ! Mais la tendance s’inverse et les demandes sont de plus en plus nombreuses. Nous sommes prêts à agir, car nous avons développé notre propre protocole BIM pour le contrôle technique et la coordination sécurité-protection de santé (CSPS). Par ailleurs, nous équipons nos dix agences régionales de lunettes connectées pour la supervision : ainsi, par exemple, un électricien situé à La Réunion pourra être supervisé depuis Paris. Nous avons également développé nos outils de production, comme Aviso, qui permet via une analyse de documents de produire nos livrables en mode dématérialisé, de tracer et de suivre tous les actes de contrôle et de renvoyer les statuts des plans automatiquement et en temps réel vers les armoires à plans.

Les données enregistrées peuvent être exploitées par la suite afin de générer des synthèses et des statistiques pertinentes. Autre outil : iCheck, qui permet au concepteur de vérifier lui-même la conformité de la maquette (Bureau Veritas développe le contrôle en temps réel sur CTB.fr). Ce plug-in directement intégré au logiciel Revit et développé pour l’accessibilité sera étendu à la sécurité incendie à l’automne et commercialisé aux États-Unis, en Angleterre, en Chine et en Espagne. En France, il est déjà utilisé par des grands groupes. Hexaom, par exemple, le teste pour contrôler la modélisation de ses maisons individuelles (8 000 maisons par an). Il faut cependant que les données figurent dans la maquette et au bon endroit, ce qui n’est pas toujours gagné ! Des progrès sont encore à faire : mais nous sommes sur le bon chemin.

D’autres projets à l’étude ?

Nous travaillons sur l’utilisation des drones pour la reconnaissance et la traduction d’images afin de vérifier les conformités et les risques de co-activité sur chantier dans le cadre de nos missions en CSPS. Quelques points doivent être résolus comme les droits à l’image. Autre piste envisagée : celle d’utiliser la maquette pour simuler et valider par avance les étapes chantier en 4D afin d’éviter les risques sur le terrain. Nous avons trois opérations tests en France, mais c’est encore expérimental. Enfin, nous avons signé, en février, un partenariat mondial avec Microsoft, via la plateforme cloud Azure, pour développer l’usage de l’intelligence artificielle dans les essais et les procédures de tests. Un data lab composé d’experts en intelligence artificielle a d’ailleurs été mis en place. Ces « laboratoires augmentés » permettront de vérifier la conformité de matières premières vis-à-vis des normes, des réglementations ou des spécifications clients et de fournir des évaluations de risque indépendantes. Parmi les développements en cours, on compte le machine learning ou l’inspection à distance grâce à l’usage de services de reconnaissance visuelle.

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