© (Docs. Hubert d’Erceville)
Conçu il y a dix ans pour un public nombreux et exigeant, le bâtiment répond aux besoins formulés à l’époque. Même si le mobilier est contraignant et l’étanchéité capricieuse, il reste en avance sur son époque, notamment en terme d’accessibilité.
Programme Un projet ouvert à l’accueil du public
Installée au centre-ville de Narbonne (11), cette médiathèque est structurée autour d’une plaque béton. Ferraillée, coulée sur place en plancher du premier niveau sur 70 cm d’épaisseur, elle court sur toute la longueur du bâti. Côté nord-est, elle dispose en continuité d’un jardin public avec bassin d’eau. Côté sud-ouest, elle surplombe en porte-à-faux l’accueil et forme un belvédère sur le canal de La Robine.
Quatre niveaux la composent. Le sous-sol accueille un auditorium de 146 places en gradin et des locaux techniques (chaufferie gaz, traitement d’air CTA). Le rez-de-chaussée est dédié à l’accueil, la consultation des périodiques, aux expositions temporaires et aux réserves.
Le premier niveau héberge une très grande salle de consultation où tous les documents sont accessibles, un espace enfant, une zone multimédia, et les bureaux de l’administration. Le R+2, plus réduit, abrite la section musique.
Le bâti est supporté par des poteaux béton circulaires (deux rangées de 10 au centre, 1 rangée de 8 et de 7 en symétrique). Les deux façades, côté boulevards, sont réalisées en panneaux béton préfabriqué désactivé, constellés d’inserts en acier inox, alternant avec des passages en panneaux de maille inox tissée.
L’éclairage naturel est assuré : en façade sud-ouest donnant sur le canal, par un verre à vitre double filtré décoré de sérigraphies ; à l’intérieur, par des sheds installés en toiture avec désenfumage ; par quelques hublots en parois, et par trois patios creusés dans l’épaisseur du volume côté sud-est qui servent aussi d’accès pompiers.
La toiture-terrasse - fermée au public - et la structure tranchent avec l’architecture locale. Comment, à l’usage, ce superbe bâtiment répond-il au cahier des charges d’une médiathèque. Réagit-il bien aux agressions climatiques d’une zone soumise à une météorologie contrastée et capricieuse ?
État des lieux Une structure efficace, mais une mauvaise étanchéité
« Fonctionnellement, cette médiathèque répond exactement aux besoins des utilisateurs et du personnel, se réjouit Fabrice Cottier, responsable adjoint du patrimoine au Grand-Narbonne. Les importantes surfaces vitrées éclairent les espaces intérieurs. L’accueil est ouvert, libre et facile d’accès. » L’entretien ne pose pas de problème : le gros œuvre est correctement pensé et réalisé. Les matériaux ne bougent pas, les dalles, les murs travaillent dans le cadre normal. La structure est très solide, les espaces sont vastes et confortables. La climatisation et le chauffage sont bien calculés et réalisés.
C’est sur quelques finitions que les critiques se focalisent. D’abord dès la réception, avec des problèmes de ventilation : quelques conduites et échangeurs mal posés, ont été simplement déplacés. Plus complexe : des infiltrations d’eau sont apparues sur les huisseries aluminium. Là encore, la malfaçon a été corrigée lors d’une expertise qui a donné raison au maître d’ouvrage. « L’entreprise a mis la clé sous la porte après le chantier. Ils avaient oublié les joints sur les capots serreurs. »
Mais le problème récurrent est une mauvaise étanchéité en toiture. Une terrasse de ce type ne semble pas forcément adaptée aux intempéries et aux orages violents qui se produisent plusieurs fois par an dans la région. Il y a aussi la proximité des platanes, dont les feuilles et les branchages bouchent fréquemment les évacuations. La pluie stagne en toiture, l’isolant en Shingle se déforme par endroits. Il y a aussi des gonflements qui bloquent les écoulements, modifient les pentes. L’eau s’accumule, dégrade l’étanchéité, provoque des fuites qui percolent en différents endroits, parfois de façon aléatoire. À chaque fois, il est très difficile de remonter à la source, puisque le cheminement peut se faire transversalement en suivant des microfissures dans le béton des dalles, puis en suintant le long des poutres.
Bilan Un bâtiment en avance sur son temps
« Dix ans après son édification, la médiathèque reste incontestablement en avance sur son temps », juge Jean-Roch Herail, directeur général adjoint du Grand-Narbonne. En témoigne la conception d’une accessibilité innovante pour l’époque, simple et efficace, alors que la loi de février 2005 sur les obligations d’accueil des Personnes à mobilité réduite (PMR) n’était même pas votée.
Une rampe d’accès extérieure douce conduit directement au hall d’accueil, où l’ascenseur est libre d’accès. Un audit réalisé en 2009 estime qu’il n’y a pas d’équipements supplémentaires à prévoir à ceux prévus par l’architecte, seuls quelques travaux de signalétique sont prévus avant l’échéance de 2015. Du reste, l’accueil est particulièrement soigné, direct, sans guichet ni banque d’accueil barrant le passage. La réception des lecteurs se fait sur le côté, ce qui évite aussi les courants d’air pour le personnel. C’est aussi une invitation au public à rejoindre les espaces, prendre l’escalier, sans ouvrir de porte, parfaitement dans l’esprit d’une médiathèque. À l’inverse, plusieurs espaces n’ont pas trouvé le rôle qui leur avait été imaginé à l’époque. C’est le cas de « L’Ile à lire », local ouvert de 40 m² situé sur le bassin extérieur, au fond des salles de lecture. Réalisé en claires-voies de pierres grises qui ressemblent à des meurtrières, il était destiné à des animations pour les juniors. Mais la zone située entre les deux boulevards encadrant la médiathèque est bruyante, facilite le vol de documents, et est trop chaude en été et glacée en hiver. Enfin dangereuse, car les enfants peuvent se blesser en passant les mains dans les ouvertures.
Autre espace non-utilisé : la terrasse couverte située au-dessus du belvédère de l’entrée. Ce patio, abrité du soleil, qui court sur toute la largeur du bâtiment ne possède qu’une seule petite porte d’accès. La sécurité n’y est donc pas suffisante pour l’accueil du public. Dommage. Cela aurait pu être un lieu de détente pour boire un verre, ou prendre l’air extérieur.