Marseille s'offre une cure de thalassothermie

Virginie Pavie
Marseille s'offre une cure de thalassothermie

Le local source abritera le pompage de l'eau de mer et l'échange thermique avec la boucle d'eau douce.

© V. Pavie

Le nouvel écoquartier Smartseille, dans les quartiers nord de la ville, est desservi par un réseau d'eau douce tempérée régulé thermiquement par une boucle d'eau de mer. Celle-ci assure le chauffage, l'ECS et la climatisation.

Utiliser l'eau de mer comme source d'énergie renouvelable pour chauffer, rafraîchir ou produire de l'ECS : cette idée, déjà mise en œuvre sur des projets pilotes, comme le Mucem ou le Grimaldi Forum, est aujourd'hui appliquée à plus grande échelle sur Smartseille, le nouvel écoquartier de Marseille. En cours de construction sur l'îlot Allar, au cœur du périmètre d'Euromed 2, ce dernier compte déjà un hôtel en fonctionnement et devrait accueillir d'ici à 2018 quelque 58 000 m 2 de planchers de bureaux, logements, hôtels et résidences pour personnes âgées.

L' écoquartier Smartseille se déploiera sur plus de 58 000 m2 , avec bureaux, logements et hôtels. ©Dalkia

L'eau, puisée entre 12 °C et 25 °C, est rejetée avec un différentiel de 5 °C

Le réseau de chaleur est initié par Optimal Solutions (filiale de Dalkia), Eiffage Immobilier Méditerranée et Phosphore, son laboratoire de prospective sur l'aménagement urbain durable, l'aménageur Euroméditerranée et la Ville de Marseille. Il est réalisé par EDF Optimal Solutions, qui en assurera l'exploitation sur une durée de vingt-sept ans. Reposant sur une boucle d'eau de mer, le principe consiste à puiser de l'eau dans le port de Marseille à une température comprise entre 12 et 25 °C et à la rejeter avec un différentiel thermique d'environ 5 °C après échange thermique avec un réseau d'eau douce tempéré. Ce dernier est lui-même en contact avec un réseau interne mettant en relation les différents bâtiments de l'îlot.

Principe de fonctionnement de la thalassothermie. ©Addict

Dans le détail, l'eau est captée à une profondeur de 7 m par un tube de 1 200 mm de diamètre, 3 /h, filtrée par un dégrilleur et un filtre à particules avant de passer dans des échangeurs à plaques en titane, puis rejetée de l'autre côté du quai. De part et d'autre du quai, des ouvrages en béton permettent de casser les remous provoqués par le pompage.

L'échange thermique réalisé au niveau du local source sert à réguler une boucle d'eau douce tempérée qui fait le lien entre la mer et l'îlot Allar. D'une longueur totale de 1 400 m, elle est composée de deux tubes PEHD de diamètre 560 mm, puis 400 mm pour le retour, raccordés par soudure miroir ou manchon électrosoudable. D'un point de vue administratif et technique, l'une des difficultés liées à sa réalisation a été de traverser quatre emprises différentes : maritime, SNCF réseau, Conseil départemental et privée. Au niveau de l'îlot Allar et du futur écoquartier Smartseille, le réseau d'eau douce arrive dans une sous-station centrale où il échange ses calories ou ses frigories avec un réseau interne équipé de 3 PAC eau/eau. Celles-ci produisent soit de l'eau chaude (chauffage et ECS), soit de l'eau froide (climatisation).

Le départ de la boucle d'eau de mer se fait depuis le quai Pinède , sur le Port autonome de Marseille. Le réseau traverse l'emprise maritime, le réseau SNCF, et une voie départementale avant d'atteindre l'îlot Allar. ©EDF Optimal Solutions / Eiffage Immobilier

La sous-station centrale est reliée à cinq sous-stations de livraison qui régulent les échanges par lot avant de rejoindre un échangeur dédié à chaque client. « Derrière cet échangeur, un compteur calorifique mesure soit les frigories soit les calories fournies au client », souligne Slimane Tahri, chef de travaux chez EDF Optimal Solutions. La sous-station A, première installation a été raccordée sur le réseau d'eau tempéré en 2016, alimente un hôtel, les bureaux de la Ville de Marseille et un restaurant.

La sous-station centrale est équipée de 3 PAC eau/eau et 2 échangeurs thermiques. ©V.Pavie

« Mutualiser l'énergie et optimiser l'installation thermique sur l'année »

Cette mixité des usages est la clef de voûte du projet énergétique. « Le fait de relier entre eux des bâtiments asynchrones aux besoins complémentaires permet de mutualiser l ' énergie et d 'optimiser l ' installation thermique tout au long de l 'année », explique Hervé Gatineau, directeur d'Eiffage Immobilier. L'équilibre thermique entre les surfaces de bureaux et les logements offre une illustration de ce fonctionnement. Un immeuble de bureaux a par nature besoin d'être climatisé. Il est consommateur en froid et libère du chaud dans l'atmosphère. Il s'agit ici de récupérer le chaud et de le transporter dans les logements via le réseau interne pour être utilisé sous forme d'ECS ou de chauffage. Et réciproquement pour la douche prise dans un logement, qui consomme du chaud et libère du froid, ici utilisé pour climatiser les bureaux. En intersaison, quand les besoins de climatisation sont faibles, un système de by-pass permet de se raccorder directement sur la boucle primaire et de rafraîchir directement les bureaux à partir de l'eau de mer. « À terme, le pilotage de toute l ' installation se fera à partir d 'une GTC installée dans la sous-station centrale et via le desk de Dalkia ( centre de pilotage de la performance énergétique situé à l 'Estaque), avec toujours une possibilité de réglage manuel », conclut Slimane Tahri.

Les immeubles de l'îlot Allar sont regroupés en cinq zones d'alimentation, un échangeur thermique étant ensuite dédié à chaque client. ©V.Pavie

Ce concept de Smartgrid basé sur la « solidarité énergétique » devrait permettre de couvrir 75 % des besoins énergétiques de l'écoquartier par des énergies renouvelables, les 25 % restants correspondant à l'électricité nécessaire au fonctionnement des 3 PAC installées sur le site. Il offre également des économies à la clef pour les usagers, sachant que « pour un T3 du niveau de la RT2012, tout électrique, les consommations énergétiques seront réduites de 1 000 €/ an à 770 € TTC/ an sans compensation photovoltaïque », détaille Hervé Gatineau. À terme, il pourrait s'étendre au-delà de l'îlot démonstrateur Allar et bénéficier à une ZAC de 700 000 m 2 de planchers implantée au cœur de de la cité Phocéenne.

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