MARNE-LA-VALLEE Un ouvrage de génie civil au sein d’un bâtiment

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MARNE-LA-VALLEE Un ouvrage de génie civil au sein d’un bâtiment

Pour répondre aux exigences extrêmes du cahier des charges de cet ouvrage hors normes, architecte et ingénieur ont développé des solutions techniques exceptionnelles, en particulier pour une plate-forme d’essais coiffée d’une couverture courbe en béton.

Inscrit dans le « cluster » Descartes qui regroupe à Marne-la-Vallée (77) des organismes de formation et de recherche dédiés à la ville durable, le bâtiment Bienvenüe (1) abrite plusieurs établissements.

Le premier est l’Ifsttar (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux), né de la fusion le 1 er janvier 2011 du LCPC (Laboratoire central des ponts et chaussées) et de l’Inrets (Institut national de recherche sur les équipements de transport et leur sécurité). Sont également présents dans ce bâtiment des services du Cstb (Centre scientifique et technique du bâtiment) et du Pres (Pôles de recherche et d’enseignement supérieur).

Bâtiment unitaire et multifonctionnel

Le programme du bâtiment Bienvenüe peut être divisé en deux grandes entités fonctionnelles et constructives.
La première, relativement conventionnelle, inclut des bureaux, des unités de recherche, de formation et des laboratoires, complétés de nombreuses annexes telles que bibliothèque, amphithéâtre, salle de réunion, centre de conférences, équipement sportif, etc. Ces services sont regroupés dans la barre composée de trois bâtiments R 5 alignés le long du boulevard Newton au nord de la parcelle.
Le second département important est le plateau technique qui comporte la nouvelle plate-forme d’essais du LCPC et des ateliers, des laboratoires, des zones de préparation et de stockage, ainsi qu’un restaurant, un auditorium et un centre de documentation. L’ensemble est aménagé dans un bâtiment couvert par une toiture en forme de vague végétalisée.
En dépit des différences considérables entre une entité que l’on peut qualifier de « tertiaire » au sens large du terme, et une autre qui s’apparente plutôt à un ouvrage d’art, le bâtiment Bienvenüe est défini comme un édifice unique, aussi bien dans l’esprit du concours d’architecture lancé en 2008 auprès de quatre agences, que dans celui du lauréat Jean-Philippe Pargade. De par son échelle et la diversité de ses fonctions, le projet Bienvenüe s’inscrit dans une démarche urbanistique, qui met en scène un espace paysager dans le prolongement de la trame verte du campus Descartes. Dans ce contexte, l’architecte a voulu concevoir un ensemble « apaisant » et sculptural, intégrant une dimension paysagère qui se manifeste, notamment, dans la couverture végétalisée du bâtiment « vague » abritant le plateau technique.
En façade sud, l’entrée principale dessert l’ensemble du site, confirmant l’unité du bâtiment, avec un vaste hall traversant nord-sud placé approximativement au centre du rez-de-jardin. Un hall lumineux, espace de convergence et de rencontre, exprimant la complémentarité et la continuité recherchées entre l’enseignement et la recherche.
D’une manière générale, l’architecture du projet favorise la transversalité entre les disciplines et assure une grande flexibilité d’adaptation aux évolutions technologiques à venir.

Conception environnementale

La dimension paysagère déjà évoquée se conjugue avec un niveau de confort et des performances énergétiques qui autorisent le projet à viser une certification « NF Bâtiments tertiaires - démarche HQE 2006 » et le label BBC (Bâtiment basse consommation) 2005.
Ainsi, l’organisation générale des lieux favorise les apports de lumière et de chaleur solaire dans un maximum de locaux. Le bâtiment vague au sud (qui plafonne ponctuellement à 12 m) est sensiblement plus bas que la barre R 5 au nord. Une succession de volumes, de profondeur limitée et régulièrement ponctués de patios, a permis d’orienter d’importantes surfaces vitrées vers le sud, avec des dispositifs de protection solaire adaptés à chaque situation.
Outre une isolation renforcée (voir « Une enveloppe bioclimatique »), le bâtiment bénéficie de la forte inertie de ses planchers et/ou plafonds en béton, qui tend à minimiser les besoins en chauffage et en rafraîchissement. Sur ce dernier point, il est prévu que les occupants ouvrent leur fenêtre en mi-saison, lorsque la température extérieure n’excède pas 26 °C. Au-dessus de ce seuil, des « poutres thermiques » au plafond rafraîchissent les locaux à partir d’un circuit d’eau refroidie par un système thermodynamique (Pac) réversible (COP 4,26 et EER de 4,15), utilisant la nappe phréatique.
La ventilation est de type VMC double flux, avec échangeurs air neuf/air extrait à haut rendement, moteurs à vitesse variable et débits régis par horloge et sonde de CO2. Les luminaires, équipés de lampes fluo-compactes, sont asservis à des sondes de présence. Une GTC (Gestion technique centralisée) optimise le fonctionnement des installations et assure un suivi de leurs performances. Par ailleurs, les eaux pluviales sont recyclées pour l’arrosage des espaces verts.
Les façades de « l’immeuble tertiaire » sont caractérisées par une isolation par l’extérieur intégrale, constituée de 20 cm de polystyrène expansé graphité.
Les murs de la façade nord sont habillés d’un revêtement de type StoTherm Classic 1 (le parement pierre prévu initialement s’est révélé trop coûteux). Ceux de la façade sud sont, eux, revêtus d’un bardage en clins de verre sérigraphié à 90 % de couleur gris noir. Cette matière minérale sombre est également présente dans les panneaux brise-soleil orientables manuellement. Cette protection solaire extérieure est complétée par un store intérieur également à commande manuelle.

Enveloppe bioclimatique

Les façades sud présentent de la sorte un aspect homogène évoquant un vaste miroir foncé découpé en facettes animées. La mise au point et la fabrication de ce parement de verre ont été assurées par Rinaldi Structal.
Tous les châssis de fenêtres sont en aluminium à rupture de pont thermique. Ils portent des vitrages isolants à couche peu émissive de 36 mm d’épaisseur totale. Les baies du pignon sont équipées de vitrages à contrôle solaire type 61/32.
Les murs-rideaux vitrés du « bâtiment vague » sont constitués de deux vitrages de 8 mm (avec couche de contrôle solaire) séparés par un espace de 22 mm rempli de gaz argon. L’intercalaire est de type Warm Edge. En été, les vitrages sont protégés par le débord de la couverture végétalisée qui atteint 2,715 m.
L’isolation des toitures n’a pas été oubliée, avec au sommet du bâtiment tertiaire une terrasse inaccessible autoprotégée et des gravillons de dolomite blanche sur les patios. Ces revêtements protègent une isolation de 120 mm de polyuréthanne. La toiture en forme de vague est couverte d’un complexe végétalisé Sopranature Green Compomed sur substrat, couche filtrante, couche drainante, étanchéité bicouche, 160 mm de laine de roche et pare-vapeur. Ce « manteau isolant » préserve l’inertie des 55 cm de béton de la dalle, dont la sous-face est laissée brute.

Bétons poussés au maximum

Peu visible de l’extérieur, le béton constitue en quelque sorte « l’âme » de ce bâtiment. Le matériau est poussé à ses limites techniques dans la plate-forme d’essais et la couverture vague (voir encadrés). La réalisation du « bâtiment tertiaire » exigeait moins du béton, mais le porte-à-faux de 12 m à l’extrémité du pignon ouest est cependant tout sauf banal. Les quatre étages « habités » au-dessus du vide étant éclairés par de grandes fenêtres, il n’était pas possible de mettre en place des armatures maillées sur une hauteur suffisante. Les efforts sont donc répartis sur les quatre étages des façades constituant d’énormes poutres latérales et sur les planchers alvéolaires de grande portée.
Point d’orgue technique du projet, la dalle d’essais du LCPC est constituée de 800 m 3 de béton C80/95 enrichi de fumées de silice (Condensil S95 DM). La mise au point de ce béton a commencé dans le laboratoire de BASF CC France à Évry-Lisses (91). Elle s’est poursuivie chez Léon Grosse sous l’autorité de Serge Favre, directeur technique, qui précise : « Une bonne année de recherche et d’essais a été consacrée à la formulation des bétons et la définition du bon système constructif, d’autant que cette dalle a été calculée en rigidité, ce qui ne se pratique jamais ». Les performances requises ont été obtenues en combinant trois caractéristiques : un ferraillage dont la densité atteint 135 kg/m 3 , le recours à un superplastifiant haut réducteur d’eau de dernière génération (Glenium Sky 537 de BASF CC, dosé entre 10 à 14 l/m 3 ) et une sélection rigoureuse des granulats, notamment des fillers siliceux C 480 Sibelco développés spécialement pour ce chantier. Même sélection rigoureuse pour le béton du mur de réaction, avec des agrégats issus de mines de fer en Afrique du sud, qui ont entraîné un surcoût exceptionnel (6 000 €/m 3 , soit environ 20 fois le prix habituel). Afin de limiter l’élévation de température importante de ce béton, les coulages ont été programmés de nuit, avec également l’avantage d’une gêne moindre de la part des autres corps de métier intervenant sur le site.

Chantier en corps d’État séparés

La couverture vague, enfin, a subi moins d’effort, mais la mise en œuvre des quelque 55 000 m 3 de béton C 40/50 la composant, couplés à des armatures haute densité (135 kg/m 3 ) a nécessité une attention particulière sur la qualité, la pose et la propreté des coffrages, puisque sa sous-face est visible comme plafond des locaux qu’elle couvre.
Sur l’ensemble du projet, ce sont 35 000 m 3 de béton qui ont été coulés, incluant au total 100 t d’adjuvants BASF CC (principalement des superplastifiants hauts réducteurs d’eau) et ponctuellement en hiver un accélérateur de prise sans chlore (Pozzolith 55). Une centrale installée sur place a produit l’essentiel du béton utilisé (environ 30 000 m 3 ), un complément étant fourni si nécessaire sous forme de BPE (Béton prêt à l’emploi). L’importance et la complexité des coulages étaient dignes d’un ouvrage de génie civil, avec par exemple des séries de 300 m 3 pour la dalle en forme de vague.
La partie béton est sans doute la plus impressionnante, mais la construction d’un bâtiment aussi complexe implique une multitude d’entreprises, relevant de domaines très différents. L’organisation du chantier en lots séparés posait de nombreux problèmes de coordination et de discipline pour chacun des intervenants, d’autant qu’il s’agissait d’un « chantier propre » dans le sens de la HQE. Cette caractéristique entraîne un ensemble de contraintes, notamment dans la gestion des déchets, souvent mal connues de certains sous-traitants. On a dénombré jusqu’à 360 personnes en action simultanément, dont un maximum de 104 pour la seule entreprise Léon Grosse. Pour cette dernière, la pression était d’autant plus forte que les ingénieurs des ponts et chaussée ont exercé un contrôle rigoureux sur la réalisation de « leur » plate-forme d’essais. Ils sont les premiers occupants d’un site encore en travaux à leur arrivée. Certains ingénieurs éprouveront sans doute une forme de nostalgie en quittant leur centre historique du boulevard Lefèvre (Paris xv e ) construit en 1940 par l’architecte Gabriel Héraud, mais ils disposent maintenant à Marne-la-Vallée d’un équipement quasiment unique au monde.

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