© Doc. Roland Bourguet.
L’ordonnance du 17 juin 2004, ratifiée par la loi du 9 décembre 2004, a transformé la loi MOP de 1985 en ouvrant la gestion des marchés publics à des professionnels privés. Une harmonisation avec le droit européen qui ne change toutefois pas la mission d’intérêt général attribuée au maître d’ouvrage public.
La loi du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite loi « MOP » est le premier texte faisant état du maître d’ouvrage public comme étant la personne pour le compte de laquelle les travaux sont exécutés. C’est la même notion en droit privé, mais des différences sensibles doivent être relevées, notamment quant aux compétences impératives de cette fonction. Le maître d’ouvrage public, responsable principal de l’ouvrage, remplit dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre. L’évolution de cette loi MOP, en 2004, a foncièrement ouvert les barrières entre les travaux publics et les travaux privés d’intérêt général, et modifié en conséquence le régime applicable aujourd’hui à la maîtrise d’ouvrage publique.
La loi MOP s’applique à toutes les personnes publiques ou privées qui assument des tâches d’intérêt général, telles que les sociétés privées d’HLM, les sociétés d’économie mixte, les caisses régionales et primaires d’assurances maladie et d’allocations familiales. Toutefois, ces personnes privées ne sont pas entièrement assimilées aux personnes publiques maîtres d’ouvrage : ces dernières passent des contrats administratifs, relèvent exclusivement des juridictions administratives alors que les personnes privées passent des contrats de droit privé et relèvent des juridictions de l’ordre judiciaire (tribunal de grande instance ou de commerce et Cour d’appel).
Avec la loi MOP de 1985, le maître d’ouvrage avait pour mission d’assurer la détermination de la faisabilité et de l’opportunité de l’opération envisagée, la localisation de l’ouvrage, la définition du programme, d’arrêter l’enveloppe financière prévisionnelle, de choisir le maître d’œuvre et l’entrepreneur et de conclure avec eux les contrats d’études et de travaux correspondant aux prestations définies. Ce maître d’ouvrage remplissant une mission d’intérêt général ne pouvait, en aucun cas, déléguer la définition du programme, ni la détermination de l’enveloppe financière prévisionnelle. Il avait toutefois la possibilité de confier certaines missions limitées à des mandataires, réservées à d’autres maîtres d’ouvrage publics. Ces mandataires n’avaient pas de pouvoirs propres et agissent au nom et pour le compte du maître de l’ouvrage public. Le recours à des sociétés privées était prohibé.
Cette législation de la loi MOP a dû évoluer car elle s’opposait au droit communautaire qui prohibe, notamment, le fait de réserver certaines prestations aux seules personnes de droit public, solution incompatible avec les principes de libre prestation de services et de liberté d’établissement.
Une harmonisation avec le droit européen
La mission de délégation à d’autres maîtres d’ouvrage – mission de service – relève des marchés publics de services, mais n’était soumise à aucune mesure de publicité ou de mise en concurrence et violait elle aussi la directive européenne la soumettant à des règles de transparence. Le Conseil d’Etat le 5 mars 2003 et la Cour de justice des communautés européennes le 20 octobre 2005, ont donc officiellement considéré que l’application de la loi MOP violait les règles communautaires. En outre, certains maîtres d’ouvrage publics souhaitaient confier la réalisation d’ouvrages publics à des opérateurs privés.
L’harmonisation est venue de l’ordonnance du 17 juin 2004, ratifiée par la loi du 9 décembre 2004 qui a ouvert la gestion des marchés publics à des professionnels privés. Dorénavant, à l’exception de la définition du programme et de la détermination de l’enveloppe financière prévisionnelle, le maître d’ouvrage public peut faire appel à des personnes publics ou privées, sans liste limitative, pour leur confier des missions de mandataire comme la maîtrise d’ouvrage déléguée. Il est toutefois nécessaire de garantir l’impartialité et l’indépendance de ce mandataire au regard de la mission confiée. À cet égard il est prévu deux dispositions impératives :
– l’incompatibilité de la fonction de mandataire avec toute mission de maîtrise d’œuvre, d’exécution de travaux ou de contrôle technique, en rapport avec l’ouvrage, objet du mandat. Il est précisé que cette incompatibilité s’applique à toute entité ou entreprise avec laquelle le mandataire pourrait être lié,
– l’obligation d’exécuter personnellement le contrat de mandat, sans pouvoir le déléguer. La sous-traitance du mandat est impossible, le mandataire ayant une fonction de représentation exigeant « l’intuitu personae ».
Le « contrat de partenariat », contrat administratif, créé par l’ordonnance du 17 juin 2004, appelé partenariat public-privé ou contrat PPP, permet à une personne publique, en s’abstenant d’être maître d’ouvrage, de confier à un cocontractant privé une mission globale, en le rémunérant en tout ou partie par des paiements échelonnés tout au long du contrat. Il s’agit de prestations concourant à l’exercice par la personne publique de la mission de service public dont elle est chargée, le service public lui-même ne pouvant être confié à un tiers. Ces contrats de partenariat sont de nature à modifier sensiblement la notion de maîtrise d’ouvrage public, mais ils peuvent être passés, dans l’état de la législation actuelle, uniquement pour des projets complexes ou présentant un caractère d’urgence.